La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2017 | FRANCE | N°16NT01875

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 04 décembre 2017, 16NT01875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Eau et Rivières de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 11 juin 2012 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a autorisé la SARL La Chapelle Elevage à exploiter un élevage porcin comprenant 380 porcs reproducteurs, 1 650 porcelets sevrés de moins de 30 kg, 3 500 autres porcs et 28 cochettes, soit 4 998 animaux équivalents, au lieu-dit Pommery à Sixt-sur-Aff et, à titre subsidiaire, de prescrire la limitation du nombre d'animaux-éq

uivalents, le traitement du lisier selon un des procédés indiqués par l'INRA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Eau et Rivières de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 11 juin 2012 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a autorisé la SARL La Chapelle Elevage à exploiter un élevage porcin comprenant 380 porcs reproducteurs, 1 650 porcelets sevrés de moins de 30 kg, 3 500 autres porcs et 28 cochettes, soit 4 998 animaux équivalents, au lieu-dit Pommery à Sixt-sur-Aff et, à titre subsidiaire, de prescrire la limitation du nombre d'animaux-équivalents, le traitement du lisier selon un des procédés indiqués par l'INRA, la couverture de toutes les fosses à lisier, la mise en oeuvre du lavage de l'air vicié et de filtres à air.

Par un jugement n° 1302188 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin 2016 et 13 octobre 2017, l'association Eau et Rivières de Bretagne, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 avril 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros et à la charge de l'EARL Pommery une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les mémoires présentées par l'EARL Pommery, qui ne démontrent pas qu'elle vient aux droits de la SARL La Chapelle Elevage, doivent être écartés des débats ;

- le tribunal administratif n'a pas formellement examiné le caractère proportionné de l'étude d'impact au regard de l'importance de la production et des risques qui en découlent pour la protection des intérêts environnementaux ;

- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances substantielles au regard des enjeux, du fait de sa disproportion et de ses omissions et insuffisances, en ce qui concerne les eaux superficielles, les eaux souterraines, l'analyse des sols, les effets pour les riverains, l'indication des quantités d'azote émises ; les raisons du choix effectué ne sont pas décrites ;

- des modifications substantielles ont été apportées au projet postérieurement à l'enquête publique ;

- la survenance d'un avis tacite de la part de l'Autorité environnementale, connu seulement 6 jours avant le début de l'enquête publique, n'a pas permis une information suffisante du public ;

- le rapport réalisé par l'inspection des installations classées le 17 avril 2012 ne répondait pas aux exigences de l'article R. 512-25 du code de l'environnement ; il omet de citer le résultat de la saisine de l'Autorité environnementale ;

- en violation du décret n°2006-672 du 8 juin 2006, dont les dispositions sont reprises dans le code des relations entre le public et l'administration, les membres du CODERST n'ont pas reçu, cinq jours au moins avant la date de la réunion, une convocation comportant l'ordre du jour et, le cas échéant, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites ;

- le quorum n'était pas réuni pour le vote du CODERST sur la demande d'autorisation présentée par la SARL Chapelle Elevage ;

- l'autorisation est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; ses prescriptions aurait dû à tout le moins être modifiées par le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2017, le ministre de la Transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 23 octobre 2017, l'EARL Pommery, venant aux droits de la SARL Chapelle Elevage, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association Eaux et Rivières de Bretagne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL La Chapelle Elevage.

Une note en délibéré présentée pour l'EARL Pommery, venant aux droits de la SARL Chapelle Elevage été enregistrée le 22 novembre 2017.

1. Considérant que la SARL Chapelle Elevage, aux droits de laquelle vient l'EARL Pommery, a été autorisée par arrêté préfectoral du 22 septembre 1997 à exploiter un élevage porcin de 2637 animaux équivalents, dans la commune de Sixt-sur-Aff au lieu-dit " Pommery " ; que le 13 avril 2011, elle a présenté une demande d'extension de cette exploitation porcine à la préfecture d'Ille et Vilaine ; qu'après une enquête publique, qui a lieu du 24 octobre au 25 novembre 2011, puis l'examen du dossier par le Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques dans sa séance du 15 mai 2012, le préfet d'Ille et Vilaine a, par arrêté du 11 juin 2012, autorisé l'exploitation d'un élevage porcin de 4998 animaux équivalents ; que l'association Eaux et Rivières de Bretagne relève appel du jugement en date du 8 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette autorisation d'exploitation ;

Sur la recevabilité des mémoires présentés en défense :

2. Considérant que par récépissé du 19 septembre 2012 le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné acte à l'EARL Pommery de ce qu'elle succédait à la SARL Chapelle Elevage dans l'exploitation de l'élevage au titre duquel a été délivrée l'autorisation en litige du 11 juin 2012 ; que l'association Eaux et Rivières de Bretagne n'est dès lors pas fondée à invoquer l'irrecevabilité de mémoires présentés en appel par l'EARL Pommery ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne le caractère suffisant de l'étude d'impact :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la demande d'autorisation : " I.-Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. II.-Elle présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet a été retenu parmi les solutions envisagées. Ces solutions font l'objet d'une description succincte (...) " ;

4. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

5. Considérant, en premier lieu, s'agissant de l'analyse des sols, qu'il incombe au demandeur d'une autorisation sollicitée au titre des installations classées de justifier précisément de l'incidence de l'exploitation sur les divers intérêts environnementaux énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; qu'à ce titre il est constant, ainsi que l'indique l'association requérante, que l'étude d'impact ne comportait aucune précision relative aux caractéristiques physico-chimiques des parcelles mises à disposition par l'EARL de Bringu et le GAEC du Bois Guérin, dont les surfaces représentent 191 ha, soit plus du quart de la superficie totale du plan d'épandage élaboré par l'EARL Pommery ; que par suite le dossier ne permettait pas de caractériser l'aptitude à l'épandage de ces terrains, qui représentent une part significative des sols destinés à accueillir les déjections de l'élevage en cause ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si les annexes à l'étude d'impact comportent le résultat de diverses analyses relatives à la concentration en phosphates de plusieurs cours d'eau compris dans le périmètre du plan d'épandage, l'étude d'impact elle-même ne fait aucune référence aux teneurs relevées ; qu'en ce qui concerne la teneur en nitrates, les auteurs de cette étude se sont bornés à l'analyse de cinq prélèvements, non renouvelés, réalisés au début de l'année 2010 sur divers cours d'eau, alors que les surfaces destinées à accueillir le lisier produit par l'exploitation s'élèvent à 699, 73 ha, et que le plan d'épandage concerne les trois bassins versants de La Vilaine, de l'Aff Est et de l'Oust Aval, mettant en cause un réseau hydrographique dont la densité est pourtant reconnue par l'étude elle-même ; qu'ainsi cette étude ne comporte pas les éléments suffisants pour décrire l'état initial de la ressource en eau susceptible d'être affectée par les rejets de l'exploitation ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si la demande décrit les mesures mises en place pour atténuer les nuisances olfactives causées par l'élevage, l'étude d'impact ne fait pas état de l'activité de location de chambres d'hôtes exercée par les riverains immédiats du pétitionnaire ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour apprécier la charge des sols en nitrates consécutive à la mise en oeuvre du plan d'épandage, le pétitionnaire a omis de tenir compte de l'évolution des normes de rejet d'azote par les vaches laitières des prêteurs, alors que cette nouvelle comptabilisation, issue de l'arrêté ministériel du 19 décembre 2011 relatif au programme d'actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables, était certaine à la date de constitution du dossier et a pour effet de porter la charge en azote de 132 à 141 kg/ha sur les parcelles épandables ; qu'ainsi les incidences des effluents de l'élevage l'EARL Pommery sur la teneur en nitrates des sols ont été minorées ;

9. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de demandes expresses de l'administration le pétitionnaire a ajouté à son dossier initial différents compléments qui n'ont pu figurer au dossier d'enquête publique, tels la justification des rendements des exploitants prêteurs de terres, le bilan fourrager de ces exploitations, ou encore le diagnostic antiérosif phosphore, relativement à certains îlots de grande taille exploités par l'EARL Pommery ; que ces renseignements, dont il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'ils ont modifié l'appréciation de l'administration, initialement défavorable au projet, étaient nécessaires pour évaluer les effets de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les milieux naturels, les équilibres biologiques, l'agriculture, l'hygiène, la salubrité et la sécurité publiques ;

10. Considérant que compte tenu de l'ampleur du projet, qui porte sur l'exploitation d'une installation d'élevage porcin de 4998 animaux équivalents dans une zone vulnérable à la pollution des eaux par les effluents d'origine agricole, et notamment par les nitrates, l'ensemble de ces omissions affectant l'étude d'impact ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population tout en étant de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative, en la conduisant à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement et la commodité du voisinage ; que l'autorisation en litige est ainsi entachée d'un vice de procédure de nature à vicier sa légalité ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que l'association Eaux et Rivières de Bretagne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Eaux et Rivières de Bretagne, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande l'EARL Pommery au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'une part de l'Etat et d'autre part de l'EARL Pommery le versement à l'association Eaux et Rivières de Bretagne d'une somme de 750 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 8 avril 2016 et l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 11 juin 2012 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'association Eaux et Rivières de Bretagne une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'EARL Pommery versera à l'association Eaux et Rivières de Bretagne une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Eau et Rivières de Bretagne, au ministre de la transition écologique et solidaire et à l'EARL Pommery.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2017.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la Transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01875
Date de la décision : 04/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-04;16nt01875 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award