Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes :
- d'annuler la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saumur l'a affectée sur l'emploi de directrice adjointe chargée de la clientèle ;
- d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saumur a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que sa demande préalable indemnitaire ;
- de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 17 octobre 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2014 et capitalisation annuelle à chaque échéance.
Par un jugement n°1309726, 1407588 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août 2016 et 19 octobre 2017, MmeA..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 juin 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saumur l'a affectée sur l'emploi de directrice adjointe chargée de la clientèle ;
3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saumur a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que sa demande préalable indemnitaire ;
4°) de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 17 octobre 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2014 ;
5°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Saumur de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saumur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de changement d'affectation :
- sa requête est recevable, le changement d'affectation ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur mais bien une décision lui faisant grief dans la mesure où sa situation n'est pas identique à celle qu'elle occupait avant son changement d'affectation, qu'elle a connu une diminution de ses attributions et a été privée de toute fonction managériale ;
- le poste de directrice chargée de la clientèle et de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge ne peut être assimilé à un emploi de direction ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que cette décision n'était pas subordonnée à la consultation préalable de la commission administrative paritaire ;
- le tribunal a commis une erreur de fait, une dénaturation des pièces du dossier et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la décision avait été prise dans l'intérêt du service et ne constituait pas une sanction disciplinaire déguisée, dès lors que cette décision a été prise en considération de sa manière de servir ;
- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ;
- la sanction qui lui a été infligée est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle ne figure pas au nombre des sanctions prévues par l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure ;
En ce qui concerne la décision rejetant sa demande de protection fonctionnelle :
- le tribunal a commis une erreur de droit en appréciant indépendamment chaque mesure sans rechercher si ces mesures, prises dans leurs ensemble, permettaient de caractériser des faits constitutifs de harcèlement moral ;
- le jugement est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits et d'une dénaturation des pièces du dossier dans la mesure ou les mesures prises à son encontre sont constitutifs d'un harcèlement moral ;
- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ;
- la faute du directeur du centre hospitalier de Saumur a été à l'origine d'un préjudice moral évalué à la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2017, le centre hospitalier de Saumur, représenté par la société d'exercice libéral à responsabilité " Houdart et associés ", conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, que la demande de Mme A...tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2013 relative à son changement d'affectation est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- les observations de Me C...substituant Me E...pour Mme A...et de Me B... pour le centre hospitalier de Saumur.
Deux notes en délibéré présentées pour le centre hospitalier de Saumur ont été enregistrées les 31 janvier et 6 février 2018.
Une note en délibéré présentée pour Mme D...A...a été enregistrée le 1 février 2018.
1. Considérant que Mme A... relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2013 ainsi que de la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saumur a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et, d'autre part, sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saumur à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 17 octobre 2013 ;
Sur la recevabilité des conclusions :
2. Considérant, d'une part, que la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saumur a rejeté la demande préalable indemnitaire de Mme A...n'a eu pour seul effet que de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la requérante qui, en formulant les conclusions à fin de condamnation analysées ci-dessus, leur a donné le caractère de conclusions de plein contentieux ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision rejetant la demande préalable indemnitaire de Mme A...sont irrecevables comme ne faisant pas grief à celle-ci ;
3. Considérant, d'autre part, que MmeA..., fonctionnaire hospitalier ayant le grade de directeur d'hôpital, a été recrutée au mois de mars 2010 par le centre hospitalier de Saumur en tant que directrice adjointe chargée de la direction des services économiques et techniques ; que par décision du 17 octobre 2013, le directeur de ce centre hospitalier l'a affectée sur le poste de directrice adjointe chargée de la clientèle et de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, qui, contrairement à ce qui est allégué, constitue un véritable emploi de direction ; que cette fonction présente pour la requérante les mêmes avantages pécuniaires et les mêmes garanties de carrière et comporte un niveau équivalent de responsabilité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en cause, qui précise l'absence de faute disciplinaire imputable à la requérante, aurait été prise pour un motif disciplinaire ; que cette décision, qui s'inscrit dans un contexte global de réorganisation des directions du centre hospitalier dans le cadre d'un plan de performance mené en lien avec l'agence régionale de santé, n'a ni le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ni celui d'une mutation ; qu'elle constitue ainsi une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, Mme A...n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2013 mentionnée plus haut ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision rejetant la demande de protection fonctionnelle :
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
5 Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que la décision du 17 octobre 2013 portant changement d'affectation de la requérante ne saurait être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée et est motivée par l'intérêt du service ; qu'à supposer même que la requérante ait été privée de toute affectation pendant un mois suite à son retour de congés, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance soit de nature, à elle-seule, à caractériser des faits constitutifs de harcèlement moral ; que, par suite, en l'absence de situation de harcèlement moral avérée, Mme A...n'est, en tout état de cause, pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision rejetant la demande de protection fonctionnelle ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le Centre hospitalier de Saumur aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité; que, par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation en raison de la responsabilité pour faute alléguée à l'encontre de cet établissement ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saumur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 000 euros sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Mme A...versera au centre hospitalier de Saumur la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier de Saumur est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au centre hospitalier de Saumur.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre des Solidarités et de la Santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT02953