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19/03/2018 | FRANCE | N°17NT00733

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 mars 2018, 17NT00733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Rennes à lui verser une somme de 235 889,47 euros hors arrérages échus et rentes capitalisées au jour du jugement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 13 novembre 2015. Pour sa part, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à ce tribunal de condamner la commune de Rennes à verser à l'Et

at la somme de 33 486,42 euros.

Par un jugement n° 1405444 du 29 décembre 2016 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Rennes à lui verser une somme de 235 889,47 euros hors arrérages échus et rentes capitalisées au jour du jugement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 13 novembre 2015. Pour sa part, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à ce tribunal de condamner la commune de Rennes à verser à l'Etat la somme de 33 486,42 euros.

Par un jugement n° 1405444 du 29 décembre 2016 le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a condamné la commune de Rennes à verser à Mme E... la somme totale de 8 708,49 euros, sous déduction de la provision qui lui a déjà été accordée et, d'autre part, a condamné la commune de Rennes à verser à l'Etat une somme de 33 486,42 euros.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 février 2017, le 22 décembre 2017 et le 16 février 2018, Mme F...E..., représentée par Me l'Hostis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2016 ;

2°) de fixer son préjudice extra-patrimonial à la somme de 8 114,80 euros ;

3°) de fixer son préjudice patrimonial à la somme de 249 427,02 euros arrêtée au 31 décembre 2016 outre la somme de 8 114,80 euros par an entre le 1er janvier 2017 et le 1er septembre 2023 ;

4°) de condamner la ville de Rennes au paiement des sommes précitées avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2014, date de la demande préalable, les intérêts échus un an après cette date s'ajoutant au capital pour porter à leur tour intérêts, et ce à chaque échéance annuelle, ainsi qu'il est dit à l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Rennes le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expertise médico-légale réalisée en 2013 a évalué l'aggravation de ses préjudices et les premiers juges n'ont fait que partiellement droit à sa demande ; elle demande une indemnisation complémentaire selon les modalités suivantes :

- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 346,84 euros au titre des frais de déplacement ; 6,40 euros au titre des frais de copie et de poste ; 900 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne, dont le besoin est établi par le rapport d'expertise, en dépit de l'absence de ce point dans les conclusions définitives ; 481,45 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

- les premiers juges ont fait droit à la demande tendant à l'indemnisation de ses dépense de santé restées à sa charge ; c'est à tort que le tribunal n'a pas admis l'indemnisation de séances de kinésithérapie d'entretien à hauteur de 30/an minimum ainsi que d'une prise en charge psychologique à raison de 2 séances par mois ; elle justifie de l'utilité des séances de kinésithérapie et de suivi psychologique ;

- elle a dû se résoudre à prendre sa retraite de façon anticipée à la rentrée 2012 alors qu'elle aurait souhaité poursuivre son activité jusqu'à 67 ans ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande ; entre septembre 2012, date à laquelle elle a dû prendre sa retraite de manière anticipée, et le 31 décembre 2016, date à laquelle elle serait partie à la retraite si son état de santé ne s'était pas aggravé, elle a perdu 37 099,44 euros ; la perte financière annuelle ultérieure est de 8 729,28 euros entre le 1er janvier 2017 et le 1er septembre 2023, qui devra être capitalisée ;

- si elle avait poursuivi son activité jusqu'à 67 ans, elle aurait dû percevoir une retraite de 44 424 euros par an ; or à ce jour sa retraite est évaluée à 32 459,52 euros, soit une perte annuelle de 11 874,48 euros ; elle est fondée à demander l'indemnisation de sa perte par le versement d'un capital déterminé sur l'euro de rente pour une femme de 67 ans fixé par le barème publié par la Gazette du Palais le 26 avril 2016 soit un total de 249 427,02 euros hors annuités à capitaliser et arrérages échus ;

- les premiers juges ont accordé une indemnisation de 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; or elle est en droit d'obtenir 23 euros par jour soit 864,80 euros ;

- les premiers juges ont limité l'indemnisation des souffrances endurées qui sont de 3,5/7 à 6 000 euros ; cette indemnisation n'est pas à la mesure de son acuité réelle ; elle doit être indemnisée à hauteur de 6 500 euros ;

