La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2017 | FRANCE | N°15NT03074

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 octobre 2017, 15NT03074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société d'économie mixte pour la construction et la gestion du marché d'intérêt national de Nantes (SEMMINN) à procéder à son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1307295 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n° 1508237 du 8 octobre 2015, enreg

istrée au greffe de la cour le même jour, le président du tribunal administratif de Nantes a trans...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société d'économie mixte pour la construction et la gestion du marché d'intérêt national de Nantes (SEMMINN) à procéder à son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1307295 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n° 1508237 du 8 octobre 2015, enregistrée au greffe de la cour le même jour, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis à la cour la requête présentée par M.B....

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 octobre 2015, le 22 mai 2017 et le 6 juin 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 août 2013 de l'inspectrice du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- à la date à laquelle la procédure de licenciement a été engagé, les faits qui lui sont reprochés étaient prescrits en vertu des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité dès lors que la décision de licenciement a été prise avant qu'il ne soit convoqué à un entretien préalable ;

- les frais litigieux, qui ont été régulièrement inscrits en comptabilité et sont entièrement justifiés, ont été engagés dans l'intérêt de la SEMMINN, ainsi que l'a d'ailleurs jugé, le 23 janvier 2014, le tribunal correctionnel de Nantes ; à supposer établi leur caractère injustifié, ils ne constituent ni un manquement aux obligations résultant de son contrat de travail dès lors qu'ils sont survenus durant la suspension de ce contrat ni un acte de déloyauté, faute de constituer un trouble objectif apporté au fonctionnement de l'entreprise.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 mars 2016 et le 9 juin 2017, la SEMMINN, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. B...et de MeD..., représentant la SEMMINN.

1. Considérant que M. B..., qui était directeur salarié de la société d'économie mixte pour la construction et la gestion du marché d'intérêt national de Nantes (SEMMINN), a été nommé, le 17 janvier 2006, directeur général de cette société dans le cadre d'un mandat social d'une durée de six ans ; qu'à l'issue de ce mandat, que la SEMINN n'a pas renouvelé, il a recouvré son précédent statut de salarié ; qu'il était, en outre, investi d'un mandat de conseiller prud'hommal ; que le 8 août 2013, l'inspectrice du travail a autorisé la SEMMINN à procéder à son licenciement pour faute ; que l'intéressé relève appel du jugement du 25 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " ; que ce délai commence à courir lorsque l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le président-directeur général de la SEMMINN, qui a pris ses fonctions le 17 janvier 2012, n'a été en mesure d'accéder aux documents administratifs, comptables et financiers de la société qu'à compter du 9 mars 2012, date à laquelle M. B... en a quitté les locaux, et a alors diligenté un audit informel ; que les éléments alors portés à sa connaissance devant être vérifiés, compte tenu notamment du volume des documents à caractère comptable à exploiter, la SEMMINN a cherché à parfaire et à compléter son information en sollicitant l'assistance d'un avocat, lequel a été saisi par un courrier du 23 avril 2012 produit par la SEMMINN ; que la seule circonstance que M. B...n'a pas dissimulé les dépenses litigieuses, lesquelles ont été régulièrement inscrites en comptabilité, ne suffit pas à démontrer la connaissance par son employeur de leur caractère injustifié ; qu'ainsi, la SEMMINN, dans les circonstances de l'espèce, établit n'avoir eu une connaissance exacte de l'ampleur et de la nature des dépenses engagées par M. B...et indument prises en charge par la société qu'à la date à laquelle elle a déposé plainte pour abus de biens sociaux, le 16 août 2012 ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'à la date du 29 avril 2013 à laquelle la SEMMINN a engagé à son encontre une procédure de licenciement, les faits reprochés étaient, en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, prescrits ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de prononcer le licenciement de M. B...aurait été prise avant que l'intéressé ait été convoqué à l'entretien, prévu le 13 puis le 28 mai 2013, lui permettant de faire valoir ses observations ; que si M. B...se prévaut des énonciations de l'arrêt du 5 novembre 2015 de la cour d'appel de Rennes mentionnant " la décision de le licencier ", il ressort du procès-verbal d'audition du président de la SEMMINN que cette décision correspond à celle du 7 décembre 2011 par laquelle le conseil d'administration de la société n'a pas renouvelé le mandat social de directeur général dont M. B... disposait depuis le 17 janvier 2006 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité dont la procédure de licenciement serait entachée doit être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de conseiller prud'homal, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

7. Considérant qu'il est reproché à M. B... d'avoir fait une utilisation abusive des biens de la SEMMINN à son profit et à celui de son épouse en faisant supporter à la société des frais dépourvus de caractère professionnel ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 5 novembre 2015, statuant, sur l'action publique, sur les chefs d'abus de biens sociaux par un dirigeant à des fins personnelles, que de nombreuses dépenses, notamment de restauration, d'hébergement et de voyage, engagées par M. B...durant son mandat social, ont été supportées par la SEMMINN alors qu'elles revêtaient un caractère strictement privé et étaient étrangères à l'intérêt social ; qu'ainsi, des frais de restauration, à hauteur de 3 616 euros, des frais de voyage à Copenhague, Palma de Majorque et Istanbul, pour un montant total de 1 755 euros, des frais de séjour de l'intéressé et de son épouse dans un relais-château aux Baux-de-Provence s'élevant à 2 373 euros auxquels s'ajoutent la location d'un véhicule pour 778 euros, des dépenses de bouche et d'hébergement exposées à Barcelone à hauteur de 873 euros, des frais de fourrière et de stationnement, divers achats luxueux, ainsi que des dépenses de massage et de coiffure, réglés notamment au moyen de la carte bancaire de la société mise à la disposition de M.B..., ont été engagés en dehors du cadre de l'activité professionnelle de l'intéressé ou à l'occasion de celle-ci mais à des fins étrangères à l'intérêt social ; que ces faits, dont la matérialité est établie doivent être regardés comme un manquement à l'obligation de loyauté, à l'égard de la société, qui découle de son contrat de travail et qui a subsisté pendant le mandat social de M.B... ; qu'ils sont par suite constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. B...; que, dans ces conditions et alors même que le conseil d'administration aurait adopté le bilan et les comptes de résultat de la société pour l'exercice 2011, l'inspectrice du travail, qui n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait, a pu légalement autoriser le licenciement de M. B... ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. B... le versement à la SEMMINN de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la SEMMINN une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre du travail et à la Société d'économie mixte pour la construction et la gestion du marché d'intérêt national de Nantes.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- M.A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03074
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-20;15nt03074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award