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26/02/2018 | FRANCE | N°17NT00136

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Formation plénière, 26 février 2018, 17NT00136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 juillet 2014 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) rejetant sa demande de délivrance de visas de long séjour pour elle-même et les six enfants qu'elle déclare avoir eu avec M. D...C....

Par un jugement n° 1407128 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de vi

sa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 juillet 2014 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) rejetant sa demande de délivrance de visas de long séjour pour elle-même et les six enfants qu'elle déclare avoir eu avec M. D...C....

Par un jugement n° 1407128 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'intéressée ainsi qu'à ses six enfants les visas sollicités dans un délai de quinze jours.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 13 janvier 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...A....

Le ministre soutient que :

- les certificats de naissance et de mariage communiqués à l'appui des demandes de visas ne peuvent être pris en compte du fait de leur absence de traduction et de l'impossibilité de procéder à leur vérification ;

- les actes délivrés par l'Office de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) n'ont qu'une valeur purement déclarative et ne sauraient établir la réalité du mariage allégué entre M. D...C...et Mme B...A... ;

- les éléments produits ne permettent pas de conclure à l'existence d'une situation de possession d'état dès lors qu'ils ne démontrent pas l'existence de liens continus et n'ont été produits qu'au stade du recours contentieux ; c'est donc à tort, et sur la base d'une mauvaise appréciation des faits de l'espèce, que le tribunal administratif a estimé qu'une telle situation de possession d'état devait être regardée comme établie ;

- dès lors que les liens maritaux et familiaux allégués ne peuvent être regardés comme établis, il ne peut y avoir méconnaissance ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2017, Mme E...B...A..., représentée par Me Pollono, conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 108 du décret du 19 décembre 1991.

Mme B...A...fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.

Mme B...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de Me Pollono, représentant Mme B...A....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...A..., ressortissante somalienne a sollicité le 23 janvier 2012, la délivrance de visas de long séjour pour elle-même ainsi que pour les six enfants nés de son mariage avec M. D...C..., ressortissant somalien ayant obtenu le 7 juin 2011 le bénéfice de la protection subsidiaire, dont elle indique être l'épouse ; que cette demande a été implicitement rejetée par les autorités consulaires en poste à Djibouti ; que la requérante a alors saisi la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France d'une demande d'annulation de ce refus, laquelle a été rejetée par une décision du 17 juillet 2014 ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 15 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi par Mme B... A...d'une demande d'annulation de la décision de rejet de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, a fait droit à cette demande et lui a enjoint de délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de Mme B...A... : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays. Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...)" ; qu'aux termes du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 : " (...) / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) " ;

3. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, lendemain de leur publication au Journal officiel, à toute situation non juridiquement constituée au nombre desquelles figurent les instances en cours concernant les refus de visas sollicités sur le fondement du respect du principe de l'unité familiale du réfugié ou du protégé subsidiaire tel qu'issu des stipulations de la convention du 28 juillet 1951 ; qu'il en résulte que, à compter de cette date, les documents établis par le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, font foi, quelle qu'ait été la date de leur délivrance, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue aux articles 303 à 316 du code de procédure civile et en cours d'instance à l'article R. 633-1 du code de justice administrative ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...C..., bénéficiaire du régime de la protection subsidiaire, a produit un certificat établi le 3 novembre 2011, conformément aux dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le directeur de l'OFPRA, attestant de son mariage avec Mme B...A...le 26 juin 1997 à Mogadiscio ; qu'en l'absence de mise en oeuvre par le ministre de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence du lien matrimonial unissant M. D...C...et Mme B...A...;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;

6. Considérant que Mme B...A...a produit des certificats de naissance dressés par les autorités somaliennes indiquant qu'elle est la mère des enfants Hinda, Hana, Mohamed, Hodo, Suhayb et Huda et que leur père est M. D... C... ; que les mentions relatives à l'identité, aux dates et lieux de naissance de six enfants Hinda, Mohamed, Hana, Hodo, Suhayb et Huda concordent avec les déclarations faites à l'OFPRA par M. D...C...lors du dépôt de sa demande de protection ainsi qu'avec celles figurant sur les passeports des intéressés ; que le ministre, en se bornant à invoquer l'impossibilité de procéder à la vérification de tout acte d'état civil établi en Somalie et en ne précisant pas les règles régissant l'état-civil dans ce pays qui auraient été méconnues, ne peut être regardé comme établissant l'absence d'authenticité des documents produits par Mme B... A...relatifs à l'état civil de ses enfants ; que dans ces conditions, et eu égard à la réalité du lien matrimonial relevée au point 4, le lien de filiation entre les six enfants de Mme B... A...et M. D... C...doit également être regardé comme établi ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 17 juillet 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visas de long séjour présentées par Mme B... A...et ses enfants ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:

8. Considérant que Mme B...A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pollono, avocat de Mme B...A..., de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Me Pollono une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du

19 décembre 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme E... B...A....

Délibéré après l'audience du 2 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la Cour,

- M. Perez, président de chambre,

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 février 2018.

Le rapporteur,

A. MONY

La présidente,

B. PHÉMOLANT

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT00136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 17NT00136
Date de la décision : 26/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Entrée en vigueur - Entrée en vigueur immédiate.

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Étrangers - Entrée en France - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-26;17nt00136 ?
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