- les premiers juges ont limité l'indemnisation du préjudice esthétique permanent de 0,5/7 à 500 euros cette indemnisation n'est pas à la mesure de son acuité réelle ; elle doit être indemnisée à hauteur de 750 euros.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 25 janvier 2018, la ville de Rennes, représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de MmeE... ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2016 en tant qu'il a condamné la ville de Rennes à verser à Madame E...une somme totale de 8 708,49 euros et réduire le quantum de la condamnation à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que :

- s'agissant des frais d'assistance à expertise, de copie, et de poste, le tribunal a fait droit à la demande de Mme E...à hauteur de 353,24 euros ; l'appelante doit être regardée comme ayant définitivement abandonné cette demande en cause d'appel ; en outre l'expertise a été sollicitée à sa seule demande, sans que la ville de Rennes n'en soit avertie ; la ville a supporté les frais relatifs à l'expertise du 12 décembre 2013 réalisée par les docteurs Bonfils et Madec ; la ville de Rennes ne pouvait valablement être condamnée à une quelconque indemnisation de ce chef ;

- s'agissant de l'assistance par tierce personne, le tribunal a fait droit à la demande de Mme E...à hauteur de 485 euros sur la base d'un taux horaire de 10,78 euros ; l'appelante doit être regardée comme ayant définitivement abandonné cette demande en cause d'appel ; en outre le tribunal a incorrectement apprécié la situation car dans ses conclusions, l'expert n'a pas repris ce poste de préjudice dès lors que Mme E...a été effectivement aidée par son mari à raison de 1h30 par jour ; par ailleurs, le mode de calcul par les premiers juges est entaché d'une erreur dès lors que le SMIC horaire brut s'élevait entre le 2 février et le 2 mars 2012, à 9,22 euros, soit 10,41 euros pour tenir compte des charges patronales ; à titre subsidiaire ce chef de préjudice doit être cantonné à la somme de 468,45 euros ;

- s'agissant des dépenses de santé restées à charge : Mme E...a sollicité l'indemnisation des frais de santé qui seraient restés à sa charge en 2013 et 2014 à hauteur de 89,30 euros et le tribunal administratif de Rennes fait droit à la demande de l'intéressée à hauteur de 88,80 euros ; Mme E...ne critique pas le jugement sur ce point, mais elle ne conclut pour autant pas à l'intégration de ce montant dans le calcul de son préjudice patrimonial si bien que ce chef de la demande doit être regardé comme purement et simplement abandonné ; en toute hypothèse la ville de Rennes conteste ce volet du jugement dès lors qu'aucune addition des postes précités ne permet d'aboutir à la somme de 88,80 euros retenue par les premiers juges ; à titre subsidiaire, le jugement doit être réformé et la condamnation de la ville de Rennes ramenée à la somme de 32,30 euros, correspondant à 28,30 euros au titre des consultations de suivi psychologique et 4 euros au titre des consultations de kinésithérapie ;

- s'agissant des dépenses de santé futures : Mme E...critique le jugement au titre de ce chef de préjudice ; pourtant le quantum de la rente au versement de laquelle elle conclut (soit 8 114,80 euros) est inférieur au montant de la rente revendiquée dans ses écritures au titre des pertes de gains professionnels (8 729,28 euros) et a fortiori, à la somme de cette rente et de celle qu'elle sollicite au titre des dépenses de santé futures (39 euros) ; ce volet de la demande doit donc être regardé comme purement et simplement abandonné ; subsidiairement, le jugement doit être confirmé sur ce point, ni les séances de kinésithérapie ni le suivi psychologique allégués ne constituent un préjudice certain ;

- s'agissant de la perte de gains professionnels : c'est à raison que les premiers juges ont écarté sa demande d'indemnisation de la prétendue perte de gains professionnels subie ; à titre subsidiaire, la demande de l'appelante principale devrait être cantonnée à de plus justes proportions ;

- s'agissant de l'incidence professionnelle : ce volet de la demande doit être regardé comme définitivement réduit en appel à la somme de 8 114,80 euros ; c'est à raison que le Tribunal a considéré que le départ à la retraite de Mme E...ne résultait pas d'une stricte nécessité médicale en lien direct et certain avec l'aggravation de son état de santé ; à titre subsidiaire, ce chef de préjudice devrait être réduit ;

