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23/02/2018 | FRANCE | N°17NT00717

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 23 février 2018, 17NT00717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2017 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités belges et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1700871 du 30 janvier 2017 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2017, M. B...E..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1

°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 30 janvier 2017 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2017 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités belges et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1700871 du 30 janvier 2017 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2017, M. B...E..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 30 janvier 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire Atlantique du 27 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire Atlantique de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de remise aux autorités belges :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 ;

- elle méconnaît l'article 29 du règlement n° 603/2013 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne la décision de placement en rétention :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant réadmission vers la Belgique ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2017, le préfet de la région Pays de la Loire, préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que M. B...E...a été déclaré en fuite et qu'il s'en remet à ses écritures de première instance s'agissant des moyens soulevés.

M. B...E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu.

1. Considérant que M. B...E..., ressortissant soudanais, a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 10 janvier 2017 ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités belges à cinq reprises, les 19 juillet 2010, 27 février 2012, 22 juin 2012, 18 octobre 2013 et 12 octobre 2015 ; que la demande de reprise en charge de M. B...E...formée par le préfet de la Loire-Atlantique le 11 janvier 2017 a été acceptée par les autorités belges le 12 janvier 2017 ; que le 27 janvier 2017, le préfet a décidé de remettre M. B...E...aux autorités belges et l'a assigné à résidence ; que M. B...E...relève appel du jugement du 30 janvier 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités belges :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 27 janvier 2017 vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit ; que le préfet de la Loire Atlantique fait état de la situation personnelle de M. B...E..., notamment de son état de santé, et précise qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour vers la Belgique et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que dans ces conditions, la décision contestée est également suffisamment motivée en fait ; qu'en outre, et contrairement à ce que soutient M. B... E..., une telle motivation ne révèle aucun défaut d'examen particulier de sa situation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 est relatif aux droits des personnes concernées et édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées ; qu'à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ; qu'il s'en suit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)" ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ont été remis à M. B...E..., le 10 janvier 2017, soit au moment du dépôt de sa demande d'asile et de la prise d'empreintes, le guide du demandeur d'asile, l'information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes et l'information sur la procédure " Dublin " ; que ces documents lui ont été remis en langue arabe, qu'il comprend ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'entretien réalisé le 10 janvier 2017 a été assuré par un agent de la préfecture, qui doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour mener un tel entretien ; que les dispositions précitées n'imposent pas que le nom de cet agent figure sur le compte rendu d'entretien ; qu'aucune circonstance ne permet d'établir que cet entretien ne se serait pas déroulé dans des conditions en garantissant la confidentialité ; que si l'interprète de M. B...E...n'était pas physiquement présent à cette occasion, il n'est pas contesté que l'intéressé a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète assermenté en langue arabe, langue qu'il ne conteste pas parler et comprendre ; que si M. B...E...soutient que la communication avec cet interprète n'était pas satisfaisante car ils ne parlaient pas le même arabe, il ne ressort pas du compte rendu précité que le requérant n'aurait pas pu faire valoir ses observations et poser des questions ; qu'il a ainsi pu évoquer notamment son état de santé, dont le préfet a tenu compte ainsi qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté ;

8. Considérant, enfin, que M. B...E..., qui est arrivé récemment en France et n'y a aucun lien personnel ou familial, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ou méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

9. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 27 janvier 2017 assignant le requérant à résidence est signé pour le préfet de la Loire-Atlantique par M. A...D..., directeur de la réglementation et des libertés publiques ; que celui-ci a reçu délégation, par arrêté du préfet du 31 août 2016 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 82, à l'effet de signer notamment les décisions d'assignation à résidence ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé ; qu'il indique que M. B...E...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de réadmission ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. B...E...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités belges ;

12. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté assignant M. B...E...à résidence serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire Atlantique du 27 janvier 2017 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- Mme Tiger-Winterhalter, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 février 2018.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17NT007172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00717
Date de la décision : 23/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-23;17nt00717 ?
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