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14/11/2017 | FRANCE | N°15NT02230

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 novembre 2017, 15NT02230


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 23 avril 2015, la commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours présenté par la SAS Distribution Casino France contre la décision du 18 novembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Loiret a autorisé la SAS Peuplidis à procéder à une extension de la surface de vente d'un magasin à l'enseigne U Express à Château-Renard et a confirmé l'autorisation accordée.

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2015, la société SAS Distribution Casino France, représe

ntée par la Selarl Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler la décisio...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 23 avril 2015, la commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours présenté par la SAS Distribution Casino France contre la décision du 18 novembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Loiret a autorisé la SAS Peuplidis à procéder à une extension de la surface de vente d'un magasin à l'enseigne U Express à Château-Renard et a confirmé l'autorisation accordée.

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2015, la société SAS Distribution Casino France, représentée par la Selarl Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 23 avril 2015 de la commission nationale d'aménagement commercial ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que les avis des ministres aient été signés par une personne habilitée pour ce faire ;

- le dossier de demande d'autorisation était incomplet, en ce qui concerne notamment la détermination de la zone de chalandise, l'impact global du projet sur les flux routiers, la desserte du projet par les modes de transport doux et les effets du projet en matière de développement durable ;

- à la date du 2 juillet 2003, le terrain d'assiette du projet était situé dans une zone non constructible et en application de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme aucune autorisation d'exploitation commerciale ne pouvait être délivrée ;

- la commission nationale a commis une erreur d'appréciation au regard des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le projet aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine de la commune de Château-Renard ;

- les données du dossier concernant les flux de circulation sont insuffisantes ;

- le projet aura des répercussions négatives sur le trafic routier ; il implique une utilisation dangereuse des voies d'accès tant par les véhicules de livraison que par les voitures particulières ;

- le projet ne dispose pas d'une desserte suffisante par les modes de transport doux ;

- le projet ne se justifie pas en termes de développement durable dès lors qu'il induira des déplacements supplémentaires et que les mesures pour limiter son impact sur l'environnement sont insuffisantes ;

- cette opération ne répond pas aux besoins et à la satisfaction des consommateurs, qui disposent sur place de l'ensemble des produits et des services couvrant leurs besoins, et ne proposera aucune complémentarité avec l'offre commerciale existante, déjà bien pourvue ; le projet prélèvera immanquablement l'actuelle clientèle des commerces traditionnels, notamment ceux situés en centre-ville.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2015, la société SAS Peuplidis, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société SAS Distribution Casino France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la SAS Distribution Casino France, et de MeF..., substituant MeA..., représentant la SAS Peuplidis.

1. Considérant que par une décision du 18 novembre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Loiret a autorisé la société Peuplidis à procéder à l'extension du magasin " U EXPRESS " qu'elle exploitait dans le centre-ville de Château-Renard, portant ainsi sa surface de vente de 995 m² à 1 417 m² ; que la société Distribution Casino France, qui exploite un magasin Casino sur le territoire de la même commune, a demandé à la commission nationale d'aménagement commercial d'annuler cette décision ; que le 23 avril 2015, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté ce recours et autorisé le projet de la société Peuplidis ; que la société Distribution Casino France demande l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 23 avril 2015 :

