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16/04/2018 | FRANCE | N°17NT00058

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 avril 2018, 17NT00058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...J..., ainsi que quatre autres requérants, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille et Vilaine du 13 mars 2014 déclarant d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Servon-sur-Vilaine de parcelles de terrain cadastrées section AR n° 126 et 157 et AV n° 42 en vue de la constitution de réserves foncières.

Par un jugement n°1402663 du 18 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leur demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2017, la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...J..., ainsi que quatre autres requérants, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille et Vilaine du 13 mars 2014 déclarant d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Servon-sur-Vilaine de parcelles de terrain cadastrées section AR n° 126 et 157 et AV n° 42 en vue de la constitution de réserves foncières.

Par un jugement n°1402663 du 18 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2017, la commune de Servon-sur-Vilaine, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la requête de M. et Mme J...et des autres requérants ;

3°) de mettre à la charge des demandeurs une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Servon-sur-Vilaine soutient que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est erroné dès lors que le projet de réserves foncières n'avait pas directement et immédiatement pour objet la réalisation de travaux ou d'ouvrages mais exclusivement l'acquisition de terrains ;

- l'utilisation d'un dossier simplifié tel que prévu par les dispositions de l'ancien article R. 11-3 II du code de l'expropriation était licite ;

- le projet d'aménagement du secteur correspondant de la commune n'est pas encore précisément arrêté mais la constitution des réserves foncières est nécessaire dans une perspective de maîtrise de l'urbanisation ;

- le secteur considéré présente une importance stratégique pour la commune du fait de sa localisation à proximité de plusieurs axes de communication ;

- la servitude de constructibilité restreinte devait tomber à compter du 27 janvier 2015, et la commune devait ainsi se doter d'outils de pilotage de son projet lui permettant de maîtriser le tènement foncier considéré ;

- les moyens d'annulation soulevés en première instance ne sont pas fondés ;

- l'avis de France Domaine sur le projet a été recueilli le 10 avril 2013 ;

- le signataire de l'arrêté préfectoral disposait d'une délégation de signature régulièrement établie et publiée ;

- le rapport et les conclusions du commissaire-enquêteur étaient suffisamment complètes et précises ;

- le projet d'aménagement de la commune, portant sur de l'habitat et des équipements publics dans un secteur stratégique en pleine réorganisation urbaine, répond aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet de la commune, qui vise à développer à proximité de la gare un nouveau quartier, n'est pas dépourvu d'utilité publique et n'emporte pas une atteinte disproportionnée à la propriété privée.

Par un mémoire en observation enregistré le 1er mars 2017, le ministre de l'intérieur conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif et au rejet de la requête de M. et Mme J...et des autres requérants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2017, M. et Mme G...J..., M. B...J..., Mlle A...J..., M. D...J...et Mme I...H..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Servon-sur-Vilaine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme J...et les autres requérants font valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés n'est fondé.

Par lettre enregistrée le 4 décembre 2017, M. G...J...a été désigné par son mandataire, MeC..., représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeK..., représentant la commune de Servon-sur-Vilaine, et de MeF..., représentant M. et Mme J...et les autres requérants.