- s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux : en condamnant la ville de Renne à lui verser une somme de 800 euros au titre de ce chef de préjudice, les premiers juges ont fait une application erronée des règles applicables en la matière ; ce chef de préjudice devra être cantonné à une somme qui ne saurait excéder 495,30 euros (équivalent à 13 € / jour) ;

- s'agissant des souffrances endurées : en lui allouant une somme de 6 000 euros, le tribunal administratif de Rennes a fait une inexacte appréciation de la situation ; la cause des souffrances évoquées n'est pas liée à l'aggravation de l'état de santé de l'appelante mais au fait que le passage à la retraite est toujours un moment de changement de rythme de vie où le sujet peut perdre en gratification sociale, ce qui peut être traumatisant et engendrer des souffrances psychologiques ; si la cour retenait l'existence d'un lien entre les souffrances évoquées et l'aggravation de l'état de santé de Mme E...ce chef de préjudice serait réduit à de plus justes proportions ;

- s'agissant du préjudice esthétique permanent : en condamnant la ville de Rennes au versement d'une somme de 500 euros, les premiers juges ont fait une interprétation incorrecte de la situation, il n'apparaît plus de différence significative par rapport à l'état préexistant sur une grande zone cicatricielle de 24 cm.

II) Par une requête, enregistrée le 7 mars 2017, la ville de Rennes, représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2016 en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 33 486,42 euros ;

2°) de ramener les prétentions indemnitaires de l'Etat à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de L'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- par la seule production d'états liquidatifs dressés bien après les dates auxquelles les sommes qu'ils recensent correspondent, l'Etat n'a pas démontré que les traitements et accessoires de traitement calculés ont effectivement été payés à MmeE... ;

- l'Etat n'a pas démontré que les frais d'ordre médical qu'il sollicitait n'étaient pas déjà compris dans le montant réclamé à la requérante au titre des dépenses de santé restées à sa charge, par ailleurs indemnisées au profit de la requérante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les bulletins de paie versés au dossier prouvent que l'Etat a versé les traitements et charges patronales y afférentes à Mme E...pendant la période de janvier à juillet 2012 ;

- les justificatifs médicaux produits démontrent que les sommes réclamées par la requérante ne correspondent pas aux prestations qui avaient été prises en charge par l'Etat.

Par deux mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 28 décembre 2017 et le 16 février 2018, MmeE..., représentée par Me l'Hostis, demande à la cour :

1°) de fixer son préjudice extra-patrimonial à la somme de 8 114,80 euros ;

2°) de fixer son préjudice patrimonial à la somme de 249 427,02 euros arrêtée au 31 décembre 2016 outre la somme de 8 114,80 euros par an entre le 1e janvier 2017 et le 1er septembre 2023 ;

3°) de condamner la ville de Rennes au paiement des sommes précitées avec intérêts au

taux légal à compter du 13 novembre 2014, date de la demande préalable, les intérêts échus un an après cette date s'ajoutant au capital pour porter à leur tour intérêts, et ce à chaque échéance annuelle, ainsi qu'il est dit à l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Rennes le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux présentés dans sa requête n° 17NT00733 susvisée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure ;

- les conclusions, de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., alors qu'elle était institutrice dans une école maternelle à Rennes, a été victime, dans l'exercice de ses fonctions, le 29 mai 1995, d'une chute dans une trappe d'accès à un vide sanitaire laissée ouverte par les services techniques de la ville de Rennes. Par un jugement du 28 mai 2003 du tribunal administratif de Rennes et deux arrêts des 2 décembre 2005 et 20 février 2007 de la cour administrative d'appel de Nantes, la commune de Rennes a été condamnée à indemniser Mme E... des conséquences dommageables de cet accident. Un rapport d'expertise médicale amiable et contradictoire, établi le 28 février 2014, a constaté une aggravation de l'état de santé de l'intéressée à compter du 15 septembre 2011, liée à l'accident du 29 mai 1995, et a fixé la date de consolidation de cette aggravation au 26 juillet 2012. Par un jugement du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a condamné la commune de Rennes à verser à Mme E... une somme totale de 8 708,49 euros, comprenant 353,24 euros au titre des frais divers, 88,80 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge en 2013 et 2014, 485 euros au titre de ses besoins temporaires d'assistance par une tierce personne, 481,45 euros au titre des pertes de gains professionnels subies correspondant au non-versement d'indemnités de fonctions de directrice pendant 97 jours, 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi du fait de l'aggravation de son état de santé, 6 000 euros au titre des nouvelles souffrances évaluées à 3,5/7 et 500 euros au titre d'un préjudice esthétique supplémentaire de 0,5, sous déduction de la provision qui lui a déjà été accordée. D'autre part, il a condamné la commune de Rennes à verser à l'Etat, employeur de MmeE..., une somme de 33 486,42 euros à titre de remboursement des prestations versées à la victime.

