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16/03/2018 | FRANCE | N°17NT01745

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 mars 2018, 17NT01745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...et Mme C...F...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 3 mars 2017 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé leur remise aux autorités autrichiennes, responsables de leur demande d'asile et, d'autre part, les a assignés à résidence.

Par des jugements n°s 1702102 et 1702104 du 10 mars 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par

une requête n° 17NT01745, enregistrée le 5 juin 2017, Mme C...E..., représentée par Me D..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...et Mme C...F...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 3 mars 2017 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé leur remise aux autorités autrichiennes, responsables de leur demande d'asile et, d'autre part, les a assignés à résidence.

Par des jugements n°s 1702102 et 1702104 du 10 mars 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 17NT01745, enregistrée le 5 juin 2017, Mme C...E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1702102 du 10 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé sa remise aux autorités autrichiennes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assignée à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités autrichiennes :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente dès lors que la délégation produite est rédigée en des termes trop généraux ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il comporte une erreur s'agissant des critères de détermination de l'Etat responsable ;

- il méconnaît les dispositions des articles 3 et 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

en ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente dès lors que la délégation produite est rédigée en des termes trop généraux ;

- il est privé de base légale en raison de l'illégalité de la décision de réadmission.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2017, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient à titre principal que la requête est irrecevable ; à défaut, qu'aucun des moyens n'est fondé.

Un mémoire présenté pour Mme E...a été enregistré le 17 février 2018.

Mme C...E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 3 mai 2017.

II. Par une requête n° 17NT01746, enregistrée le 5 juin 2017, M. G...E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1702104 du 10 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé sa remise aux autorités autrichiennes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités autrichiennes :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente dès lors que la délégation produite est rédigée en des termes trop généraux ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il comporte une erreur s'agissant des critères de détermination de l'Etat responsable ;

- il méconnaît les dispositions des articles 3 et 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

en ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente dès lors que la délégation produite est rédigée en des termes trop généraux ;

- il est privé de base légale en raison de l'illégalité de la décision de réadmission.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2017, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient à titre principal que la requête est irrecevable ; qu'à défaut, aucun des moyens n'est fondé.

Un mémoire présenté pour M. E...a été enregistré le 17 février 2018.

M. G...E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 3 mai 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bouchardon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. G...E...et Mme C...F...épouseE..., ressortissants géorgiens entrés irrégulièrement en France le 15 décembre 2016, ont déposé le 21 janvier 2017 une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire ; qu'ayant constaté, après consultation du fichier " Eurodac ", que les intéressés étaient déjà connus des autorités autrichiennes, le préfet de Maine-et-Loire a saisi ces dernières, en tant que responsables de l'examen de la demande d'asile de M. et MmeE..., d'une demande de reprise en charge des intéressés sur le fondement de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que, par des arrêtés du 3 mars 2017, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise des intéressés aux autorités autrichiennes, d'autre part, les a assignés à résidence ; que, par les requêtes enregistrées sous les n°s 17NT01745 et 17NT01746, M. et Mme E...relèvent appel du jugement du 10 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes et de statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés contestés :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés :

2. Considérant que, par un arrêté du 26 octobre 2015, publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné à M. Pascal Gauci, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat, à l'exception de certains actes, au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés contestés ; qu'en vertu d'une telle délégation de signature, les arrêtés du 3 mars 2017 ont pu être régulièrement signés, pour le préfet, par M. A... ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne les autres moyens invoqués à l'encontre des arrêtés portant remise aux autorités autrichiennes :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la lecture des arrêtés contestés qu'ils visent, en particulier, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et notamment son article 24, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces arrêtés indiquent notamment, qu'au vu de la situation des intéressés, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale et que M. et Mme E...n'établissaient pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour vers l'Autriche ; que les arrêtés contestés ne sont, sur la forme, entachés d'aucune insuffisance de motivation et, sur le fond, ne révèlent pas une absence d'examen de la situation personnelle des intéressés ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants n'apportent aucune preuve de nature à établir qu'ils étaient titulaires de visas de court séjour qui leur auraient permis d'entrer sur le territoire grec le 13 juin 2016 avant de pénétrer en Autriche ; qu'ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés sont entachés d'une erreur de droit en ce qu'ils désignent les autorités autrichiennes, auprès desquelles ils ont sollicité l'asile le 24 juin 2016, responsables de leur demande en application des dispositions de l'article 24 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

5. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " et qu'aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " ;

6. Considérant que l'Autriche, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si les requérants font état d'articles de presse relatifs notamment à une loi dite " état d'urgence migratoire " votée par le législateur autrichien en avril 2016, ils ne justifient pas d'éléments probants pouvant laisser penser qu'il existe de sérieuses raisons de croire que prévaut dans ce pays une situation caractérisée par des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs et qui les expose à un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, dans ces conditions, M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés auraient été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ou des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'autre moyen invoqué à l'encontre des arrêtés portant assignation à résidence :

7. Considérant que, compte-tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 6 du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des arrêtés du 3 mars 2017 portant remise de M. et Mme E...aux autorités autrichiennes doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de Maine-et-Loire, que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur le surplus des conclusions :

9. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...E..., à Mme C...F...épouse E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 17NT01745 et 17NT01746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01745
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;17nt01745 ?
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