Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint Lumine de Coutais a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement les sociétés Boucheton, Juignet et Bureau Véritas à lui payer à titre de provision la somme de 44 000 euros TTC au titre des travaux de reprise de la charpente de sa salle polyvalente et de condamner la société Juignet à lui payer à titre de provision la somme de 11 000 euros TTC au titre des travaux de reprise des vitrages.
Par une ordonnance n° 1602760 du 20 juillet 2016 le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés le 1er août 2016 et le 22 décembre 2016, la commune de Saint Lumine de Coutais représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 20 juillet 2016 ;
2°) de condamner solidairement les sociétés Boucheton, Juignet et Bureau Véritas à lui payer à titre de provision la somme de 44 000 euros TTC au titre des travaux de reprise de la charpente de sa salle polyvalente ;
3°) de condamner la société Juignet à lui payer à titre de provision la somme de 11 000 euros TTC au titre des travaux de reprise des vitrages ;
4°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête avec capitalisation des intérêts ;
5°) de condamner solidairement les mêmes sociétés à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance méconnaît le principe du contradictoire dès lors que la requête a été rejetée sans clôture d'instruction, sans mise en demeure de régulariser, sans audience publique ; elle était dans l'attente de la production d'un mémoire en défense de la société Vitrage Isolants Vendéens qui venait d'être mise en cause ; elle allait produire la délibération du 14 avril 2014 autorisant le maire à ester en justice et attendait que toutes les parties aient répondu pour ce faire ; la solution applicable aux ordonnances pour irrecevabilité prises en vertu de l'article R. 222-1 du code de justice administrative est totalement transposable aux ordonnances rendues en référé-provision ;
- elle devait être invitée à régulariser sa requête ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elle a retenu à tort que l'absence de production de la délibération autorisant le maire à ester en justice devait entraîner l'irrecevabilité du recours ;
- la délibération du 14 avril 2014 a habilité le maire pour ester en justice ;
- l'obligation dont elle se prévaut n'est pas sérieusement contestable, ni du point de vue du principe de la responsabilité ni de celui du montant de la provision sollicitée ;
- les désordres constatés par l'expert, affectant tant la charpente et les menuiseries que les vitrages revêtent un caractère décennal ;
- l'expert impute les désordres à l'architecte Boucheton pour défaut de conception et de contrôle des travaux, au bureau Véritas pour absence de vérification des plans et notes de calcul et insuffisance de contrôle, à l'entreprise TBF et à la société Juignet, fabricant des menuiseries et fournisseur des vitrages ;
- la responsabilité des sociétés Boucheton et Bureau Véritas est engagée sur le plan décennal ;
- la responsabilité de la société Juignet est engagée sur le plan quasi-délictuel ;
- l'expert a évalué le coût des reprises à 40 000 euros pour la charpente et à 10 000 euros pour les vitrages, outre 10 % de frais de maîtrise d'oeuvre.
Par des mémoires en défense, respectivement enregistrés le 30 septembre 2016 et le 5 janvier 2017, la SAS Juignet Armand, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'appeler à la cause la société V.I.V. ;
2°) de condamner la société V.I.V. à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint Lumine de Coutais ou de tout succombant solidairement la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action engagée par la commune à son encontre ne dispose pas de fondement juridique certain ;
- si l'expert lui reproche de ne pas avoir apporté le conseil nécessaire quant au fluage prévisible de la poutre béton et de ne pas avoir conçu la traverse haute des châssis de la façade comme un ouvrage indépendant de la structure de la toiture terrasse le CCTP du lot n° 4 ne mentionne pas un fluage éventuel de la poutre béton ; elle n'a aucune compétence pour prévoir un quelconque fluage de la poutre béton et de la charpente acier ; seuls l'architecte, l'entreprise TBF et le bureau Véritas avait une telle compétence ;
- s'agissant des désordres sur les vitrages, le coût de la dépose et du remplacement des vitrages doit être assumé par son fournisseur la société V.I.V. qui devra la garantir.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2016, la société Bureau Véritas, représentée par MeG..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) subsidiairement, d'écarter toute solidarité en ce qui la concerne ;
3°) de condamner solidairement la société Boucheton et la société Juignet à la garantir de toute condamnation à son encontre et de limiter la part de responsabilité en ce qui la concerne à 5% ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint Lumine de Coutais ou de toute partie perdante le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'existe pas d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
- les vitrages constituent des éléments dissociables extérieurs à sa mission ;
- les fautes de conception ne peuvent être imputées au contrôleur technique et ce alors qu'il n'a pas eu communication des plans d'exécution ;