2. Par une requête enregistrée sous le n° 17NT00733 Mme E...relève appel de ce jugement en tant qu'il limite son indemnisation à la somme de 8 708,49 euros et demande à la cour de condamner la ville de Rennes à lui verser la somme de 8 114,80 euros au titre de son préjudice extra-patrimonial ainsi que la somme de 249 427,02 euros au titre de son préjudice patrimonial. Par la voie de l'appel incident, la ville de Rennes demande que le montant de sa condamnation soit ramené à de plus justes proportions. Par une requête enregistrée sous le N° 17NT00857, la ville de Rennes demande à la cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 33 486,42 euros. Ces deux requêtes présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les indemnités auxquelles a droit MmeE... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

3. En premier lieu, Mme E...a obtenu devant les premiers juges la condamnation de la ville de Rennes à lui verser la somme de 485 euros au titre de ses besoins temporaires d'assistance par tierce personne, dès lors qu'à la suite de l'intervention chirurgicale qui a été pratiquée elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de classe 3 pendant un mois à compter du 2 février 2012 et a dû, pendant cette période, être aidée par son mari à raison d'une heure trente minutes par jour. Contrairement à ce que fait valoir la ville de Rennes, la circonstance que les experts n'ont pas mentionné ce besoin dans leur synthèse n'est pas de nature à remettre en cause la nécessité de l'aide d'une tierce personne à raison d'une heure trente minutes par jour durant un mois pour la toilette, l'habillage, le repas et le coucher, soit 45 heures au total. Les premiers juges ont apprécié les frais en découlant à la somme de 485 euros. Les conclusions de Mme E...tendant à ce que la somme qui lui a été allouée à ce titre soit portée à 900 euros doivent être rejetées, dès lors que le taux horaire de 20 euros qu'elle retient n'est pas justifié. En revanche, en prenant comme référence le coût horaire du SMIC qui s'élevait pour la période en cause à 9,22 euros, augmenté de 13 % au titre des charges patronales sur une base de 390 jours par an pour tenir compte des congés payés, la somme due à Mme E...doit être ramenée au montant de 468,45 euros.

4. En deuxième lieu, Mme E... a obtenu le remboursement des dépenses de santé restées à sa charge en 2013 et 2014 pour un montant de 88,80 euros. La réalité de ces dépenses de santé doit être regardée comme établie par le relevé de prestations de la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) produit par la requérante. Par la voie de l'appel incident, la ville de Rennes conteste tant la nécessité de consulter un médecin généraliste et un osthéopathe que l'existence d'un lien direct et certain entre l'aggravation des séquelles dont souffre la requérante à la suite de son accident de service et ces consultations. Toutefois, eu égard à la symptomatologie douloureuse du rachis dont souffre la requérante, qui a d'ailleurs nécessité une intervention chirurgicale pour procéder à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse qui avait été posé à la suite de l'accident survenu en 1995, la nécessité d'une consultation d'ostéopathie et d'un généraliste doit être regardée comme établie, de même que doit être admise l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ces consultations et l'aggravation de l'état de santé de MmeE.... Par conséquent, les conclusions de la ville de Rennes tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 88,80 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge doivent être rejetées.

