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15/12/2017 | FRANCE | N°16NT01241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 décembre 2017, 16NT01241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tibco Télécoms a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 mai 2013 de l'inspecteur du travail déclarant M. C...apte sous certaines conditions à l'exercice de son poste de monteur câbleur et de la décision du 20 septembre 2013 du ministre du travail annulant cette décision mais confirmant l'aptitude de l'intéressé sous les mêmes réserves.

Par un jugement n° 1309307 du 23 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 avril 2016 et 1e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tibco Télécoms a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 mai 2013 de l'inspecteur du travail déclarant M. C...apte sous certaines conditions à l'exercice de son poste de monteur câbleur et de la décision du 20 septembre 2013 du ministre du travail annulant cette décision mais confirmant l'aptitude de l'intéressé sous les mêmes réserves.

Par un jugement n° 1309307 du 23 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 avril 2016 et 1er septembre 2017, la société Tibco Télécoms, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 février 2016 ;

2°) d'annuler les décisions des 27 mai 2013 et 20 septembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que l'avis du médecin du travail du 7 février 2013 ait été contesté dans les délais prévus à l'article R. 4624-35 du code du travail ;

- il n'est pas davantage établi que l'inspecteur du travail disposait d'une délégation de signature régulière ;

- le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen ;

- à aucun moment, elle n'a été invitée à produire ses observations préalablement aux décisions contestées en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- ni la décision du 27 mai 2013, qui est créatrice de droits pour l'employeur, ni celle du 20 septembre 2013 qui ne s'approprie pas l'avis du médecin inspecteur régional du travail, ne sont suffisamment motivées ;

- en vertu des articles R. 4624-34 à R. 4624-36 du code du travail, l'inspecteur du travail ne dispose pas de la compétence pour porter une appréciation sur l'état de santé du salarié, or le médecin inspecteur régional n'a pas fait état d'une évolution favorable de l'état de santé de M.C... ;

- le poste de travail de monteur câbleur implique par nature des postures prolongées des bras en élévation contre-indiquées pour l'intéressé ;

- la décision d'inaptitude rendue par le médecin du travail l'autorisait à procéder au licenciement de M.C..., or les décisions contestées autorisent le salarié à obtenir des dommages-intérêts conséquents, en violation du principe de sécurité juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2016, M. G...C...représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Tibco Télécoms au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Tibco Télécoms ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Par ordonnance du 26 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2017.

Un mémoire présenté pour M. C...a été enregistré le 27 septembre 2017, postérieurement à la clôture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

-la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant MeE..., représentant M.C....