En ce qui concerne la régularité des avis émis par les ministres :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. " ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision attaquée que l'avis du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a été signé le 20 avril 2015 par Mme G...H..., sous-directrice de la qualité du cadre de vie ; que par une décision du 19 novembre 2013, l'intéressée, ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, a reçu délégation à l'effet de signer au nom de la ministre de l'égalité des territoires et du logement et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction de la qualité du cadre de vie ; que pour sa part, le ministre chargé du commerce a émis un avis le 16 avril 2015, lequel a été signé par M. E...D..., chef du service tourisme, commerce, artisanat et services ; que par un arrêté du 19 septembre 2014, l'intéressé, administrateur civil hors classe, a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, tous actes, arrêtés, décisions, marchés ou conventions, dans la limite des attributions du service du tourisme, du commerce, de l'artisanat et des services ; que par suite, le moyen tiré de ce que les avis des ministres intéressés n'auraient pas été signés par des personnes habilitées ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la composition du dossier de demande :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce, alors en vigueur : " (...) II.- La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; 3° La gestion de l'espace ; 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; 5° Les paysages et les écosystèmes. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande d'autorisation, la société pétitionnaire a défini la zone de chalandise retenue, qu'elle a divisée en deux sous-zones selon le temps de parcours nécessaire pour se rendre sur le site du projet ; qu'elle a estimé à 130 véhicules par jour l'accroissement maximal de flux quotidien de voitures particulières, alors que le flux actuel s'établit à 386 véhicules par jour, le flux des véhicules de livraison étant inchangé ; que contrairement à ce que soutient la société Distribution Casino France, le dossier de demande, qui porte simplement sur une extension mesurée de la surface de vente d'un magasin à l'enseigne " U EXPRESS ", comporte les éléments d'analyse suffisants concernant tant l'impact du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison que la desserte du site par les modes de transport doux ; que le dossier comporte également des éléments d'analyse suffisamment précis, concernant la qualité environnementale du projet ; que, par conséquent, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation doit être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 : " (...) / III.- Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut être délivré (...) d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce (...) à l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat. / IV.- Jusqu'au 31 décembre 2016, les I à III du présent article ne sont pas applicables dans les communes situées à plus de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à plus de quinze kilomètres de la limite extérieure d'une unité urbaine de plus de 15 000 habitants, au sens du recensement général de la population (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en zone UAa du plan d'occupation des sols de la commune de Château-Renard, applicable lors de l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003 dite " urbanisme et habitat " ; qu'ainsi, les parcelles classées en zone UAa étaient ouvertes à l'urbanisation avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003 ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme n'y interdisaient pas la délivrance d'une autorisation d'aménagement commercial ;

En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions (...) d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales (...) ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ; qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; b) L'effet du projet sur les flux de transport ; c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

9. Considérant qu'en se bornant à faire valoir que l'implantation du projet ne contribuera pas à l'animation de la vie urbaine de la commune et que l'opération va nécessairement engendrer une augmentation du trafic, la société Distribution Casino France ne démontre pas que ce projet, d'une extension très limitée, qui est implanté en centre-ville, desservi par la route départementale 37 et par une ligne de bus, serait de nature à méconnaître les objectifs en matière d'aménagement du territoire ; que la demande d'autorisation présentée par la société Peuplidis comportait les éléments nécessaires concernant les effets du projet sur les flux de circulation et il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale d'aménagement commercial se soit prononcée sur la base d'informations insuffisantes ; qu'il n'est pas davantage établi que les voies d'accès au site sont dangereuses ; que, s'agissant des effets du projet en matière de développement durable, il n'apparaît pas que le projet en litige, qui ne prévoit pas de modification du bâtiment existant, méconnaîtrait les objectifs fixés par le législateur en matière de qualité environnementale ; qu'enfin, la société Distribution Casino France soutient que le projet méconnaît l'objectif de protection des consommateurs au motif que l'offre commerciale dans la zone de chalandise est suffisante, que le centre ville comporte de nombreux commerces et que cette opération " prélèvera immanquablement l'actuelle clientèle des commerces traditionnels " ; qu'elle n'apporte aucun élément à l'appui de son moyen alors qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le projet autorisé par la décision attaquée prévoit un agrandissement limité de la surface de vente de l'hypermarché existant dans le but de réorganiser et d'améliorer son offre commerciale ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait, par la décision attaquée, une inexacte application des dispositions rappelées ci-dessus du code de commerce ; que, dès lors, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société Distribution Casino France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Distribution Casino France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Peuplidis et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La société Distribution Casino France versera à la société Peuplidis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à la commission nationale d'aménagement commercial, à la société SAS Peuplidis et au ministre de l'économie.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIERLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02230
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-14;15nt02230 ?
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