5. Pour sa part, Mme E...demande qu'outre la somme qu'elle a déjà obtenue, la ville de Rennes soit condamnée à l'indemniser des dépenses relatives aux séances de kinésithérapie à vie que requiert, selon elle, son état de santé à raison de trente séances par an, et de celles liées à un suivi psychologique à raison de deux séances par mois. La requérante sollicite le versement d'une rente annuelle de 39 euros à ce titre. Il résulte de l'instruction que Mme E...a effectivement présenté une réaction anxio-dépressive à la suite de l'aggravation de son état de santé, relevée par le rapport d'expertise. Toutefois, cette circonstance ne suffit pas à établir que des séances de kinésithérapie ainsi qu'une prise en charge psychothérapeutique à vie seraient nécessaires de ce fait. Par ailleurs, la seule production par la requérante d'un certificat médical établi par un médecin généraliste, attestant d'une telle nécessité ne suffit pas à infirmer les conclusions du rapport d'expertise qui ne fait pas état du caractère indispensable d'une telle prise en charge. Ainsi, le préjudice invoqué par Mme E...ne présentant pas de caractère certain, sa demande indemnitaire sur ce point ne saurait être accueillie.

6. En troisième lieu, Mme E... sollicite l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs qu'elle subit du fait de son départ anticipé à la retraite au mois de septembre 2012 à l'âge de 56 ans et demande, par ailleurs, une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, correspondant à la perte des droits à pension résultant de son départ anticipé à la retraite. Mme E...fait valoir qu'elle " a dû se résoudre à prendre sa retraite de façon anticipée à la rentrée 2012 " alors qu'elle aurait souhaité poursuivre ses activités éducatives jusqu'à l'âge de 67 ans. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le taux de déficit fonctionnel permanent dont Mme E... reste atteinte doit être évalué à 15 %, compte tenu de la persistance d'un syndrome rachidien avec raideur moyenne du rachis lombaire. Toutefois, les experts n'ont pas conclu à son inaptitude définitive à exercer ses fonctions et se sont bornés à retranscrire dans leur rapport le sentiment de l'intéressée d'avoir été contrainte à un départ à la retraite anticipé, sans souscrire à cette analyse. De plus, comme l'ont relevé les premiers juges, le départ à la retraite de la requérante n'est pas intervenu au terme d'une procédure de mise à la retraite pour invalidité, mais a été décidée par l'intéressée elle-même. Le certificat médical établi par le médecin traitant de Mme E..., selon lequel l'état de santé de sa patiente avait nécessité son départ à la retraite anticipé ne suffit pas à démontrer, compte tenu des conclusions expertales, que ce départ de l'intéressée à l'âge de 56 ans résulterait d'une stricte nécessité médicale en lien direct et certain avec l'aggravation de son état de santé. Par conséquent, les prétentions indemnitaires de Mme E...au titre de la perte de gains professionnels futurs doivent être rejetées.

7. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que le jugement attaqué a limité la somme que la ville de Rennes a été condamnée à lui verser au titre de ses préjudices patrimoniaux à 1 391,94 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

8. En premier lieu, Mme E...a obtenu la condamnation de la ville de Rennes à l'indemniser à hauteur de la somme de 800 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire. Il résulte du rapport d'expertise qu'elle a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 26 janvier au 1er février 2012, un déficit fonctionnel temporaire de classe 3, soit une incapacité temporaire de 50 %, du 2 février au 2 mars 2012, de classe 2, soit une incapacité temporaire de 25 %, du 3 mars au 12 mars 2012, et de classe 1 du 13 mars au 26 juillet 2012, soit une incapacité temporaire de 10 %, durant 136 jours, équivalent à une incapacité temporaire totale durant 38,1 jours. Mme E...sollicite le relèvement de l'indemnité que la ville de Rennes a été condamnée à lui verser de ce chef, afin qu'elle soit portée à 864,80 euros, correspondant à une indemnisation au taux journalier de 23 euros. Pour sa part, la ville de Rennes demande que la cour ramène le montant de l'indemnisation à une somme maximale de 495,30 euros. La juste appréciation de ce déficit fonctionnel temporaire subi par Mme E... du fait de l'aggravation de son état de santé implique de ramener l'indemnité que la ville de Rennes a été condamnée à verser à l'intéressée à ce titre à la somme de 500 euros.

