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13/04/2018 | FRANCE | N°17NT01790

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 avril 2018, 17NT01790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation à compter du 29 septembre 2014.

Par un jugement n° 1502540 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2017, Mme C... épouseD..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce j

ugement du tribunal administratif de Nantes du 13 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 13 janvie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation à compter du 29 septembre 2014.

Par un jugement n° 1502540 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2017, Mme C... épouseD..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 13 janvier 2015 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au ministre chargé des naturalisations de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le ministre s'est uniquement fondé sur une procédure classée sans suite alors qu'elle est venue en aide à des compatriotes en les hébergeant pour une seule nuit avant qu'ils ne déposent une demande d'asile politique, qu'elle ignorait que ces faits étaient répréhensibles, qu'elle vit avec son conjoint et leurs enfants depuis près de 20 ans et que l'ensemble de sa famille a obtenu la nationalité française depuis 2008 et 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.

1. Considérant que Mme C... épouse D...relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que le ministre de l'intérieur, chargé des naturalisations, a estimé dans sa décision du 13 janvier 2015 que Mme D...n'avait pas réalisé pleinement son insertion professionnelle en France et qu'elle avait fait l'objet le 23 octobre 2012, à Metz, d'une procédure pour aide à entrée, circulation ou séjour irrégulier d'un étranger en France, ayant donné lieu à un classement sans suite après un rappel à la loi ; que le ministre a admis en défense devant les premiers juges que le premier motif manque en fait mais soutient que sa décision aurait pu être fondée uniquement sur le second motif ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme D...s'est rendue coupable de l'infraction mentionnée au point 3 en hébergeant pour une seule nuit des compatriotes qui allaient déposer le lendemain une demande d'asile politique ; que l'intéressée, qui ignorait que ces faits étaient répréhensibles, n'a fait l'objet d'aucune autre critique sur son comportement alors qu'elle séjourne en France depuis 2001 ; que dans ces conditions, et en dépit de son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de Mme D...pour ce motif, le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation présentée par Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais liés au litige:

7. Considérant que Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat, Me B..., peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1000 euros à Me B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502540 du tribunal administratif de Nantes en date du 13 avril 2017 ainsi que la décision du 13 janvier 2015 du ministre de l'intérieur ajournant à 2 ans la demande de naturalisation présentée par Mme D...sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation présentée par Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le versement de la somme de 1000 euros à Me B... est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2018.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIERLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01790
Date de la décision : 13/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : GORGOL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-13;17nt01790 ?
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