Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Valognes a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner in solidum la compagnie Axa France Iard, la compagnie SMABTP, la mutuelle des architectes français, la compagnie Axa Entreprise Iard, M. D...et la société D...architectes et associés à lui payer les sommes de 667 077,60 euros TTC au titre des travaux de réparations des désordres affectant la piscine municipale, indexée sur l'indice du coût de la construction, janvier 2013 étant le mois de référence, 38 669,89 euros TTC au titre des dépenses de matériel et des mesures conservatoires, 690 637,50 euros TTC au titre de la surconsommation d'eau et de chauffage, 750 951,35 euros TTC au titre des dépenses liées à la fermeture de la piscine, 100 000 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté à la date du 31 décembre 2012, 50 000 euros par an au titre du préjudice de jouissance depuis le 1er janvier 2013 et 50 000 euros de dommages et intérêts complémentaires à titre de résistance abusive.
Par un jugement n° 1301003 du 1er décembre 2015 le tribunal administratif de Caen a :
- condamné solidairement la compagnie Axa France Iard, assureur dommages ouvrage, et M. D...et le cabinet D...architectes et associés à verser à la commune de Valognes la somme de 67 101,58 euros (article 1er) ;
- condamné M. D...et le cabinet D...architectes et associés à verser à la commune de Valognes la somme de 376 695,75 euros TTC (article 2) ;
- condamné M. D...et le cabinetD..., d'une part, et la société Leluan frères, représentée par MeC..., d'autre part, à garantir la société Axa France Iard, à hauteur de 67 101,58 euros (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2016 et le 28 avril 2017, la commune de Valognes, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er décembre 2015 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;
2°) de condamner in solidum la compagnie Axa France Iard, M. D...et la société D...architectes et associés à lui payer les sommes de 667 077,60 euros TTC au titre des travaux de réparations des désordres affectant la piscine municipale, indexée sur le coût de la construction, janvier 2013 étant le mois de référence, 38 669,89 euros TTC au titre des dépenses de matériel et des mesures conservatoires, 690 637,50 euros TTC au titre de la surconsommation d'eau et de chauffage, 764 815,85 euros TTC au titre des dépenses liées à la fermeture de la piscine, 100 000 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté à la date du 31 décembre 2012, 50 000 euros par an au titre du préjudice de jouissance depuis le 1er janvier 2013 et 50 000 euros de dommages et intérêts complémentaires à titre de résistance abusive ;
3°) d'assortir la condamnation de la compagnie Axa France Iard du double des intérêts légaux ayant commencé à courir le 12 mars 2007 en application du cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances ;
4°) de condamner in solidum la compagnie Axa France Iard, M. D...et la société D...et associés aux dépens ;
5°) de mettre à la charge solidaire de la compagnie Axe France Iard, de M. D...et de la société D...Architectes et associés la somme de 60 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le désordre tenant au défaut d'étanchéité des bassins relève de la garantie décennale des constructeurs, ou subsidiairement entraîne la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de M.D... ;
- les fissurations dans les ouvrages de béton cellulaire sont également de nature décennale, ou à titre subsidiaire entrainent la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l'entreprise Leluan Frères et de l'équipe de maîtrise d'oeuvre ;
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu le caractère décennal du descellement d'ouvrages et d'équipements, des remontées d'humidité dans les murs et cloisons du bâtiment vestiaires et du décollement de carrelages des plages ;
- le dysfonctionnement de la chaudière est une conséquence dommageable des défauts d'étanchéité des bassins et relève donc, comme eux, de la garantie décennale ;
- les travaux de reprise s'élèvent à la somme de 667 077,60 euros TTC ;
- les dépenses de matériel générées par les désordres s'élèvent à 38 669,89 euros ;
- les surconsommations d'eau et de chauffage s'élèvent à 690 637,50 euros TTC ;
- les dépenses liées aux conséquences de la fermeture du 1er juin 2011 au 31 décembre 2015 se sont élevées à la somme de 764 815,85 euros ;
- elle doit être indemnisée de son préjudice de jouissance à hauteur de 100 000 euros au 31 décembre 2012 puis 50 000 euros par an ensuite ;
- même si elle n'a formé aucune demande de condamnation des sociétés Normaprim et Leluan Frères, qui font l'objet de procédures collectives, leur responsabilité décennale est engagée, au même titre que celle de M. D...et du cabinet D...Architectes et Associés ;
- son assureur dommages ouvrages, Axa France Iard, doit prendre en charge les désordres de nature décennale ;
- les parties se sont soumises volontairement à l'article L. 242-1 du code de assurances, de sorte que le délai de 60 jours qu'il prévoit est bien applicable aux indemnités qui lui sont dues et que la condamnation d'Axa France Iard doit être assortie du double des intérêts légaux ayant commencé à courir le 12 mars 2007 ;