9. En deuxième lieu, MmeE..., dont les souffrances résultant de l'aggravation de son état de santé, notamment de la nécessité d'une intervention chirurgicale pour procéder à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, ont été évaluées par les experts à 3,5, sur une échelle de 1 à 7, a obtenu devant le tribunal administratif de Rennes la condamnation de la ville de Rennes à lui verser, à ce titre, une somme de 6 000 euros. Elle demande que cette somme soit portée à 6 500 euros, tandis que la ville de Rennes demande à la cour de réformer le jugement attaqué en excluant toute indemnisation de ce chef de préjudice. Le principe d'une indemnisation de ce chef de préjudice prenant en compte non seulement les conséquences douloureuses à court terme de l'intervention chirurgicale mais également le mauvais vécu psychologique, la persistance de gênes douloureuses au long cours nécessitant occasionnellement des séances de kinésithérapie à visée antalgique ne saurait être remis en question. Ainsi il y a lieu de maintenir le montant de l'indemnisation obtenue par Mme E...à la somme de 6 000 euros.

10. Enfin, Mme E...a obtenu la condamnation de la ville de Rennes à lui verser la somme de 500 euros au titre de son préjudice esthétique supplémentaire évalué à 0,5, sur une échelle de 1 à 7. L'existence d'un préjudice esthétique dû à l'aggravation de l'état de santé de l'intéressée, quoique très modéré, n'est pas sérieusement contesté par la ville de Rennes dès lors qu'il subsiste une petite différence d'aspect par rapport à l'état préexistant de la cicatrice opératoire. Pour sa part, si Mme E...demande que la somme qui lui a été versée soit portée à 750 euros, elle n'apporte pas de nouveaux éléments tendant à établir que la somme qui lui a déjà été allouée, qui correspond à une juste évaluation de son préjudice, aurait été sous-évaluée.

Sur les conclusions de la ville de Rennes tendant à la réformation du jugement en tant qu'il la condamne à verser à l'Etat la somme de 33 486,42 euros :

11. Devant les premiers juges, l'Etat a obtenu la condamnation de la ville de Rennes à lui verser la somme globale de 33 486,42 euros. Cette somme correspond aux traitements versés à Mme E... pour la période du 25 janvier au 13 mai 2012, où elle a été placée en arrêt de travail du fait de l'aggravation de son état de santé, puis pour la période du 14 mai au 5 juillet 2012, au cours de laquelle elle a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique et a bénéficié du versement intégral de son traitement (17 139,39 euros), et aux cotisations sociales y afférentes (15 364,37 euros). La somme de 33 486,42 euros inclut en outre, pour un montant de 982,66 euros les dépenses de santé prises en charge par l'Etat au profit de Mme E... jusqu'à la consolidation de son état de santé.

12. La réalité des dépenses engagées par l'Etat au titre des traitements versés à Mme E...est établie à la fois par les états liquidatifs versés au dossier devant les premiers juges et par les bulletins de paie correspondant à la période en cause, versés en cause d'appel par le ministre chargé de l'éducation nationale. Par ailleurs, la somme de 982,66 euros correspond aux frais engagés par l'Etat pour rétribuer le docteur Bonfils et le docteur Madec pour le rapport d'expertise qu'ils ont remis le 28 février 2014 aux fins d'évaluer les préjudices subis par Mme E...(161 euros), à des consultations médicales (92 euros) ainsi qu'à des séances de kinésithérapie (729,70 euros). Ces sommes sont distinctes de celles engagées par l'Etat et dont Mme E...a obtenu l'indemnisation.

13. Par voie de conséquence, les conclusions de la ville de Rennes tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 33 486,42 euros doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Rennes, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la ville de Rennes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Rennes a été condamnée à verser à Mme E... est ramenée à 8 391,94 euros, sous déduction de la provision qui lui a déjà été accordée. Cette somme portera intérêts à compter du 17 novembre 2014. Les intérêts échus à la date du 17 novembre 2015 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La requête n° 17NT00733 de MmeE..., le surplus des conclusions d'appel incident présentées par la commune de Rennes sous le n° 17NT00733 et la requête n° 17NT00857 de la commune de Rennes sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rennes, au ministre de l'éducation nationale, à Mme F...E....

Une copie sera transmise à la MGEN.

Délibéré après l'audience du 20 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger- Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mars 2018.

La rapporteure,

N. TIGER- WINTERHALTERLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00733
Date de la décision : 19/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SOCIETE AVOCATS CARTRON-LHOSTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-19;17nt00733 ?
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