Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande n°1301372 la société Nass et Wind Offshore, a demandé au tribunal administratif de Rennes :
- d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 avril 2012 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont rejeté la candidature de la société Eolien Maritime France à l'attribution de l'autorisation prévue à l'article L. 311-1 du code de l'énergie relativement à l'exploitation d'installations éoliennes de production d'électricité en mer au large de la commune de Saint-Brieuc ;
- d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 avril 2012 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont autorisé la société Ailes Marines à exploiter ce parc éolien en mer.
Par une demande n°1304960 la société Nass et Wind Offshore a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 061 506 euros, assortie des intérêts moratoires, en réparation des préjudices résultant, d'une part, de l'illégalité de l'attribution à la société Ailes Marines du lot n°4 concernant l'exploitation d'installations éoliennes de production d'électricité en mer au large de la commune de Saint-Brieuc et, d'autre part, du rejet de l'offre présentée par la société Eolien Maritime France.
Par un unique jugement n°s 1301372 -1404960 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2016 et 15 juin 2017, la société Nass et Wind Offshore, aux droits de laquelle vient la société Nass et Wind Smart Services, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté d'attribution à la société Ailes Marines du 18 avril 2012 et la décision de rejet de la candidature de la société Eolien Maritime France du 19 avril 2012 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 061 506 euros, assortie des intérêts moratoires, en réparation des préjudices consécutifs à l'attribution de l'autorisation à la société Ailes Marines SAS et du rejet de l'offre présentée par Eolien Maritime France ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les mémoires en défense présentés par la société Ailes marines sont irrecevables, dès lors que les décisions en litige émanent uniquement de l'Etat ;
- le tribunal administratif ne pouvait procéder à la jonction de ses demandes, qui présentaient des conclusions différentes ;
- sur le bien-fondé de ce jugement :
. elle justifie d'un intérêt suffisamment direct au soutien de ses conclusions en excès de pouvoir et de ses conclusions indemnitaires, dès lors qu'elle faisait partie du consortium représenté par Eolien Maritime France ;
. le lot n°4 en cause a été attribué irrégulièrement, sur la base de critères autres que ceux prévus au cahier des charges des l'appel d'offres ;
. cette irrégularité, alors que la commission de régulation de l'énergie avait classé l'offre de Eolien Maritime France en 1ère position, est à l'origine directe du préjudice financier que lui a causé l'impossibilité de se voir verser diverses sommes prévues par une convention d'achat d'actions et de collaboration, signée par elle le 3 janvier 2012 avec Eolien Maritime France, qui lui garantissait, au cas où le projet de Saint-Brieuc était développé par Eolien Maritime France, des compléments de prix à concurrence de 19 920 000 euros, ainsi que le versement, dès le succès de l'appel d'offres, d'un complément de prix de 2 341 506 euros ; de plus ce même contrat prévoyait la contractualisation de prestations de service pour le développement du projet de Saint-Brieuc, ce qui n'a pu se faire à défaut de délivrance de l'autorisation à Eolien Maritime France ; le préjudice total se monte à 23 061 506 euros.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 mars 2016, l'association " Gardez les Caps ", représentée par MeB..., s'associe aux conclusions et moyens développés par la société Nass et Wind Offshore.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance de la société Nass § Wind Offshore n'était pas recevable, dès lors que la société Nass et Wind Offshore n'était pas elle-même candidate à l'appel d'offres, mais simple sous-traitante ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2016 et 5 juillet 2017, la société Ailes Marines, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Nass et Wind Offshore au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- la demande de la société Nass et Wind Offshore est irrecevable, dès lors qu'en toute hypothèse cette société ne pouvait se voir attribuer l'autorisation en cause ;
- l'intervention de l'association " Gardez les Caps " est irrecevable car elle s'associe aux conclusions d'une requête elle-même irrecevable ; en tout état de cause cette association ne justifie pas, compte tenu de son objet, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.
L'instruction a été close le 12 septembre 2017, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour la société Nass et Wind Offshore, enregistré le 12 septembre 2017, postérieurement à l'émission de cette ordonnance, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2009-967;
- le décret n° 2002-1434 ;
- l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Nass § Wind Smart Services, et de MeA..., représentant la société Ailes Marines.
Une note en délibéré présentée pour la société Nass § Wind Offshore a été enregistrée le 16 octobre 2017.