- le II de l'article L. 243-1-1 du code des assurances, qui est d'ordre public, prévoit que les assurances dommages ouvrage et décennale s'appliquent aux désordres affectant à la fois l'ouvrage neuf et les existants dès lors que ces derniers sont incorporés dans l'ouvrage neuf et en deviennent techniquement indivisibles ; les désordres d'étanchéité des bassins doivent donc être couverts par son assureur.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 septembre 2016 et le 16 juin 2017, la société Axa France Iard conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre par la commune de Valognes ; par la voie de l'appel incident, elle demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Caen du 1er décembre 2015 en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ; à titre subsidiaire, elle présente des conclusions d'appel provoqué tendant à la condamnation in solidum de M.D..., du cabinet D...et associés, de la société Leluan Frères, représentée par MeC..., et de la société Bruno Cambon, mandataire judiciaire des sociétés Normaprim et Leluan frères, à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ; enfin, elle demande que soient mis à la charge de la commune de Valognes les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action de la commune de Valognes à son égard est prescrite en application de l'article L. 114-1 du code des assurances ;
- le délai de 60 jours prévu par l'article L. 242-1 du code des assurances n'était pas applicable et a, en tout état de cause, été respecté ;
- sa garantie ne peut couvrir les désordres relatifs à des ouvrages exclus ne concernant pas la construction d'un nouveau bâtiment d'accueil et des vestiaires ;
- en tout état de cause, aucune condamnation ne pourrait dépasser le plafond de garantie ;
- elle devrait être garantie par les constructeurs, dont l'expert a identifié les responsabilités.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 26 septembre 2016 et le 27 septembre 2016, M. D...et le cabinet D...Architectes et associés concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demandent la réformation du jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à leur encontre ; ils demandent également que soient fixées les parts de responsabilité des sociétés Leluan et Normaprim, ainsi que la condamnation de la société Socotec à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ; ils demandent enfin que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la commune de Valognes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune, qui n'avaient pas invoqué la responsabilité contractuelle des constructeurs en première instance, ne peut pas le faire pour la première fois en appel ;
- la commune n'entend pas entreprendre la réparation de l'ouvrage, de sorte que les préjudices qu'elle invoque sont seulement virtuels ;
- le défaut d'étanchéité des bassins ne concerne pas les missions de la maîtrise d'oeuvre, était connu de la commune, révèle un défaut d'entretien, n'est pas de nature décennale et résulte principalement de défauts d'exécution et de carences de la société Normaprim ;
- pour ce qui est des fissurations des ouvrages de béton cellulaire, la responsabilité principale au sein de la maîtrise d'oeuvre incombe à Normaprim ;
- les décollements des carrelages des plages résultent de défauts d'exécution et des carences de la société Normaprim ;
- les dysfonctionnements de la chaudière sont liés aux travaux de 1983-1984 et non aux travaux litigieux ;
- la vétusté du bâtiment est particulièrement importante et doit être prise en compte au moins à hauteur de 90% des condamnations ;
- les préjudices immatériels ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2017, la société Normaprim et la SELARL Bruno Cambon, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Normaprim, concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de la commune de Valognes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. À titre subsidiaire, ils demandent que la part de responsabilité de la société Normaprim au sein de la maîtrise d'oeuvre soit limitée à 36%.
Elles soutiennent que :
- la commune de Valognes ne forme aucune demande de condamnation à leur encontre ;
- la commune de Valognes ne peut invoquer pour la première fois en appel la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre ;
- sa responsabilité ne peut être engagée pour aucun des désordres relevés par le maître d'ouvrage ;
- les demandes relatives aux dommages matériels et immatériels prétendument consécutifs à ces désordres ne peuvent qu'être rejetées pour les raisons retenues par le tribunal.
Par courriers du 26 août 2016, des mises en demeures de produire des observations en défense ont été adressées à la société Leluan Frères et à la société Bruno Cambon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Leluan frères.
Par une ordonnance du 6 juillet 2017, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Hellot, avocat de la société Axa France Iard.
