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18/12/2017 | FRANCE | N°17NT00747

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 décembre 2017, 17NT00747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 22 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Renan a délivré à M. C...A...un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur et le changement de destination d'un bâtiment situé au 22 de la rue Saint Yves.

Par un jugement n° 1403342 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :r>
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 février, 3 avril et 24 novembre 2017...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 22 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Renan a délivré à M. C...A...un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur et le changement de destination d'un bâtiment situé au 22 de la rue Saint Yves.

Par un jugement n° 1403342 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 février, 3 avril et 24 novembre 2017, le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, avocats au Conseil d'Etat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 du maire de Saint-Renan ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Renan une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne soutient que :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa décision ;

- il dispose d'un intérêt à agir dès lors qu'il a pour objet social la défense de la profession d'architecte et du respect de l'obligation de recourir à un architecte ;

- l'article 26 de la loi du 3 janvier 1977 a été modifié par la loi du 17 mai 2011 pour lui permettre de contester toute décision de nature à compromettre les intérêts de la profession ;

- s'agissant d'une mesure de police spéciale, cette mesure doit prévaloir sur les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- son recours doit être regardé comme visant à la défense des intérêts de la profession compte tenu de l'obligation faite par l'article R. 431-1 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire attaqué doit être regardé comme frauduleux dès lors que la signature de l'architecte qui y figure est de complaisance ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'aucun architecte, pris isolément, n'aurait pu contester l'autorisation de construire litigieuse alors que ce moyen n'était pas inopérant ;

- l'intérêt à agir de l'ordre, lequel est chargé d'une mission de service public, doit être appréhendé différemment d'un contentieux d'urbanisme ordinaire ;

- la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a de nouveau modifié la loi du 3 janvier 1977 en renforçant le rôle du conseil régional pour lui permettre de vérifier que le projet architectural a été signé par un architecte ayant effectivement contribué à ce projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2017, la commune de Saint-Renan, représentée par la Selarl Le Roy-Gourvennec-Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le commune fait valoir que :

- la requête est irrecevable en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé ;

Par ordonnance du 3 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la loi n° 77 du janvier 1977 modifiée ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- les observations de Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat, représentant le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne et de MeB..., représentant la commune de Saint-Renan.

1. Considérant que le maire de la commune de Saint-Renan a délivré le 12 février 2014 à M. A...un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur d'un bâtiment et son changement de destination ; que cette autorisation de construire a toutefois été retirée le 9 mai suivant à la demande du préfet d'Ille-et-Vilaine, le dossier de demande déposé par le pétitionnaire ne comportant pas de projet architectural émanant d'un architecte de profession ; que, M. A...ayant déposé un dossier de demande de permis de régularisation, le maire de la commune lui a alors délivré le 22 mai 2014 un nouveau permis de construire ; que la légalité de cette autorisation de construire a été contestée par le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne ; que le tribunal administratif de Rennes, par un jugement en date du 30 décembre 2016, a rejeté cette demande, au motif que ledit conseil était dépourvu d'intérêt à agir à l'encontre de cette décision ; que le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement

2. Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a, au travers des points 2 et 3 de son jugement, écarté avec suffisamment de précision le moyen tiré de ce que le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne, compte tenu des modifications apportées à l'article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture par la loi du 17 mai 2011 lui donnant " qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d'exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de l'obligation de recourir à un architecte ", devait être regardé comme disposant d'un intérêt à agir lui permettant de contester la légalité du permis de construire délivré le 22 mai 2014 à M.A... ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance, et en particulier des écritures contentieuses du requérant enregistrées le 26 octobre 2015, que le conseil régional ait voulu spécifiquement faire valoir comme moyen d'annulation l'argument de ce qu'il devait être assimilé à l'Etat au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; que le tribunal n'avait donc pas à répondre à cet argument et n'a ainsi pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;

En ce qui concerne le bien fondé du jugement

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, issues de l'ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitat." ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural prévu à l'article L. 431-2 doit être établi par un architecte. "

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, comme indiqué au point 1, M. A... a déposé le 4 avril 2014 une demande de permis de régularisation comprenant un projet architectural établi par un architecte de profession, permis que la commune de Saint-Renan lui a délivré le 22 mai 2014 ;

6. Considérant, en premier lieu, que si le conseil régional soutient qu'il devait être regardé comme justifiant d'une qualité lui donnant intérêt pour agir s'agissant d'une demande d'annulation d'une autorisation d'urbanisme méconnaissant l'obligation de recourir à un architecte, il ressort des pièces du dossier que cet organisme ne fait valoir, à l'appui de sa requête, aucun moyen tendant à démontrer que le permis qu'il critique est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance d'un bien qu'il détient ou occupe régulièrement ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si le conseil régional soutient que le projet qu'il critique est en tous points identiques à celui qui figurait au dossier de demande d'autorisation de construire initialement déposé par M. A...et résulte ainsi d'une fraude dès lors que la signature de l'architecte aurait été de complaisance, il n'en établit pas pour autant, en tout état de cause, le caractère frauduleux, la circonstance que le projet accepté aurait été identique au premier projet retiré pour défaut de signature par un architecte ne caractérisant pas l'existence de la fraude alléguée ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 3 janvier 1977 modifiés par la loi du 17 mai 2011 : " Le conseil national et le conseil régional de l'ordre des architectes concourent à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics. Ils ont qualité pour agir en justice en vue notamment de la protection du titre d'architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par les lois et règlements. En particulier, ils ont qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d'exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de l'obligation de recourir à un architecte (...) " ; que ces dispositions, antérieures à celles de l'article L. 600-1-2 mentionnées au point 4, n'ont pour but que de permettre au conseil régional de l'ordre des architectes d'assurer la défense des intérêts collectifs de cette profession ; que ces intérêts collectifs ne figurent cependant pas au nombre des intérêts définis par ce même article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; qu'il ne peut, par ailleurs, soutenir, en sa qualité d'ordre professionnel, qu'il devrait être assimilé à l'Etat, aux collectivités territoriales, à un groupement de collectivités territoriales ou à une association tels que mentionnés par le même article ; que, par suite, le conseil régional n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 26 de la loi du 3 janvier 1977 modifiée pour soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation comme irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir ;

9. Considérant, en quatrième lieu, et alors même que l'intérêt à agir contre une autorisation de construire s'apprécie à la date de la décision attaquée, que le moyen tiré de ce que la loi du 7 juillet 2016 aurait modifié à nouveau la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977 en confiant le soin au conseil régional de l'ordre des architectes, en cas de suspicion de signature de complaisance, de vérifier que le projet architectural émane effectivement d'un architecte ayant contribué à l'élaboration du projet est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux délivré le 22 mai 2014 ;

10. Considérant, enfin, que si le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne soutient que les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, en restreignant les possibilités de contester la légalité d'une autorisation de construire, méconnaissent le principe constitutionnel du droit au recours, il n'appartient pas à la juridiction administrative, qui n'a pas été saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité, de se prononcer sur la conformité de cette disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Renan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre, au même titre, une somme de 1 500 euros à la charge du conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne est rejetée.

Article 2 : Le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Renan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié au conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne, à la commune de Saint-Renan et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 décembre 2017.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

H. LENOIR Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT00747


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