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16/10/2017 | FRANCE | N°16NT01376

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 octobre 2017, 16NT01376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...et Michèle A...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision tacite du maire de Beaune-la-Rolande (Loiret) de ne pas s'opposer à la déclaration préalable, déposée le 6 février 2013 par la commune en vue de la réalisation de travaux de réfection d'un lavoir, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de remettre les lieux dans leur état initial.

Par un jugement n° 1500660 du 1er mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...et Michèle A...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision tacite du maire de Beaune-la-Rolande (Loiret) de ne pas s'opposer à la déclaration préalable, déposée le 6 février 2013 par la commune en vue de la réalisation de travaux de réfection d'un lavoir, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de remettre les lieux dans leur état initial.

Par un jugement n° 1500660 du 1er mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril et 10 octobre 2016, M. et MmeA..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 1er mars 2016 ;

2°) d'annuler la non-opposition tacite à la déclaration préalable déposée par la commune de Beaune-la-Rolande le 6 février 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Beaune-la-Rolande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel ainsi que d'une somme de 1 000 euros en remboursement de la somme mise à la charge des demandeurs en première instance sur le même fondement.

Ils soutiennent que :

- Sur la régularité du jugement attaqué :

. le maire de Beaune-la-Rolande n'était pas habilité à représenter la commune devant le tribunal administratif ;

. les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce, la commune n'ayant apporté aucun élément de fait ou de droit contestant le bien-fondé de l'argumentation formulée par les requérants ; l'acquiescement aux faits aurait dû être retenu ;

. le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ; ils n'ont eu accès que trop tardivement au sens des conclusions du rapporteur public et la communication de ces conclusions leur a été refusée ;

- Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

. le maire ne justifiait pas d'une autorisation du conseil municipal pour déposer une déclaration préalable, la délibération du 21 novembre 2012 relative aux subventions à solliciter pour le projet ne pouvant en tenir lieu ;

. la commune ne pouvait pas ignorer ne pas être propriétaire d'une partie du terrain d'assiette des travaux - soit la parcelle AO n°533 ; une autorisation du propriétaire de cette parcelle AO n°533 était nécessaire ;

. l'avis favorable émis par l'architecte des bâtiments de France est entaché de partialité ;

. le projet ne s'intègre pas dans l'environnement existant ;

. des travaux, excédant ceux décrits dans cette déclaration, ont été réalisés par la commune sans autorisation, alors que compte tenu de leur ampleur un permis de construire avec enquête préalable était obligatoire sur le fondement de R. 421-14 a) du code de l'urbanisme ;

. la commune de Beaune-la-Rolande a abattu des arbres sans autorisation de défrichement ; elle aurait dû mentionner cette partie du projet dans sa demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2016, la commune de Beaune-la-Rolande, représentée par la SCP Guillauma-Pesme, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant M. et MmeA....

1. Considérant que le maire de Beaune-la-Rolande (Loiret) a déposé, le 6 février 2013, un dossier de déclaration préalable en vue de la restauration d'un lavoir communal, selon des travaux comportant une couverture en ardoise, la réfection des bassins et des murs, la réalisation d'une clôture simple avec écran végétal, la réalisation de portails et grille en serrurerie sur la rue de la Fontaine avec écran végétal ; que le silence conservé sur cette déclaration, dont l'examen impliquait l'avis de l'architecte des bâtiments de France, a fait naître le 6 avril 2013 une décision tacite de non-opposition à sa déclaration préalable ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 1er mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette non-opposition tacite ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A...le maire de Beaune-la-Rolande avait bien qualité pour représenter la commune en défense devant le tribunal administratif, en exécution d'une délégation, suffisamment précise, consentie à cet effet le 16 avril 2014 par le conseil municipal sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que la commune a produit en première instance un mémoire en défense par lequel elle concluait expressément au rejet de la demande de M. et MmeA..., ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait dû tenir compte de l'acquiescement de la commune aux faits exposés dans leurs propres mémoires, dans la mesure où cette procédure est expressément réservée par les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative aux espèces où, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les requérants ne peuvent sérieusement faire grief au tribunal d'avoir tenu compte de documents versés aux débats par la commune de Beaune-la-Rolande les 18 et 19 janvier 2016, après clôture de l'instruction, dès lors que ces productions ont donné lieu à communication après réouverture de l'instruction et que cette communication, intervenue plusieurs semaines avant la tenue de l'audience, leur laissait toute latitude pour commenter ces documents ; qu'ainsi M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement qu'ils attaquent aurait été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions " ; et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du même code : " L'avis d'audience (...) mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leur mandataire peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3 " ; que M. et Mme A...soutiennent que la procédure de première instance est entachée d'irrégularité, dès lors qu'ils n'ont pu avoir accès au sens des conclusions que la veille de l'audience, en soirée, du fait des défaillances de l'application " Sagace " ; que, toutefois, alors qu'il résulte de la fiche " Skipper " du dossier de première instance que cette mise en ligne est intervenue la veille de l'audience à 9 heures, M. et MmeA..., qui avaient été informés par l'avis d'audience de la possibilité de prendre connaissance du sens des conclusions auprès du greffe de la juridiction, à défaut de pouvoir y accéder par le biais de l'application " Sagace ", n'établissent ni même n'allèguent avoir présenté une demande au greffe de la juridiction ; que, dès lors et en tout état de cause, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté ;

