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20/10/2017 | FRANCE | N°16NT02034

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 octobre 2017, 16NT02034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le refus que lui a opposé le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France à sa demande d'autorisation d'user du titre de chiropracteur sur le territoire français, par trois décisions des 3 septembre 2013, 16 novembre 2013 et 17 février 2015.

Par un jugement n°s 1309868 et 1502018 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a constaté le non lieu à statuer sur la demande d'annulation des décisions impli

cites nées les 3 septembre et 16 novembre 2013, a annulé la décision du 17 févri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le refus que lui a opposé le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France à sa demande d'autorisation d'user du titre de chiropracteur sur le territoire français, par trois décisions des 3 septembre 2013, 16 novembre 2013 et 17 février 2015.

Par un jugement n°s 1309868 et 1502018 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a constaté le non lieu à statuer sur la demande d'annulation des décisions implicites nées les 3 septembre et 16 novembre 2013, a annulé la décision du 17 février 2015 et rejeté le surplus des conclusions des demandes de M.A....

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 20 juin 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 avril 2016, en tant qu'il annule la décision du directeur général de l'ARS d'Île-de-France du 17 février 2015 et met à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la condition relative à la formation suivie par M. A...était remplie et permettait à l'intéressé de bénéficier des mesures transitoires prévues au 1° de l'article 23 du décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011, dès lors que celui-ci ne justifiait pas d'un nombre d'heures suffisant de la formation requise en chiropraxie ; les heures de formation indiquées par M. A...incluent un grand nombre d'heures de travail personnel qui ne sauraient être prises en compte ; ainsi le volume horaire de la formation suivie par ce dernier est de 2 266 heures et non de 6 200 heures, soit un total inférieur aux 3 520 heures de formation requises en France ;

- M. A...ne remplit pas la condition prévue par le 1° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011 pour obtenir l'autorisation d'usage du titre de chiropracteur sollicitée au titre du libre établissement ; le certificat de statut professionnel établi par le General Chiropractic Council mentionne que M. A...est inscrit comme actif qui n'exerce pas depuis le 5 février 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2016, suivi de la production de pièces complémentaires le 6 juin 2017, M. B...A..., représenté par Me Roustan de Peron, conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'article 75 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 modifiée ;

- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie ;

- le décret n° 2014-367 du 24 mars 2014 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me Roustan de Péron, avocat de M.A....

1. Considérant que le ministre des affaires sociales et de la santé relève appel du jugement du 21 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 17 février 2015 du directeur de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France rejetant la demande de M. A...tendant à obtenir l'autorisation d'user du titre de chiropracteur en France ;

Sur légalité de la décision contestée :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie : " L'usage professionnel du titre de chiropracteur est réservé : (...) 2° Aux titulaires d'une autorisation d'exercice de la chiropraxie ou d'user du titre de chiropracteur délivrée par l'autorité administrative compétente en application des articles 6 ou 24 du présent décret (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret, applicable aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne : " Le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France peut, après avis de la commission mentionnée à l'article 17, autoriser individuellement à user du titre de chiropracteur les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui ont suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires et qui, sans posséder le diplôme prévu au 1° de l'article 4, sont titulaires : 1° D'un titre de formation délivré par un Etat, membre ou partie, et requis par l'autorité compétente d'un Etat, membre ou partie, qui réglemente l'accès à cette activité professionnelle ou son exercice, et permettant d'exercer légalement celle-ci dans cet Etat ;(...) La délivrance de l'autorisation d'exercice permet au bénéficiaire d'user du titre de chiropracteur dans les mêmes conditions que les personnes titulaires du diplôme mentionné au 1° de l'article 4 " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 23 dudit décret : " A titre transitoire et par dérogation aux dispositions de l'article 4, l'autorisation d'user du titre professionnel de chiropracteur est délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France après avis de la commission mentionnée à l'article 17 :

1° Aux praticiens exerçant la chiropraxie à la date de publication du présent décret justifiant de conditions de formation en chiropraxie équivalentes à celles prévues par les dispositions réglementaires relatives à la formation, ou attestant d'une expérience professionnelle dans le domaine de la chiropraxie, y compris une activité d'enseignement pratique, d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années à compter de la date de publication du présent décret (...) " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que peuvent prétendre à titre dérogatoire à la délivrance de l'autorisation d'user du titre de chiropracteur les praticiens en exercice à la date de publication au Journal officiel du décret susvisé du 7 janvier 2011, laquelle est intervenue le 9 janvier suivant, s'ils justifient de conditions de formation équivalentes à celles prévues par les dispositions réglementaires relatives à la formation, ou attestent d'une expérience professionnelle significative dans le domaine de la chiropraxie ;

3. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 24 mars 2014 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie : " Le diplôme permettant d'user du titre de chiropracteur est délivré par les établissements de formation agréés conformément aux articles 1er à 8 aux personnes qui ont suivi l'enseignement préparatoire au diplôme et validé la totalité des unités d'enseignement, après décision d'un jury final prise sur la base du dossier de l'étudiant " et qu'aux termes de l'article 10 de ce décret : " La durée de la formation est d'au minimum 3 520 heures. La répartition des enseignements est la suivante : 1° Une formation théorique et pratique de 2 120 heures minimum, sous la forme de cours magistraux, de travaux dirigés et de travaux pratiques ; 2° Une formation pratique de 1 400 heures minimum, sous la forme de stages " ; que l'article 11 de ce décret précise que " La formation se décompose en unités d'enseignement dans les domaines suivants : 1° Sciences fondamentales et biologiques ; 2° Anatomie descriptive et fonctionnelle ; 3° Sémiologie générale ; 4° Sémiologie neuro-musculo-squelettique ; 5° Sciences cliniques ; 6° Traitement et intervention en chiropraxie ; 7° Sciences humaines ; 8° Méthodologie de la recherche et pratique fondée sur la preuve ; 9° Intégration des savoirs et des savoir-faire en chiropraxie. " ;

4. Considérant que pour refuser l'autorisation sollicitée par M.A..., le directeur général de l'ARS d'Île-de-France s'est fondé sur les circonstances, d'une part, que " le contenu de la formation du Mac Timoney College of chiropractic [que celui-ci a suivie] comportait un différentiel important par rapport au contenu du diplôme français ", d'autre part, " que la preuve n'est pas rapportée que le titre de formation en chiropractie de M. A...délivré au Royaume-Uni lui permet d'exercer légalement la chiropractie au Royaume-Uni " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du diplôme de M. A...et du courrier que lui a adressé le 22 décembre 2014 la directrice du " Mc Timoney College of Chiropractic " (Royaume-Uni), traduit en français, qu'au cours de sa formation sur cinq années dans cet établissement l'intéressé a suivi 2 266 " heures de contact ", définies comme " les heures où l'étudiant est en salle de cours pour suivre des cours magistraux, des travaux dirigés ou des travaux pratiques ", 2 297 " heures d'études dirigées " , ainsi que 1 711 heures " d'independent learning time ", correspondant à un travail personnel ;

6. Considérant que si le ministre soutient que les 2 297 heures de formation suivies au titre des " heures d'études dirigées " comportent un grand nombre d'heures de travail personnel, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations en se bornant à faire état, sans plus de précisions, d'un échange en ce sens avec le Mc Timoney College, alors que dans le courrier susmentionné du 22 décembre 2014 la dirigeante de cet établissement indique elle-même, aux termes de la traduction certifiée conforme de ce document, que les heures d'études dirigées sont des heures " étroitement dirigées ou supervisées par l'institution et ... comptabilisées pour être validées " comprenant " des travaux dirigés et des travaux pratiques " ; qu'il en résulte que la durée de la formation théorique et pratique reçue par M. A...atteint au moins 4 563 heures et dépasse ainsi le minimum de 3 520 heures requis par les dispositions précitées de l'article 10 du décret du 24 mars 2014 ; que, dans ces conditions, le ministre n'établit pas l'insuffisance alléguée de la formation théorique et pratique suivie par M. A...au regard des exigences prévues par les dispositions susmentionnées ; qu'ainsi, et alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'intéressé a suivi les 1 400 heures de formation pratique prévues par le 2° de l'article 10, il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié au Royaume-Uni d'une formation équivalente à celle exigée par ces dispositions ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est inscrit, le 5 février 2008, à l'issue des cinq années de sa formation au sein du Mc Timoney College, auprès du Général Chiropractic Council, qui constitue l'autorité de régulation de l'exercice de la profession de chiropracteur au Royaume Uni ; que le certificat produit précise qu'il est autorisé à pratiquer son art au sein du Royaume-Uni et à utiliser le titre de chiropracteur ; que la circonstance, indiquée dans un " certificat de statut professionnel actuel " de la même autorité en date du 11 février 2011, que M. A...n'exerçait pas au Royaume-Uni à cette dernière date, n'est pas de nature à démontrer, contrairement à ce que soutient le ministre, et alors qu'il est constant que M. A...exerce en France depuis le 1er février 2008, que ne sont pas respectées les conditions posées par le 1° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011 selon lesquelles le titre de formation obtenu dans un Etat membre de l'Union européenne doit permettre d'exercer légalement cette activité professionnelle dans ce pays ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier que le diplôme obtenu par M. A...lui permettrait d'exercer au Royaume Uni, s'il choisissait d'installer son activité dans ce pays, pourvu seulement qu'en sus il remplisse un formulaire de demande, paye une taxe de 800 livres et justifie d'une attestation d'assurance ;

8. Considérant que, par suite, le ministre des affaires sociales et de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 17 février 2015 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a refusé d'autoriser M. A...à faire usage du titre de chiropracteur sur le territoire français ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des affaires sociales et de la santé est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des solidarités et de la santé et à M. B... A....

Une copie pour information en sera adressée à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT02034


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ROUSTAN DE PERON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 20/10/2017
Date de l'import : 21/11/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16NT02034
Numéro NOR : CETATEXT000035873107 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-20;16nt02034 ?
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