Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision du 27 mars 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 17 décembre 2013 par laquelle les autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d'Ivoire) ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'enfant de moins de 21 ans d'un ressortissant français.
Par jugement n°1404946 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 4 juillet 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision contestée au motif que le caractère frauduleux des copies intégrales d'actes de naissance produites par Mme C...n'était pas démontré ;
- le lien de filiation entre M. A...C...et Mme C...n'est pas établi.
Vu le jugement attaqué ;
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2016, MmeC..., représentée par MeB..., conclut au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les éléments soulevés par le ministre de l'intérieur ne permettent pas de démontrer le caractère frauduleux des actes officiels présentés ;
- le lien de filiation avec M. A...C...est établi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante ivoirienne née le 7 juillet 1995, a demandé, le 13 décembre 2013, devant les autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d'Ivoire) un visa de long séjour en qualité d'enfant de moins de 21 ans d'un ressortissant français ; qu'elle s'est présentée comme la fille de M. A... C..., de nationalité française ; que, par une décision en date du 17 décembre 2013, le consul général de France à Abidjan s'est opposé à cette demande ; que par une décision du 27 mars 2014, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme C...contre le refus opposé par les autorités consulaires ; que, saisie par l'intéressée d'une demande d'annulation de cette décision de la commission, le tribunal administratif de Nantes y a fait droit par un jugement du 21 juin 2016 dont le ministre relève régulièrement appel ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
3. Considérant que le ministre de l'intérieur fait valoir que la copie intégrale d'acte de naissance de l'acte du 15 juillet 1995 produite pour Mme C...à l'occasion de sa demande de visa est entachée d'irrégularités et a été dressée en non-conformité avec l'article 42 de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964 relative à l'état civil, tout comme la nouvelle copie intégrale rectifiée produite à l'occasion du recours devant le tribunal administratif, en ce que les mentions de l'heure et du lieu de naissance de l'intéressée ne sont pas mentionnées ; que ces copies intégrales ne portent pas mention de l'heure de la déclaration prévue par l'article 24 de la loi citée, ni des éventuels signataires de l'acte prévus par l'article 29 ; que ces copies ont été fournies par le centre d'état civil de Saioua à une date inconnue, en méconnaissance de l'article 31 de la loi du 7 octobre 1964 déjà mentionnée ; que ces éléments ne sont pas sérieusement contestés par Mme C...; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que la signature de M. A...C...sur la copie intégrale rectifiée de l'acte de naissance du 15 juillet 1995 est différente de celle apposée sur d'autres documents, notamment sur le formulaire de demande d'acquisition de la nationalité française ; qu'enfin, M. A...C...n'a pas mentionné l'existence de Mme C...lors de sa demande de naturalisation française, tandis qu'il déclarait par ailleurs avoir deux enfants ; que, dans ces conditions, au vu de ces nombreuses contradictions et incohérences, les différents éléments produits ne permettent pas de tenir pour établi le lien de filiation allégué ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. A...C...aurait maintenu un lien affectif avec Mme C...et entretenu avec elle des relations privilégiées et suivies, ni même qu'il aurait contribué de manière régulière à son entretien depuis son arrivée en France ; que, dans ces conditions, le lien de filiation allégué n'est pas établi par des éléments de possession d'état ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de l'existence d'un lien de filiation avéré entre Mme C...et M. A... C...pour annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en litige ;
6. Considérant qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par Mme C...à l'appui de sa demande ;
7. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision consulaire du 17 décembre 2013 est inopérant, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 mars 2014 s'étant substituée à la décision du 17 décembre 2013 ;
8. Considérant que le motif tiré du défaut de lien de filiation, justement opposé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France suffisait à justifier la décision attaquée ; que, par suite, la critique de première instance relative au " défaut de droits exclusifs " M. A... C...sur la requérante est inopérante ;
9. Considérant, enfin, qu'en l'absence de liens de filiation avérés entre Mme C...et M. A... C..., la requérante ne peut utilement soutenir que les enfants de moins de 21 ans ou à charge d'un ressortissant français ont le droit à un visa d'établissement en France ou que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 octobre 2014 ; que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme C...doivent, dès lors, être rejetées ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Mme C...de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme D...C....
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 janvier 2018.
Le rapporteur,
F. PONS
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au le ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°16NT02171