1. Considérant que dans le cadre d'une visite de reprise faisant suite à un arrêt de maladie d'origine non professionnelle couvrant la période du 13 juin 2011 au 18 janvier 2013, le médecin du travail, confirmant un précédant avis du 21 janvier 2013, a estimé, le 7 février 2013, que M. C...était inapte à l'exercice de son emploi de technicien monteur câbleur ; que le 15 mars 2013, la société Tibco Télécoms, qui vient aux droits de la société Tibco Télécom Réseau qui, le 15 janvier 2001, avait recruté l'intéressé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, a procédé à son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle sans possibilité de reclassement ; que M.C... a contesté l'avis d'inaptitude rendu le 7 février 2013 ; que le 21 mai 2013, le médecin inspecteur régional du travail s'est prononcé sur l'aptitude de ce salarié à la condition qu'il n'aille pas sur les chantiers " GSM " et que ses postures " bras en élévation " soient limitées ; que par une décision du 27 mai 2013, l'inspecteur du travail a, compte tenu de l'évolution favorable de son état de santé, déclaré M. C...apte sous ces conditions à l'exercice de son poste ; que le 20 septembre 2013, le ministre du travail, saisi par la société dans le cadre d'un recours hiérarchique, a annulé cette décision mais a confirmé l'aptitude de l'intéressé sous les mêmes réserves ; que la société Tibco Télécoms relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du ministre du travail du 20 septembre 2013 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 4624-35 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'inspecteur du travail dont relève l'entreprise. La demande énonce les motifs de la contestation. " ; que M. C...a versé au dossier une copie de la lettre datée du 4 avril 2013 rédigée par son conseil adressée à l'inspecteur du travail pour contester l'avis du médecin du travail du 7 février 2013 ; que le ministre du travail a produit l'enveloppe comportant le cachet du même cabinet d'avocats, la mention du numéro de l'accusé de réception ainsi que le timbre à date du 4 avril 2013 ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'avis du médecin du travail du 7 février 2013 n'aurait pas été contesté par M. C...dans les délais prévus à l'article R. 4624-35 du code du travail doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de ladite loi : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, l'administration, saisie d'un recours hiérarchique, est tenue de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits ; qu'il est constant que le recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail du 27 mai 2013 a été introduit par la société Tibco Télécoms, employeur de M.C... ; que dans ces conditions, la société requérante, qui au demeurant a pu présenter ses observations sur le recours formé par le salarié contre l'avis d'inaptitude, ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas été invitée à produire ses observations préalablement à la décision du 20 septembre 2013 en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la décision du ministre du travail vise le code du travail et notamment les articles L. 1226-2, L. 1226-10, L. 4624-1 et R.4624-31 ; qu'elle rappelle notamment que la décision de l'inspecteur du travail du 27 mai 2013 a été prise après avis du médecin du travail ; qu'elle indique les raisons pour lesquelles cette décision était insuffisamment motivée en soulignant que l'inspecteur du travail ne s'est pas approprié l'avis du médecin inspecteur du travail et n'a pas non plus démontré le lien entre l'état de santé de M. C... et les réserves qu'il a apportées pour l'exercice de ses fonctions ; que le ministre du travail, s'il ne s'est pas lui-même approprié expressément les conclusions du médecin inspecteur du travail, indique cependant que l'état de santé de M. C...a favorablement évolué entre le 7 février et le 21 mai 2013 mais qu'il ne lui permet pas d'accomplir tous les gestes qu'impliquent ses fonctions, ce qui justifie les réserves émises ; que dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que le 21 mai 2013, le médecin inspecteur régional du travail a indiqué à l'inspecteur du travail que l'évolution favorable de l'état de santé de M. C...entre février 2013 et le 14 mai 2013 permettait de se prononcer sur une aptitude avec restriction ; qu'en conclusion, il a émis l'avis suivant : " Monsieur C...est apte au poste de monteur câbleur sous réserve de ne pas aller sur les chantiers GSM et en limitant les postures prolongées bras en élévation (mains au dessus du niveau de la tête) " ; qu'ainsi, le ministre du travail, et alors même qu'il a fait état d'une amélioration de l'état de santé de l'intéressé " entre le 7 février et le 21 mai 2013, jour de l'examen clinique par le médecin inspecteur du travail ", a pu légalement et sans excéder ses pouvoirs se fonder sur cet élément pour prendre sa décision du 20 septembre 2013 ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que si M.D..., ancien responsable hiérarchique de M.C..., a indiqué dans une attestation produite le 27 novembre 2013, que les activités de déploiement de l'ADSL comprenaient plusieurs types de raccordements dont certains nécessitaient de travailler les bras levés, il a également précisé que d'autres tâches de raccordement en baie ou sur répartiteur optique notamment pouvaient être limitées dans le temps et que les équipes disposaient de plateformes individuelles ; qu'il n'est pas contesté par ailleurs que la société avait indiqué lors de l'entretien avec l'inspecteur du travail qu'un aménagement de poste de l'intéressé était possible ; qu'enfin, la fiche de poste produite par la société montre que 10 % de l'activité de monteur câbleur présente un caractère administratif et que parmi les activités techniques qui représentent 90 % du travail, certaines tâches, telles que notamment celles consistant à " remplir les livrables liés aux opérations ", " contrôler ses résultats ", " remonter à la hiérarchie les problèmes rencontrés et proposer des améliorations " ou " entretenir son matériel ", ne nécessitent a priori pas de se maintenir dans une position prohibée à M.C... ; que dès lors, la société requérante n'établit pas qu'en estimant que l'intéressé était apte à son poste de travail de monteur câbleur sous certaines réserves, le ministre du travail aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

7. Considérant, enfin, qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 4624-35 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et que son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis ; que, compte tenu du but d'intérêt général en vue duquel ces dispositions ont institué un recours auprès de l'inspecteur du travail, les effets de la décision prise sur ce recours ne portent pas une atteinte excessive au principe de sécurité juridique alors même que parallèlement l'employeur peut procéder immédiatement au vu de l'avis du médecin du travail au licenciement du salarié ; que par suite, le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de l'inspectrice du travail du 27 mai 2013 :

8. Considérant que, saisi du recours hiérarchique formé par la société Tibco Télécoms contre la décision de l'inspectrice du travail statuant sur la contestation de l'avis médical du 7 février 2013, le ministre chargé du travail ne s'est pas borné à confirmer cette décision mais, par une décision du 20 septembre 2013, a annulé la décision de l'inspectrice du travail au motif qu'elle était illégale puis s'est prononcé de nouveau sur l'aptitude du salarié en tenant compte des circonstances de droit et de fait prévalant à la date à laquelle il a pris sa propre décision ; qu'ainsi, la décision du ministre du 20 septembre 2013 s'étant nécessairement substituée à celle de l'inspectrice du travail, l'ensemble des moyens dirigés contre la décision du 27 mai 2013 soulevés par la société requérante sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ; que pour ce même motif, la société Tibco n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de répondre à l'un de ces moyens et notamment à celui tiré de l'incompétence de l'inspecteur du travail ayant signé la décision du 27 mai 2013 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la société Tibco Télécoms n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Tibco Télécoms de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Tibco Télécoms le versement à M. C...de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Tibco Télécoms est rejetée.

Article 2 : La société Tibco Télécoms versera à M. C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tibco Télécoms, au ministre du travail et à M. G... C....

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2017.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01241
Date de la décision : 15/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL LVR

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-15;16nt01241 ?
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