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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT02738

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 mars 2018, 16NT02738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) " société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger " (AEB) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de M. C...D...ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 30 octobre 2014 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1404879 du 30 juin 2016, le tri

bunal administratif d'Orléans a fait droit à la demande de la SAS AEB.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) " société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger " (AEB) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de M. C...D...ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 30 octobre 2014 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1404879 du 30 juin 2016, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à la demande de la SAS AEB.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2016 et le 9 octobre 2017, M. D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juin 2016 ;

2°) de mettre à la charge de la SAS AEB la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges lui ont imputé un comportement fautif et estimé que les faits évoqués par l'employeur réitéraient un comportement de ce type et étaient d'une gravité suffisante pour justifier une rupture du contrat de travail ;

- son licenciement est intervenu dans un contexte conflictuel marqué par l'imbrication des différends avec son employeur ;

- il est impossible d'exclure tout lien entre son licenciement et le mandat syndical qu'il exerce, notamment compte tenu de la continuité de son mandat en présence d'élections partielles.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 novembre 2016, le 25 octobre 2017 et le 14 novembre 2017 et des observations en réponse à la lettre du 11 décembre 2017 adressée en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, enregistrées le 12 décembre 2017, la SAS AEB, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Par des observations, enregistrées le 30 octobre 2017, la ministre du travail conclut à l'annulation du jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif d'Orléans.

Elle fait valoir que :

- les faits fautifs reprochés au salarié ne sont pas établis au vu des éléments recueillis au cours d'une enquête de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), relevant que le comportement de l'employeur vis-à-vis du salarié, constitutif notamment d'un délit d'entrave, caractérisait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par M.D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.

1. Considérant que M. D...a été recruté par la SAS AEB le 7 juin 2010 pour exercer les missions de chef de projet informatique, avec un statut de cadre - coefficient 410 - niveau V - échelon 1 ; que M. D...a été désigné par le syndicat Force Ouvrière le 26 avril 2013 comme représentant de section syndicale de l'entreprise pour l'établissement de Monthou-sur-Cher ; qu'une première demande de licenciement pour faute sollicitée par la SAS AEB a été rejetée par l'inspecteur du travail le 18 octobre 2013 ; que la SAS AEB a présenté une seconde demande de licenciement pour faute le 7 avril 2014, à nouveau rejetée par l'inspecteur du travail le 6 juin 2014, décision confirmée implicitement sur recours hiérarchique par le ministre chargé du travail le 30 octobre 2014 ; que M. D...relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de son employeur, annulé ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;

3. Considérant que pour refuser le licenciement de M.D..., l'inspecteur du travail, confirmé implicitement par le ministre du travail, s'est fondé sur l'existence d'un lien entre le licenciement contesté et les fonctions représentatives de l'intéressé ;

4. Considérant d'une part qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, le requérant a rencontré des difficultés professionnelles avant sa désignation en tant que représentant de section syndicale dans la SAS AEB ; qu'il a fait l'objet d'un avertissement en mars 2012, consécutif à son refus de participer à une réunion de travail initiée par la commission de suivi informatique créée pour corriger les défauts constatés lors de la mise en place du logiciel " IV RENT " dont il était le chef de projet ; que le requérant a fait l'objet d'un second avertissement, en juillet 2012, suite à un départ en congés sans information préalable sur l'état d'avancement des travaux et dossiers en cours dont il avait la charge, notamment la finalisation du logiciel précité sujet à des difficultés importantes de fonctionnement ayant nécessité la mise en place d'une gestion de crise dédiée ; que suite à un congé maladie de sept mois, en mars 2013, M. D...a contesté certaines des missions confiées, notamment la rédaction d'un manuel pour les utilisateurs du logiciel " IV RENT " et a ignoré à de nombreuses reprises les consignes qui lui ont été données, ce qui a engendré un retard important dans l'élaboration du manuel, qui par ailleurs n'a pas donné entière satisfaction ; qu'en outre, M. D...a fait l'objet d'un troisième avertissement, le 10 janvier 2014, postérieurement à sa désignation en tant que représentant de section syndicale, pour avoir menacé un collègue de travail à la suite d'une attestation que ce dernier a rédigé en faveur de son employeur ; que la circonstance que le requérant ait saisi la juridiction prud'homale en contestation des faits qualifiés de faute par l'employeur est sans incidence sur l'existence d'une dégradation des relations de travail avant l'exercice par M. D...de son mandat syndical ;

5. Considérant d'autre part que si M. D...fait état de l'existence, au début de l'exercice de son mandat, d'un conflit avec la direction de l'entreprise au sujet du positionnement d'un panneau d'affichage syndical et de la mise à disposition d'un local, ces difficultés, à les supposer avérées, ont été levées rapidement, un local ayant été mis à sa disposition et s'il a estimé que le panneau d'affichage de son syndicat, dans l'établissement de Monthou-sur-Cher était apposé en un lieu pas assez visible, il ressort toutefois du dossier qu'il était apposé au même endroit que les panneaux d'affichage des autres sections syndicales ; que compte tenu du périmètre géographique de la désignation syndicale, l'employeur n'avait pas, pour l'exercice du mandat détenu par M.D..., à donner suite à la demande du 26 février 2014 tendant à l'utilisation de la voiture personnelle du salarié ou à la mise à disposition d'une voiture de société " dans le cadre de mes déplacements en agence ", comme M. D...l'écrivait dans un courrier électronique du même jour, demande qui ne relevait pas de l'exercice normal d'un mandat représentatif limité à un seul établissement ; que les allégations quant aux propos verbaux que le président de la société AEB aurait tenu quant à l'engagement syndical de M. D...ne résultent que d'affirmations du requérant et ne sont corroborées par aucun élément, alors que la société conteste l'existence de tels propos ; qu'ainsi aucun élément du dossier n'est de nature à établir un lien entre le licenciement en cause et les fonctions représentatives de l'intéressé ; que, dans ces conditions, à supposer même que le mandat de représentant de section syndicale de M. D... n'ait pas pris fin suite aux élections professionnelles qui se sont déroulées les 13 et 27 février 2014, c'est à bon droit que le tribunal a pu estimer qu'en fondant sa décision sur l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par le requérant, l'inspecteur du travail puis le ministre chargé du travail ont entaché leur décision d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de son employeur, annulé les décisions de l'inspecteur du travail et ministre chargé du travail refusant l'autorisation de le licencier ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS AEB, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais de procédure ; qu'il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SAS AEB la somme qu'elle réclame sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS AEB sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à la société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger et à la ministre du Travail.

Délibéré après l'audience du 23 février 2018, où siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLa présidente,

B. PHEMOLANT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre du Travail en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT02738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02738
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET FIDAL (BLOIS)

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt02738 ?
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