- le contrôleur technique ne pourrait au regard de sa mission être condamné solidairement avec les constructeurs ;
- il serait subsidiairement fondé à obtenir la garantie de la société Boucheton Architectes et de la société Juignet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2016, la société Jacques Boucheton Architectes, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) subsidiairement, de réduire les sommes sollicitées dans leur quantum ;
3°) de condamner solidairement les sociétés Bureau Véritas et Juignet à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint Lumine de Coutais et de toute partie succombante le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour la commune de justifier du mandat donné à son maire pour ester en justice ; la délibération du 15 avril 2014 ne précise pas les cas dans lesquels le conseil municipal a habilité le maire à ester en justice ;
- il existe des contestations sérieuses à la demande de provision ; la nature décennale des désordres n'est pas avérée ;
- les plans d'exécution réalisés par la société Juignet ne lui ont pas été adressés ;
- le bureau de contrôle n'a pas émis de réserves sur ce point, de sorte qu'elle ne pouvait appréhender les difficultés relatives au fléchissement de la poutre béton sur les menuiseries ;
- la commune devra garder à sa charge la part de responsabilité de la société TBF dans l'attente de son recours vers son assureur ;
- la commune qui est assujettie à la TVA ne peut demander qu'une indemnité minorée de la TVA ;
- subsidiairement, elle est fondée à solliciter la garantie de la société Juignet et de la société Bureau Véritas.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique ;
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...pour la commune de Saint-Lumine de Coutais et de Me F...pour la société Jacques Boucheton Architecte.
1. Considérant que la commune de Saint Lumine de Coutais relève appel de l'ordonnance du 20 juillet 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une provision d'un montant global de 55 000 euros TTC au titre des travaux de reprise de la charpente et des vitrages de sa salle polyvalente comme irrecevable à défaut pour elle de justifier de l'habilitation de son maire à ester en justice ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune " ; que lorsque les dispositions ou stipulations applicables à une personne morale subordonnent à une habilitation par un de ses organes la possibilité pour son représentant légal d'exercer en son nom une action en justice, le représentant qui engage une action devant une juridiction administrative doit produire cette habilitation ; que si cette obligation ne s'applique pas, eu égard aux contraintes qui leur sont propres, aux actions en référé soumises, en vertu des dispositions applicables, à une condition d'urgence ou à de très brefs délais, tel n'est pas le cas de l'action en référé prévue par l'article R. 541-1 du code de justice administrative, qui n'est pas soumise à une condition ou à un délai de ce type ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables au juge du référé saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser ; que dans l'hypothèse où aucune date de clôture d'instruction ni de date d'audience n'ont été fixées par le juge des référés, une telle obligation subsiste alors même que le motif d'irrecevabilité a été opposé en défense dans un mémoire qui a été communiqué au requérant ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le juge des référés n'a pas invité la commune de Saint Lumine de Coutais à régulariser sa demande en produisant la délégation accordée au maire aux fins de la représenter en justice ; que, si la société Bureau Veritas, la société Juignet Armand et la société Jacques Boucheton Architecte, dans des mémoires communiqués à la commune requérante, ont opposé l'irrecevabilité de sa demande à défaut pour elle de justifier de l'habilitation de son maire à ester en justice, il est constant qu'aucune clôture de l'instruction n'était intervenue à la date de l'ordonnance attaquée ; que, dans ces conditions, le juge des référés ne pouvait, sans méconnaître les exigences du caractère contradictoire de l'instruction, rejeter la requête comme irrecevable ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint Lumine de Coutais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande de provision comme étant irrecevable ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit statué sur la demande de provision de la commune de Saint Lumine de Coutais ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Bureau Veritas, la société Juignet Armand et la société Jacques Boucheton Architecte ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Saint Lumine de Coutais à l'encontre du Bureau Veritas, de la société Juignet Armand et de la société Jacques Boucheton Architecte ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 20 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint Lumine de Coutais, à la société Jacques Boucheton Architecte, à la société Bureau de contrôle Véritas, à la SARL Juignet et à la société V.I.V.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Boucheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2017.
La rapporteure,
N. TIGER-WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT02714 2
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