1. Considérant que, par un marché conclu le 4 décembre 2000, la commune de Valognes (Manche) a confié à un groupement conjoint composé de M. B...D..., architecte, et de la société Normaprim, bureau d'études techniques, la maîtrise d'oeuvre d'une opération de " construction d'une piscine semi couverte " ; que, par une convention signée le 26 mars 1998, le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Socotec ; que, par un marché signé le 28 juin 2001, le lot n° 1 " Démolition - Maçonnerie - Carrelages " a été attribué à l'entreprise Leluan Frères ; que le 9 août 2002 la commune de Valognes a souscrit auprès de la société Axa France Iard un contrat d'assurance dommages ouvrage ; que la réception des travaux a été prononcée avec effet au 19 juin 2003 ; que plusieurs désordres sont ensuite apparus ; que la commune de Valognes a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation in solidum, d'une part, de la société Axa France Iard, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, et d'autre part, de M. D...et de la société D...Architectes, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, à l'indemniser des préjudices subis du fait de ces désordres ; que, par un jugement du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, condamné solidairement la compagnie Axa France Iard, M. D...et le cabinet D...architectes et associés à lui verser la somme de 67 101,58 euros en réparation des désordres affectant le bâtiment vestiaire et, d'autre part, condamné M. D...et le cabinet D...architectes et associés à lui verser à la somme de 376 695,75 euros TTC en réparation des désordres affectant le bâtiment technique chaufferie, le carrelage posé sur les plages entourant les bassins et divers frais engagés au cours de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Cherbourg ; que la commune de Valognes relève appel de ce jugement et en demande la réformation en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes ; que M. D...et le cabinet D...architectes et associés et la société Axa France Iard présentent, d'une part, des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation de ce même jugement en tant qu'il prononce des condamnations à leur encontre, et d'autre part, des conclusions d'appel en garantie qui s'analysent en des conclusions d'appel provoqué ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant que la commune de Valognes, qui est propriétaire des ouvrages qui composent la piscine de Valognes, est recevable à rechercher la responsabilité des constructeurs pour les désordres qui résulteraient des travaux réalisés de 2001 à 2003 sur ces ouvrages ; que la circonstance que la communauté de communes Coeur Cotentin soit devenue compétente pour la construction d'un nouvel espace aquatique du Centre Cotentin, dont il n'est au demeurant pas soutenu qu'il s'établirait au même endroit que la piscine de Valognes et utiliserait les ouvrages de celle-ci, est par suite sans incidence sur la recevabilité de la demande indemnitaire de la commune de Valognes ;
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
3. Considérant que les constructeurs sont responsables de plein droit pendant dix ans des désordres qui, apparus postérieurement à la réception, leur sont imputables, même partiellement, et qui compromettent la solidité de l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé, ou le rendent impropre à sa destination, sauf s'ils prouvent que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention ou que ces désordres étaient apparents à la réception ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe au procès-verbal de réception des travaux du lot n° 7, réalisés par l'entreprise Roger Doublet, ainsi que du courrier de la commune de Valognes à M. D...du 20 décembre 2005 dressant la liste des travaux à reprendre, que les fuites d'eau, qui affectent le grand et le petit bassin, ainsi que plusieurs points des circuits de canalisations, étaient apparentes lors de la réception des travaux et ont au demeurant fait l'objet de nombreuses réserves, dont il n'est pas établi qu'elles auraient toutes été levées ; qu'eu égard à l'importance des réserves concernant ces fuites et aux caractéristiques de l'amplification de ce désordre après la réception, la commune de Valognes n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas envisager la gravité des désordres en cause et leur caractère évolutif ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Caen a écarté du champ de la garantie décennale des constructeurs les fuites d'eau affectant les bassins, ainsi que les dysfonctionnements de la chaudière induits par ces fuites d'eau ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe au procès-verbal de réception des travaux du lot n° 1, réalisés par la société Leluan frères, ainsi que du courrier du maître d'ouvrage au maître d'oeuvre du 19 décembre 2002 à laquelle cette annexe renvoie, que des fissures sur les murs intérieurs et extérieurs du bâtiment vestiaire étaient apparentes lors de la réception des travaux et que la commune était en mesure d'envisager la gravité croissante de ces fissures, apparues très peu de temps après l'exécution des travaux ; que ces fissures ont d'ailleurs fait l'objet de réserves, puis à nouveau de demandes de reprises dans le courrier précité du 20 décembre 2005 et il n'est pas établi que ces réserves auraient été levées ; que, par suite, ces désordres n'entrent pas dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs ;