1. Considérant qu'un avis d'appel d'offres, portant sur cinq lots, en vue de l'attribution d'autorisations relatives à l'exploitation d'installations éoliennes de production d'électricité en mer a été publié au Journal Officiel de l'Union Européenne, le 5 juillet 2011 ; que, par une décision du 6 avril 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont désigné les lauréats de chacun de ces lots, à l'exception du lot n°1 qui n'a pas été attribué ; que le lot n°4, relatif à l'implantation d'un parc éolien d'une puissance minimale de 480 MW et d'une puissance maximale de 500 MW sur le domaine public maritime au large de la commune de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), a été attribué à la société Ailes Marines SAS ; que, par un arrêté du 18 avril 2012, les ministres précités ont autorisé cette société à exploiter un parc éolien comprenant cent éoliennes, d'une capacité totale de production de 500 MW sur le domaine public maritime au large du territoire de la commune de Saint-Brieuc ; que, par un courrier du 19 avril 2012, les mêmes ministres ont notifié à la société Eolien Maritime France le rejet de sa candidature pour l'attribution du lot n°4 ; que la société Nass et Wind Offshore, bureau d'études ayant contracté avec la société Eolien Maritime France, a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2012 ainsi que de la décision de rejet du 19 avril 2012 ; que par demande séparée, et après avoir lié le contentieux par une demande préalable restée sans réponse notifiée le 27 décembre 2012, elle a sollicité du tribunal administratif de Rennes la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 23 061 506 euros hors taxe en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'arrêté d'autorisation du 18 avril 2012 et de la décision de rejet du 19 avril 2012 en raison de la perte de chance de percevoir des recettes dont la réalisation était conditionnée par l'attribution de l'autorisation en cause à la société Eolien Maritime France ; que la société relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté l'ensemble de ces demandes ;
Sur la recevabilité de l'intervention de l'association " Gardez les Caps " :
2. Considérant que les décisions contestées ne sont pas, par elles-mêmes, susceptibles de porter atteinte aux intérêts défendus par l'association " Gardez les caps ", tels qu'ils résultent de ses statuts ; que l'association n'a, par ailleurs, pas vocation à exploiter une installation de production d'électricité ; qu'ainsi elle ne justifie pas d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; que son intervention ne doit dès lors pas être admise ;
Sur la recevabilité des écritures en défense présentées par la société Aile Marines :
3. Considérant que lorsqu'un tiers saisit une juridiction administrative d'une demande tendant à l'annulation d'une autorisation administrative individuelle, cette juridiction doit, lorsqu'elle instruit l'affaire, appeler dans l'instance la personne qui a délivré l'autorisation attaquée ainsi que le bénéficiaire de celle-ci ; que la société Nass et Wind Offshore, qui conteste au fond l'autorisation délivrée à la société Ailes Marines, n'est dès lors pas fondée à contester la recevabilité des mémoires présentés devant la cour par cette dernière société ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des conclusions distinctes ; que la jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ; que l'argumentation développée en ce sens par la société Nass et Wind Offshore ne peut dès lors qu'être écartée ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction alors applicable : " L'exploitation d'une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10 (...) " ; et qu'aux termes de l'article L 311-11 du même code : " L'autorité administrative désigne le ou les candidats retenus et délivre les autorisations prévues à l'article L. 311-5 dans des conditions fixées par voie réglementaire. /Elle a la faculté de ne pas donner suite à l'appel d'offres " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article 13 du décret susvisé du 4 décembre 2002 relatif à la procédure d'appel d'offres pour les installations de production d'électricité : " Lorsqu'il ne donne pas suite à l'appel d'offres, le ministre chargé de l'énergie en avise tous les candidats et les informe des motifs de sa décision " ;
7. Considérant, en premier lieu, que la société Nass et Wind Offshore n'était pas elle-même candidate, ni même en situation de se porter candidate, à l'appel d'offres organisé par l'Etat pour l'attribution, sur le fondement des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de l'énergie, de l'autorisation d'exploiter un parc éolien en mer au large de Saint-Brieuc, formant le lot n°4 de cette consultation ; que si la société requérante se prévaut de sa qualité de partenaire au sein du consortium représenté par la société Eolien Maritime France, laquelle a déposé une offre pour l'attribution du lot n°4, la note de présentation de la structure organisationnelle produite par Eolien Maritime France la désigne seulement comme cocontractante de cette société dans le cadre du développement du projet ; qu'une telle qualité n'est de nature à conférer à la requérante un intérêt pour agir ni en vue de contester l'autorisation délivrée à l'issue de l'appel d'offres sur le fondement de l'article L.311-1 du code de l'énergie, ni en vue de demander l'annulation de la décision rejetant l'offre du candidat avec lequel la société requérante avait contracté ;
8. Considérant, en second lieu, que la société Nass et Wind Offshore se prévaut également de la signature d'une " convention d'achat d'actions et de collaboration " par laquelle elle a cédé à Éolien Maritime France 100% du capital de la société qui développait le projet de parc éolien sur le site de Saint-Brieuc ; que cette convention prévoyait le versement à la requérante de compléments de prix liés à la possibilité pour Éolien Maritime France de développer le projet au large de Saint-Brieuc, tout en prévoyant la signature d'un contrat de prestation de service au cas où la société Eolien Maritime France serait attributaire de l'autorisation ; que, cependant, les clauses que comporte une telle convention, librement souscrite et à laquelle l'Etat n'était pas partie, sont insusceptibles de caractériser, de la part du cocontractant du candidat évincé, un intérêt personnel et direct suffisant pour lui donner qualité pour agir, tant à l'encontre de la décision de rejet de l'offre de son cocontractant qu'à l'encontre de la décision d'attribution à un autre concurrent ou en indemnisation des éventuels préjudices commerciaux consécutifs à de telles décisions ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Nass et Wind Offshore ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et personnel lui donnant qualité pour contester les décisions des 18 et 19 avril 2012 ou pour se prévaloir des préjudices que lui auraient causés les éventuelles irrégularités dont ces décisions se seraient trouvées entachées ; que la fin de non recevoir invoquée en ce sens par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et par la société Ailes Marines, laquelle a la qualité de défendeur à l'instance en tant que bénéficiaire d'une des décisions attaquées, doit dès lors être accueillie ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Nass et Wind Offshore n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté l'ensemble de ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ailes Marines, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Nass et Wind Offshore au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nass § Wind Offshore le versement à la société Ailes Marines d'une somme de 1 500 euros au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association " Gardez les caps " n'est pas admise.
Article 2 : La requête de la société Nass et Wind Smart Services est rejetée.
Article 3 : La société Nass § Wind Smart Services versera à la société Ailes Marines une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nass et Wind Smart Services, à la société Ailes Marines, à l'association " Gardez les Caps " et au ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2017.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la Transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00528