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16/03/2018 | FRANCE | N°17NT01529

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 mars 2018, 17NT01529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 novembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique qu'il a formé contre la décision prise par le préfet de l'Hérault le 30 septembre 2011 refusant sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision.

Par un jugement N°1302450 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et de

s mémoires, enregistrés le 16 mai 2017, le 3 août 2017, le 13 février 2018 et le 19 février 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 novembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique qu'il a formé contre la décision prise par le préfet de l'Hérault le 30 septembre 2011 refusant sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision.

Par un jugement N°1302450 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 mai 2017, le 3 août 2017, le 13 février 2018 et le 19 février 2018, M.E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 19 novembre 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit de son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du ministre de l'intérieur ;

- le jugement attaqué et la décision du ministre de l'intérieur ne sont pas suffisamment motivés ;

- la décision de rejet contestée est d'une sévérité disproportionnée par rapport aux griefs qui lui sont reprochés :

* il n'a pas eu un comportement aussi critiquable au regard de ses obligations fiscales car il hébergeait chez lui des locataires qui auraient du régler à sa place les taxes foncières et d'habitation réclamées par le fisc ;

* il se considère comme célibataire puisqu'il y a eu rupture du mariage coutumier en 2007 et il n'y a pas d'intention frauduleuse de sa part à la date ou il a déposé sa demande de naturalisation ;

- la prétention du ministre de l'intérieur de voir rejeter la demande de naturalisation au titre de prétendues fausses déclarations résulte d'une lecture et d'une interprétation erronées dès lors qu'il a déclaré sa séparation de fait à l'administration des impôts lors de sa déclaration d'impôt de 2009 mais cette dernière n'a pas tiré les conséquences de sa déclaration ;

- il a le centre de ses intérêts en France, en la personne de ses quatre enfants et il vit en France depuis 1978 ;

- depuis son arrivée en France, il a marqué son attachement à la culture de son pays d'adoption dans lequel il est désormais pleinement intégré ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons ;

- et les observations de Me C...pour M.E....

1. Considérant que M.E..., ressortissant togolais, relève appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique qu'il a formé contre la décision refusant sa demande de naturalisation prise par le préfet de l'Hérault le 30 septembre 2011 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce qui est allégué par M.E..., le jugement attaqué s'est expressément prononcé sur le moyen selon lequel la décision du ministre de l'intérieur serait insuffisamment motivée ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier à cet égard ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour de rejeter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du ministre de l'intérieur du 19 novembre 2012 par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

5. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant que la décision attaquée du ministre de l'intérieur rejette le recours de M. E... contre la décision du préfet de l'Hérault refusant sa demande de naturalisation au motif que l'intéressé avait produit, dans son dossier de demande, un document non authentique pout tenter d'attester du caractère coutumier de son mariage avec Mme B...D...; que, pour établir que la décision attaquée est légale, le ministre de l'intérieur invoque, dans son mémoire en défense communiqué à M.E..., un autre motif, tiré de ce que l'intéressé a été l'auteur d'une fausse déclaration le 10 août 2009, lors de la constitution de son dossier, en attestant sur l'honneur être célibataire et n'avoir jamais contracté de mariage, alors qu'il demeurait l'époux de Mme B...D...F...depuis le 29 décembre 1985 ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, eu égard notamment aux éléments fournis par le ministre à l'appui de ses écritures, que ce dernier aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution demandée ;

8. Considérant qu'il n'est pas contesté que M.E..., qui aurait contracté un mariage coutumier avec Mme B...D...le 29 décembre 1985, a déclaré ce mariage lors d'une procédure de regroupement familial en 1990 ; qu'il soutient néanmoins s'être séparé de son épouse en 2007 et avoir de bonne foi déclaré, lors de sa demande de naturalisation formée le 10 août 2009, qu'il était célibataire ; que, toutefois, si M. E... a déclaré sur l'honneur être célibataire et n'avoir jamais contracté de mariage lors de sa demande du 10 août 2009, il s'est prévalu de son mariage avec Mme B... D...lors d'une précédente demande de naturalisation le 20 novembre 2005, en cohérence avec sa situation familiale justifiée auprès des autorités françaises, notamment l'administration fiscale, ainsi que d'une autre union avec Mme G... E...de nationalité ghanéenne ; qu'il a également affirmé, le 19 août 2008 et le 22 septembre 2010, avoir vécu en union libre avec Mme B... D...et que le justificatif de la déclaration de mariage du 30 décembre 1985 au Togo produit " n'est en aucun cas un acte de mariage " ; qu'il a enfin formé un recours hiérarchique le 22 septembre 2011 en affirmant être marié avec Mme B...D..." selon notre loi coutumière " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la déclaration des revenus 2009 produite, que le requérant aurait explicitement avisé l'administration fiscale de la séparation de son couple en 2007, alors que l'avis d'imposition sur le revenu 2009 produit est établi au nom de M. ou Mme E... ; qu'au surplus, il est constant que le requérant était redevable d'une dette fiscale au 29 octobre 2012 au titre des taxes foncières pour les années 2011 et 2012, sans que la modicité des sommes en cause puisse justifier la manquement de l'intéressé à ses obligations fiscales ; que, dans ces conditions, au regard notamment des déclarations contradictoires et peu fiables de l'intéressé, le ministre a pu, compte tenu du large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, rejeter la demande de naturalisation de M. E...pour les motifs énoncés ci-dessus sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant que les circonstances que M. E...est bien intégré professionnellement et familialement à la société française et qu'il ait le centre de ses intérêts en France sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

F. PONS

La présidente,

B. PHEMOLANT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT01529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01529
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : AH-FAH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;17nt01529 ?
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