La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2017 | FRANCE | N°15NT03676

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 octobre 2017, 15NT03676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de Mme D...H...B...et de Mme E...B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 9 juillet 2012 par laquelle les autorités consulaires françaises à Bangui ont refusé de faire droit à sa demande de visas de long séjour en faveur de Mme D...H...B...et de Mme E... B....



Par un jugement n° 1211749 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Nan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de Mme D...H...B...et de Mme E...B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 9 juillet 2012 par laquelle les autorités consulaires françaises à Bangui ont refusé de faire droit à sa demande de visas de long séjour en faveur de Mme D...H...B...et de Mme E... B....

Par un jugement n° 1211749 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 décembre 2015, le 3 mai 2016, le 10 mai 2016 et le 10 mars 2017, M. B...agissant en son nom propre et MmesB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'établissement du lien de filiation ; M. B...ignore les conditions dans lesquelles les naissances de ses filles, qui ont été prises en charge par ses parents pour lui permettre de suivre ses études à l'étranger, ont été déclarées ; si l'irrégularité des actes d'état civil a été constatée lors de la demande de passeports auprès des autorités centrafricaines, deux jugements supplétifs de naissance ont été rendus en 2009 et 2011 ; le tribunal de grande instance de Bimbo a rendu deux jugements à fins de reconstitution d'actes d'état civil le 25 janvier 2013 ; l'ensemble de ces documents, dont les mentions sont concordantes, permet de justifier du lien de filiation ; les différentes procédures engagées résultent des défaillances de l'état civil local ; la production de jugements ou d'actes superfétatoires ne signifie pas qu'il existerait une quelconque intention frauduleuse ;

- des éléments de possession d'état permettent d'établir la filiation alléguée ;

- les liens de filiation sont établis par jugement du 19 avril 2016 du tribunal de grande instance de Pau ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 janvier 2016, le 6 mai 2016 et le 12 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. et Mmes B....

Une note en délibéré, enregistrée le 27 septembre 2017, a été présentée pour M. et MmesB....

1. Considérant que M. et Mmes B..., ressortissants centrafricains, relèvent appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visas présentées pour Mmes E...B..., née le 22 août 1997, et Geneviève Jupsie OrelieB..., née le 2 février 1995 ;

2. Considérant que dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public ; que, figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de la famille que celui-ci entend rejoindre ;

3. Considérant que les demandes de visés présentées par M. B...ont été rejetées au motif du caractère apocryphe et frauduleux des actes d'état civil présentés par M.B..., ne permettant pas d'établir le lien de filiation allégué avec ses filles ;

4. Considérant qu'hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère ; que M. B...a produit en première instance des jugements reconstitutifs d'acte de naissance rendus le 25 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de Bimbo, relatifs à la naissance d'Ursula et de Geneviève ; que si le ministre fait valoir que ces jugements n'ont été rendus qu'au vu de certificats de carence délivrés par le centre d'Etat civil de Bimbo, sans qu'il soit fait mention d'une consultation des registres de naissance conservés dans les locaux du tribunal territorialement compétent, en application des dispositions de l'article 118 de la loi centrafricaine n° 97/013, qui prévoient un double enregistrement des actes de naissance, cette circonstance ne suffit pas à établir le caractère frauduleux des jugements reconstitutifs de naissance du 25 janvier 2013 et des actes de naissance portant la mention de leur transcription ; que la circonstance que M. B...a toujours indiqué que ses filles étaient nées à Bangui, alors que les jugements reconstitutifs de naissance ont été transcrits à Bégoua, commune de l'agglomération de Bangui, ne permet pas d'en déduire une incohérence sur le lieu de naissance des intéressées ; qu'en outre, par jugement du 19 avril 2016, produit par les requérants devant la cour, le tribunal de grande instance de Pau a jugé que la paternité de M. F...B...est établie, tant à l'égard de Mme E...B..., que de Mme D...H...B... ; que, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, la circonstance que le juge judiciaire n'a pas statué sur la régularité des actes d'état civil centrafricains ne fait pas obstacle à ce que, eu égard à la portée d'un tel jugement du juge judiciaire et à ses effets, le requérant puisse s'en prévaloir pour la première fois en appel afin d'établir l'existence du lien de filiation entre lui et les deux enfants pour lesquels il a sollicité un visa ; que, dans ces conditions, en estimant que le lien de filiation entre M. B...et Mmes E...B...et G...B...n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mmes B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M.B... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'exécution de celui-ci implique nécessairement la délivrance de visas à Mmes E... B...et G...B...; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prescrire que cette décision intervienne dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mai 2015 et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, de délivrer un visa de long séjour à Mme D... H...B...et à Mme E... B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mmes B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme D... H...B..., à Mme E... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- M.A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

Le rapporteur,

K. BOUGRINELe président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03676
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-20;15nt03676 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award