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26/02/2018 | FRANCE | N°16NT03431

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 février 2018, 16NT03431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le sous-préfet du Raincy a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du ministre de l'intérieur rejetant implicitement le recours hiérarchique dirigé contre cette décision et, d'autre part, la décision du 9 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté explicitement sa demande de naturalisation.

Par jugement nos 1405206,1502062 du

23 août 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le sous-préfet du Raincy a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du ministre de l'intérieur rejetant implicitement le recours hiérarchique dirigé contre cette décision et, d'autre part, la décision du 9 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté explicitement sa demande de naturalisation.

Par jugement nos 1405206,1502062 du 23 août 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre rejetant son recours hiérarchique et a annulé la décision du 9 janvier 2015.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 18 octobre 2016 et 8 février 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 août 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par Mme D...dirigée contre le refus de naturalisation du 9 janvier 2015.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a accueilli les assertions de M. D...relatives à l'absence de toute responsabilité ou activité au sein d'une association proche d'une mouvance fondamentaliste d'origine étrangère, le comportement de son époux pouvant fonder la décision de rejet de la demande de naturalisation de Mme D...compte tenu de la durée et l'effectivité de leur communauté de vie ;

- si la note sur laquelle il s'est fondé ne peut être versée aux débats au risque de porter atteinte à la sécurité de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, la reproduction dans ses écritures de ses énonciations permet de respecter le caractère contradictoire de la procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2017, MmeD..., représentée par Me C..., conclut au rejet du recours du ministre de l'intérieur et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens du ministre de l'intérieur n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Francfort, président assesseur, a été entendu en audience publique.

1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 23 août 2016 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé, à la demande de MmeD..., ressortissante turque, sa décision du 9 janvier 2015 rejetant expressément la demande de naturalisation présentée par l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision du 9 janvier 2015 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que, pour rejeter, par la décision en litige du 9 janvier 2015, la demande de naturalisation présentée par MmeD..., le ministre de l'intérieur a estimé que, compte tenu de la durée et de l'effectivité de la communauté de vie avec son époux, elle ne pouvait ignorer l'engagement de celui-ci en faveur du mouvement islamiste turc Suleymanci, hostile aux valeurs occidentales et profondément fondamentaliste, et dont les adhérents et sympathisants prônent un retour aux valeurs traditionnelles de l'Islam ;

4. Considérant que pour porter une telle appréciation sur le comportement de M.D..., auquel il a refusé d'accorder la naturalisation par une décision distincte du 9 janvier 2015, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le contenu d'une note de la direction centrale du renseignement intérieur du 21 mars 2014, laquelle indique, selon la citation qu'en fait le ministre, que " M.D... est connu comme étant le vice-président de l'association " Centre culturel islamique turc de Paris ", dont les locaux abritent une salle de prière affiliée au mouvement islamiste turc Suleymanci ", et que " cette confrérie, hostile aux valeurs occidentales et profondément fondamentaliste, s'est toujours fixée comme principal objectif religieux d'encadrer et d'éduquer la jeunesse turque à travers ses structures associatives, les centres culturels islamiques turcs. Ses adhérents et sympathisants prônent un retour aux valeurs traditionnelles de l'Islam (...) " ;

5. Considérant toutefois que M. D...a fait valoir sans être contesté que, contrairement aux assertions que comporte cette note, il n'est plus le vice-président de cette association, fonction qu'il n'a occupée que de 2003 à 2005, soit près de dix années avant le refus de naturalisation qui lui a été opposé ; que cette erreur de fait a été de nature à exercer une influence sur l'appréciation par le ministre de l'intérieur du loyalisme envers la France et ses institutions de M.D..., et par suite à influencer l'appréciation à porter sur la demande de Mme D..., laquelle n'a été rejetée qu'au motif que la requérante, compte tenu de la durée et l'effectivité de la communauté de vie, ne pouvait ignorer le comportement reproché à tort à son mari ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé le refus de naturalisation opposé le 9 janvier 2015 à Mme D...;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D...d'une somme de 1 000 euros au titre des frais engagés pour l'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme D...une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouse D...et au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 février 2018.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03431
Date de la décision : 26/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET THIERRY MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-26;16nt03431 ?
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