Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 février 2016 du préfet du Loiret portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays d'origine comme pays de destination, la République démocratique du Congo, ou tout pays pour lequel elle établit être admissible.
Par un jugement n°1601502 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2016 et le 29 mars 2017, MmeA..., représentée par Me Dos Reis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 juillet 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un document de circulation prévu par l'article 4 du décret n°46-1874 du 30 juin 1946, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les services de police n'ont pas compétence pour apprécier le caractère authentique des documents d'identité ; elle ne s'est pas trompée dans l'énoncé du nom de son père Thomas Pungu Ndjadi ; un jugement supplétif d'acte de naissance du TI de Kinshasa, retranscrit sur son acte de naissance, démontre qu'elle est mineure, née le 10 avril 1999 à Kinshasa ; sa minorité a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 6 janvier 2017 ;
- cette décision méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du même code ; le test osseux a une fiabilité incertaine ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2017, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante congolaise, relève appel du jugement du 19 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2016 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
3. Considérant que Mme A... produit, pour la première fois en appel, un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe du 15 janvier 2015, un acte de naissance du 27 janvier 2015 comportant la transcription de ce jugement supplétif de naissance, ainsi qu'un arrêt du 6 janvier 2017 de la cour d'appel d'Orléans, constatant la minorité de MmeA..., comme étant née le 10 avril 1999 à Kinshasa ; que le dispositif de cet arrêt ayant acquis force de chose jugée s'impose à l'administration comme au juge administratif ; que, dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme mineure à la date de l'arrêté contesté, et le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli ; que, par suite, la décision par laquelle le préfet du Loiret a fait obligation à la requérante de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doit être annulée ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que l'annulation par le présent arrêt de la mesure d'éloignement et de fixation du pays de renvoi prise à l'encontre de la requérante n'implique par elle-même aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de Mme A... doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les frais liés au litige:
6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au profit de Me Dos Reis, avocat de MmeA..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1601502 du 19 juillet 2016 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 13 février 2016 du préfet du Loiret sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Dos Reis la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°16NT037502