6. Considérant, en troisième lieu en revanche, qu'il résulte de l'instruction que les fissures affectant les murs intérieurs et extérieurs du bâtiment technique chaufferie, qui n'étaient pas apparentes lors de la réception des travaux, compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination ; que ces désordres ont pour origine le choix d'un matériau offrant des performances mécaniques moindres que celles du béton ordinaire et l'absence d'armatures métalliques ; qu'ils sont donc imputables à un défaut de conception et à un défaut d'exécution de la société chargée des travaux ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert que dans le bâtiment vestiaire, deux bâtis de portes et huit robinetteries se descellent et que la partie basse des murs et des cloisons est affectée par des remontées humides décollant le revêtement en peinture et favorisant l'apparition d'efflorescences de surface ; que ces désordres, qui résultent du défaut de solidité de l'ouvrage et d'une étanchéité insuffisante, ont un caractère évolutif et rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'ils sont imputables à un défaut de conception et à un défaut d'exécution ;
8. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que les carrelages posés sur les plages entourant les bassins sont affectés de nombreux désordres, qui ont rendus nécessaires la dépose complète du revêtement et son remplacement ; que ces désordres, qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination et qui n'étaient pas apparents lors de la réception des travaux, sont ainsi de nature décennale ; qu'ils sont imputables à des défauts de conception et d'exécution ;
Sur la responsabilité contractuelle des constructeurs :
9. Considérant que la commune de Valognes, qui n'avait soulevé en première instance que la garantie décennale des constructeurs n'est pas recevable à invoquer, pour la première fois en appel, leur responsabilité contractuelle, laquelle relève d'une cause juridique distincte de la responsabilité décennale ; que, par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par la commune de Valognes, tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle des constructeurs pour les désordres relatifs aux fuites d'eau, aux dysfonctionnements de la chaudière et aux fissures dans les murs intérieurs et extérieurs du bâtiment vestiaire ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la responsabilité contractuelle de l'assureur dommage ouvrage :
10. Considérant, en premier lieu, sans qu'il soit besoin de rechercher si la prescription de deux ans prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances était applicable au contrat signé par la commune de Valognes avec la compagnie Axa France Iard le 9 août 2002, il résulte de l'instruction que les désordres, signalés par un courrier du 12 mars 2007, ont fait l'objet d'une expertise ordonnée par une ordonnance du tribunal de grande instance de Cherbourg du 18 septembre 2007 ; que le délai de prescription a ainsi été valablement interrompu, avant l'expiration du délai de deux ans, par cette expertise et pendant toute la durée de celle-ci ; que si le délai de deux ans a recommencé à courir avec le dépôt du rapport d'expertise en janvier 2013, la commune de Valognes a saisi le tribunal administratif de Caen le 6 juin 2013, soit avant l'expiration d'un nouveau délai de deux ans ; que, par suite, la société Axa France Iard n'est pas fondée à soutenir que l'action de la commune de Valognes serait prescrite ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que le contrat d'assurance souscrit par la commune de Valognes auprès de la société Axa France Iard le 9 août 2002, s'il mentionne le montant total des travaux réalisés entre 2001 et 2003 pour la piscine de Valognes, décrit sommairement l'opération comme " la construction d'un nouveau bâtiment d'accueil et de vestiaire " en précisant, à sa page 7 que " la garantie dommages ouvrage porte uniquement sur le nouveau bâtiment d'accueil et les vestiaires " et que " les travaux réalisés sur et autour des bassins sont exclus des garanties du contrat ainsi que le matériel d'équipement des bassins et les machines nécessaires au fonctionnement de ces bassins. " ; qu'il suit de là que la garantie de l'assureur, à supposer même qu'elle doive s'étendre aux ouvrages existants qui sont intégrés aux ouvrages neufs faisant l'objet du contrat d'assurance, ne couvre que les travaux réalisés sur le bâtiment d'accueil et les vestiaires et ne s'étend pas aux travaux réalisés sur les bassins, leurs plages ou pour le bâtiment technique, qui ne sert qu'à abriter les machines nécessaires aux fonctionnements de ces bassins ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif de Caen a écarté la responsabilité de l'assureur s'agissant des désordres relatifs aux fuites d'eau des bassins, aux dysfonctionnements de la chaudières et aux fissures dans les murs du bâtiment technique et a retenu celle-ci pour les descellements et remontées d'humidité affectant le bâtiment vestiaire, mentionnés au point 7 ci-dessus ;
Sur les préjudices :
12. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la piscine soit fermée depuis juin 2011 et que la commune de Valognes n'ait pas procédé aux travaux de réparation nécessaires à sa réouverture ne fait pas obstacle à ce que cette commune obtienne réparation des préjudices subis du fait des désordres, pour lesquels la responsabilité des constructeurs et de l'assureur dommages ouvrage est engagée ; qu'en revanche, la commune, qui n'établit ni même ne soutient qu'elle était dans l'impossibilité de faire procéder aux travaux de reprise à la date à la laquelle le montant de ces travaux de reprise a été évalué par l'expert en janvier 2013, n'est pas fondée à demander leur actualisation ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le coût des travaux de réparation des fissures du bâtiment technique, dont l'ampleur nécessite la démolition quasi-totale du bâtiment et sa reconstruction en agglomérés béton, s'élève à la somme totale non contestée en appel de 161 591,56 euros TTC ;
14. Considérant, en troisième lieu, que le coût de reprise des désordres de descellements et de remontées d'humidité qui affectent le bâtiment vestiaire s'élève à la somme totale non contestée de 67 101,58 euros TTC ;
15. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant les carrelages des plages des bassins, par leur ampleur et leur caractère récurrent, nécessitent la dépose du revêtement existant et son remplacement ; que les travaux de reprise nécessaires s'élèvent ainsi à la somme totale non contestée de 209 521,26 euros ;
16. Considérant, enfin, que s'il résulte de l'instruction que la commune de Valognes a exposé en cours d'expertise des frais de reconnaissance d'armatures dans les maçonneries d'un montant de 2 990 euros TTC et des frais de remplacement de colonnes de douches, d'un montant de 2 592,93 euros TTC, elle ne justifie ni avoir effectué des travaux de pose de carrelage ni avoir acheté des bornes signalant le sol glissant ; que, de même, doivent être rejetées les demandes de la commune de Valognes relatives aux consommations excessive d'eau et de chauffage, aux pertes subies du fait de la fermeture de la piscine et au préjudice de jouissance, ces trois chefs de préjudice étant liés aux fuites d'eau, pour lesquelles ni la responsabilité des constructeurs ni celle de l'assureur dommages ouvrage n'est retenue ; qu'enfin, la commune ne justifie pas d'un préjudice qui résulterait d'une " résistance abusive " des constructeurs et de son assureur dommages ouvrage de faire droit à ses demandes indemnitaires ;
Sur les intérêts :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public ni aux personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de bâtiment pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat./ Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours. / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. " ;
18. Considérant qu'à supposer même que les délais prévus au troisième alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances soient applicables au contrat d'assurance signé le 9 août 2002 par la commune de Valognes, celle-ci n'établit ni ne soutient qu'elle aurait engagé des dépenses pour réparer les désordres affectant le bâtiment vestiaires, mentionnés aux points 7 et 14 ci-dessus, couverts par l'assurance ; que, par suite, la commune de Valognes n'est pas fondée à demander que l'indemnité versée par l'assureur soit, en application du 5ème alinéa de cet article L. 242-1, majorée d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal de la commune de Valognes et les conclusions d'appel incident présentées, d'une part, par M. D...et le cabinet D...architectes et associés, et d'autre part, par la société Axa France Iard doivent être rejetés ;
Sur les conclusions d'appel provoqué :
20. Considérant que le présent arrêt n'aggrave ni la situation de M. D...et du cabinet D...architectes et associés ni celle de la société Axa France Iard ; que, par suite, leurs conclusions d'appel en garantie et demandes de partage de responsabilité, qui sont des conclusions d'intimé à intimé, ne sont pas recevables ;
Sur les frais d'expertise :
21. Considérant que les frais de l'expertise réalisée, d'un montant non contesté de 89 089,48 euros, doivent être mis, pour moitié à la charge de la commune de Valognes et pour moitié à la charge solidaire de M. D...et du cabinet D...architectes et associés et de la société Axa France Iard ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par la commune de Valognes, partie perdante ;
23. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par M. D...et le cabinet D...architectes et associés et par la société Axe France Iard ;
DECIDE
Article 1er : Les frais d'expertise, d'un montant de 89 089,84 euros, sont mis pour moitié à la charge de la commune de Valognes et pour moitié à la charge solidaire de M. D...et du cabinet D...architectes et associés et de la société Axa France Iard.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Valognes est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par M. D...et le cabinet D...architectes et associés et par la société Axa France Iard sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. D...et le cabinet D...architectes et associés et par la société Axa France Iard sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Valognes, à M. D...et au cabinet D...architectes et associés, à la société Axa France Iard, à la société Normaprim, à la société Leluan Frères et à la société Bruno Cambon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Leluan Frères.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2017.
Le rapporteur,
S. RIMEULe président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT00447