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29/12/2017 | FRANCE | N°16NT03560

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 décembre 2017, 16NT03560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 12 février 2016 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours à destination de la République du Congo, pays dont il a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1601501 du 27 juillet 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2016, M. C..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 12 février 2016 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours à destination de la République du Congo, pays dont il a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1601501 du 27 juillet 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2016, M. C..., représenté par la SCP Omnia legis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 12 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en lui accordant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a commis plusieurs erreurs en considérant, à tort, que sa fille ne réside pas avec lui, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, et qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, faute de publication de la délégation de signature ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;

- le préfet s'est borné à se conformer à l'avis du médecin de l'ARS et s'est estimé lié par cet avis, commettant une erreur de droit ;

- il souffre de diabète et de troubles psychotiques ; il n'existe pas de traitement au Congo pour ces troubles de santé ; ses ressources ne lui permettent pas d'être soigné dans son pays d'origine ;

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, compte tenu des liens personnels et familiaux qu'il a tissés en France ; il est hébergé par sa cousine, et a des liens avec d'autres membres de sa famille ;

- ses parents sont décédés de mort violente au Congo ; il a des relations avec sa fille dont il a la garde ; sur ces points l'arrêté est entaché d'erreur de fait ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- en fixant le Congo comme pays de renvoi, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.

1. Considérant que M. D...C...interjette appel du jugement du 27 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2016 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours à destination de la République du Congo, pays dont il a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si M. C...soutient que le tribunal a considéré, à tort, que sa fille ne réside pas avec lui, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, et qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays, les erreurs ainsi alléguées sont sans influence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. A...B..., directeur de cabinet, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 7 septembre 2015 du préfet d'Indre-et-Loire, l'autorisant à signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jacques Lucbereilh, secrétaire général de la préfecture, notamment : "(...) tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département, y compris les arrêtés et documents pris dans l'exercice des pouvoirs de police du préfet (...)" ; que cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 7 septembre 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet d'Indre-et-Loire, qui a procédé à un examen individuel de la situation de M.C..., se serait estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 6 janvier 2016 et aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-11 du code du l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...)" ;

6. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

8. Considérant que par un avis du 6 janvier 2016, qui figure au dossier, le médecin de l'Agence régionale de santé du Centre-Val de Loire a estimé que l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque ; que, pour contester la teneur de cet avis, le requérant produit pour la première fois en appel, un certificat d'un psychiatre des hôpitaux qui indique que l'intéressé présente des troubles anxio-dépressifs, " sans doute en lien avec le décès de mort violente de ses parents, dans le contexte de conflits ethniques au Congo ", que le traitement psychiatrique " s'associe à un traitement d'un diabète insulino-dépendant parfois difficile à équilibrer " et que les soins nécessaires " ne paraissent pas disponibles dans son pays " ; qu'il produit également un certificat du 29 juillet 2016 d'un médecin généraliste selon lequel la pathologie de l'intéressé, qui nécessite une hospitalisation en psychiatrie en urgence, ne permet pas une prise en charge dans le pays d'origine ; que, toutefois, ces attestations sont dépourvues de toute précision en ce qui concerne l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine du requérant ; que le lien entre la pathologie dont il souffre et le décès de ses parents dans son pays d'origine ne peut être tenu pour établi, alors que le père de M. C...est décédé en 2008 et que l'intéressé n'est entré en France qu'en 2015 ; qu'ainsi les pièces médicales produites par M. C...ne sont pas suffisantes pour remettre en cause l'appréciation portée par l'avis du médecin de l'ARS ; qu'au regard des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, l'intéressé ne peut utilement faire valoir qu'il ne pourrait faire face aux dépenses nécessitées par son traitement en cas de retour au Congo ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions fixées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le préfet a relevé dans son arrêté que l'intéressé est père d'un enfant vivant en France avec lequel il déclare ne pas avoir de relations ; que si M. C...soutient qu'il a obtenu la garde de sa fille et qu'il vit avec elle, il avait cependant indiqué dans sa demande de titre de séjour que sa fille vit à Nice et qu'il n'a pas de contacts avec elle ; que, par ailleurs, si le préfet a considéré qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents alors que ces derniers sont décédés, cette erreur, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait fondé sa décision sur des faits inexacts doit être écarté ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., ressortissant congolais né en 1993, est entré en France en mai 2015, de manière irrégulière ; qu'il est célibataire et père d'un enfant vivant en France ; qu'il fait valoir la présence d'une cousine et d'un oncle qui résident régulièrement en France, et de son ex-compagne, l'absence d'attaches dans son pays d'origine où ses parents sont décédés et le fait qu'il a obtenu la garde de sa fille ; que, toutefois, son arrivée en France est très récente et il n'est pas établi que sa fille, âgée de 5 ans, serait empêchée de le rejoindre au Congo ; que, dans ces circonstances, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;

12. Considérant, en septième lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, doit être écarté ;

13. Considérant, en dernier lieu, que si, pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, M. C...soutient que le Congo a fait l'objet récemment, d'attaques criminelles contre sa population, il n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants ; que, de même, s'il indique souffrir de troubles psychotiques en rapport avec des événements traumatiques subis dans son pays d'origine, suite au décès de ses parents, l'intéressé ne fournit à l'appui de ses allégations aucune précision utile sur les circonstances de ces événements ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au Préfet d'Indre-et-Loire

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le président,

A. PEREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03560
Date de la décision : 29/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-29;16nt03560 ?
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