6. Considérant, enfin, que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'étant pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction, les conclusions du rapporteur public au tribunal administratif n'avaient pas à faire l'objet d'une communication aux parties, malgré la demande faite en ce sens par M. et MmeA... ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées du a) de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme et des articles L. 2121-29 et L 2122-21 du code général des collectivités territoriales qu'un maire ne peut déposer une déclaration préalable de travaux au nom de sa commune sans y avoir été expressément autorisé par le conseil municipal ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que font valoir les requérants, le conseil municipal de Beaune-la-Rolande ne s'est pas borné, par une délibération du 21 novembre 2012, à autoriser le maire à solliciter les subventions nécessaires au financement du projet de restauration du lavoir, mais a également approuvé ce projet, tel qu'il venait de lui être présenté de manière détaillé ; que le conseil municipal doit dès lors être regardé comme ayant autorisé le maire à déposer la déclaration préalable nécessaire à la réalisation des travaux correspondants ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A...soutiennent que la décision de non-opposition en litige a été obtenue par fraude dès lors que la commune n'était pas propriétaire de la parcelle cadastrée section AO n° 533 sur laquelle était prévue une partie des travaux ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : "Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire (...)" ;

11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'occupation du sol n'a pas à vérifier le titre donnant au pétitionnaire qualité pour la déposer ; qu'il appartient seulement au pétitionnaire, qui n'a pas à produire de documents justificatifs, d'attester lui-même avoir qualité pour présenter la demande sur l'ensemble des parcelles constituant le terrain d'assiette du projet ;

12. Considérant qu'il ressort du formulaire de déclaration préalable complété et signé par le maire de la commune de Beaune-la-Rolande qu'il a attesté, dans la rubrique n° 8 de ce formulaire, que la commune avait qualité pour déposer la déclaration en litige ; que le service instructeur n'avait pas à exiger l'habilitation par laquelle d'éventuels propriétaires de certaines parcelles d'assiette du projet avait autorisé la commune à exécuter ces travaux ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la décision portant non-opposition à la déclaration préalable ait ainsi été obtenue par fraude ;

13. Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme A...mettent en cause la partialité de l'avis favorable émis par l'architecte des bâtiments de France, saisi en raison de la situation du lavoir dans le champ de visibilité de l'église de Beaune-la-Rolande, il résulte des termes mêmes de cet avis que cet agent public a assorti son avis conforme de plusieurs prescriptions, après avoir procédé à une étude détaillée du projet qui lui était soumis ; que les requérants ne sont en conséquence pas fondés à mettre en cause l'impartialité de cet avis ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que si M. et Mme A...soutiennent, sans d'ailleurs se référer à aucune règle de droit précise, que " le projet ne s'intègre pas dans l'environnement existant ", il ne résulte pas de la description des seuls travaux objet de la déclaration, telle qu'elle résulte des documents graphiques et de la notice de présentation, que la décision de non-opposition serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que ces travaux porteraient atteinte à l'intérêt des lieux environnants ;

15. Considérant, pour le surplus de leur requête, que M. et Mme A...font grief à la commune de Beaune-la-Rolande d'avoir entrepris divers travaux non mentionnés dans la déclaration préalable ici en cause, qui se seraient traduits par une extension de quelque 200 m² en zone inconstructible, et supposaient selon eux la délivrance d'un permis de construire ainsi que d'une autorisation de défrichement ;

16. Considérant que les autorisations d'utilisation du sol ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme ; qu'ainsi les allégations des M. et Mme A...selon lesquelles la commune de Beaune-la-Rolande aurait accompli des travaux sans autorisation, situation que les requérants qualifient eux-mêmes d'infraction, sont insusceptibles d'affecter la légalité de la non-opposition en litige, délivrée par l'autorité administrative pour les seuls travaux décrits par la déclaration préalable ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaune-la-Rolande, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demandent M. et Mme A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A...le versement à la commune de Beaune-la-Rolande d'une somme de 1 500 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A...verseront à la commune de Beaune-la-Rolande une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et Michèle A...et à la commune de Beaune-la-Rolande.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2017.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01376
Date de la décision : 16/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : TARTANSON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-16;16nt01376 ?
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