1. Considérant que par un arrêté du 13 mars 2014, le préfet d'Ille et Vilaine a, à la demande de la commune de Servon sur Vilaine, déclaré d'utilité publique le projet de cette dernière de constituer des réserves foncières ; que M. et Mme J...ainsi que les autres titulaires de l'indivisionJ..., propriétaires des terrains concernés, ont contesté la légalité de cet arrêté ; que la commune de Servon-sur-Vilaine relève appel du jugement en date du 18 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leur demande et a annulé l'arrêté préfectoral du 13 mars 2014 ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 11-1 alors applicable du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " I. - L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête publique et qu'il aura été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et autres intéressés (... ) III.- L'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique des opérations autres que celles mentionnées au II est menée par un commissaire-enquêteur ou une commission d'enquête selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; que, pour l'application du III de l'article L. 11-1 précité, l'article R. 11-3 alors applicable du même code opère une distinction lorsque, d'une part, " la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages ", cas de figure correspondant au I de l'article R. 11-3, ou, d'autre part, " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi (...) ", cas correspondant au II du même article ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération en date du 17 avril 2013, le conseil municipal de la commune de Servon-sur-Vilaine a décidé de recourir à la procédure de l'expropriation pour cause d'utilité publique afin de constituer des réserves foncières et a sollicité à cette fin le préfet d'Ille et Vilaine ; que ce dernier, à la suite de l'enquête publique s'étant déroulée du 16 janvier au 2 février 2014, a, par un arrêté du 13 mars 2014, déclaré d'utilité publique ce projet de constitution d'une réserve foncière ; qu'il ressort de la notice explicative du projet soumis à enquête publique que les réserves foncières que se propose d'acquérir la commune sont destinées à lui permettre de réaliser, à terme, une opération d'aménagement " mixant habitat et équipements publics " ; que l'acquisition, préalablement à l'opération d'aménagement prévue par la commune, des terrains concernés par le projet mentionné plus haut ne saurait, du seul fait qu'il s'agisse de terrains, exclure le projet de la commune de Servon sur Vilaine du cadre fixé par le II de l'article R. 11-3 précité ; qu'il en va de même des circonstances relevées par le tribunal administratif qu'un tel projet d'aménagement, qui devrait porter sur une superficie de 3,6 hectares, serait dépourvu d'une importance suffisante et ne présenterait également aucun caractère d'urgence ; que la procédure suivie et l'enquête publique à laquelle elle a donné lieu, menées à partir d'un dossier constitué en application du II de l'article R. 11-3 précité, n'étaient ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, entachées d'aucune irrégularité ; que c'est ainsi à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté préfectoral du 13 mars 2014 ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme J...et les autres requérants tant en première instance qu'en appel ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes, les établissements publics mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 324-1 et les grands ports maritimes sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1. " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs ou du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d'expropriation pour constituer des réserves foncières, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, selon la notice explicative jointe au dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique sollicitée par la commune de Servon-sur-Vilaine, le projet de cette dernière prévoit, sans plus de précisions, de constituer une réserve de terrains en vue de disposer de la maîtrise foncière lui permettant de réaliser, au sud de la commune et à proximité de la gare, une opération d'aménagement mixant habitat et équipements publics ; que cette notice, extrêmement succincte, indique à plusieurs reprises que les contours de cette opération d'aménagement ne sont pas encore définis et que la commune poursuit une " stratégie à long terme " ; que le type d'habitat ou la nature des équipements publics projetés ne sont aucunement précisés ; que la commune avait auparavant classé, en 2010, le secteur considéré, d'une part, en zone 1 AUAc, correspondant à un secteur à vocation d'activité commerciale et de services, et, d'autre part, en zone 2 AUAc, correspondant à une zone à vocation à vocation d'activités économiques, en assortissant alors ce secteur d'une servitude de constructibilité limitée dont elle n'a jamais fait usage ; que la notice explicative mentionnée plus haut n'opère aucun renvoi précis vers les orientations d'urbanisme ayant prévalu lors de la définition de son document d'urbanisme, notamment au travers de son rapport de présentation et du projet d'aménagement et de développement durable de la commune ; que les " enjeux dégagés dans les documents d'urbanisme réglementaires " ne sont jamais rappelés et illustrés ; que si la commune fait état dans cette notice de " besoins " en matière d'habitat et d'équipements publics " à ce jour constatés ", elle ne précise jamais comment un tel constat, qui n'est pas formulé, a pu être opéré et pris en compte ; que la " réflexion mûrement aboutie " dont elle fait également état n'est jamais illustrée de manière tangible ; qu'il en va de même de la " vaste étude urbaine " dont la notice explicative fait état ; que la notice explicative se contente de mentionner en sa page 13 que " La maîtrise publique du tènement foncier considéré a pour but d'éviter qu'une utilisation immédiate du terrain par des acteurs privés ne compromette l'usage ultérieur envisagé " sans toutefois jamais préciser cet usage ultérieur ; qu'ainsi, les éléments communiqués par la commune, de caractère très général et parfois contradictoires, ne permettent en conséquence pas de regarder cette dernière comme poursuivant effectivement une action ou un projet d'aménagement au sens des articles L. 300-1 du code de l'urbanisme justifiant de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Servon-sur-Vilaine n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du préfet d'Ille et Vilaine du 13 mars 2014 ;

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme J...et les autres requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente affaire, la somme que réclame la commune de Servon-sur-Vilaine en raison des frais qu'elle a exposés ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Servon-sur-Vilaine et de l'Etat, au même titre, pour chacun d'eux, une somme de 750 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Servon-sur-Vilaine est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la commune de Servon-sur-Vilaine et de l'Etat, pour chacun d'eux, le versement d'une somme de 750 euros à M. et Mme J...et aux autres requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Servon-sur-Vilaine, à M. G...J..., premier dénommé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille et Vilaine.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir , président,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. Sacher, premier conseiller,

Lu en audience publique le 16 avril 2018.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00058
Date de la décision : 16/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET JEAN-PAUL MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-16;17nt00058 ?
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