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06/10/2017 | FRANCE | N°16NT03697

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 octobre 2017, 16NT03697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 18 octobre 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a décidé sa remise aux autorités suédoises et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée maximale de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1608758 du 21 octobre 2016 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2016, MmeC..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 18 octobre 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a décidé sa remise aux autorités suédoises et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée maximale de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1608758 du 21 octobre 2016 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2016, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 21 octobre 2016 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 18 octobre 2016 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de se reconnaitre responsable de sa demande d'asile, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois à compter de la décision à intervenir et de transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sa demande d'asile, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté portant réadmission :

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions des articles 4 et 29 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; il n'est pas établi qu'elle ait eu l'ensemble des informations prévues par ces articles et à supposer que des éléments d'informations lui aient été donnés ils l'ont été dans la langue russe qu'elle ne comprend que très peu ;

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien dans une langue comprise par elle en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant ; les autorités suédoises ont décidé de la renvoyer en Russie avec ses enfants et son compagnon vers la Géorgie ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- l'illégalité de l'arrêté portant réadmission entraîne l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2017, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

MmeC... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 1er décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tiger- Winterhalter, présidente-assesseure.

1. Considérant que MmeC..., originaire d'Ossétie du Sud, entrée irrégulièrement en France avec ses deux enfants et son compagnon, a formé une demande d'asile en préfecture de la Loire-Atlantique le 22 août 2016 ; que le préfet, informé de ce que l'intéressée avait auparavant sollicité l'asile à deux reprises, le 24 juin 2008 puis le 15 mai 2014 en Suède, par le relevé d'empreintes digitales a saisi les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge sur le fondement du c du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que les autorités suédoises ont accepté le 16 septembre 2016 cette reprise en charge de Mme C...; que par deux arrêtés du 18 octobre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique a, d'une part, ordonné la remise de l'intéressée aux autorités suédoises, et d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département pour une durée maximale de quarante- cinq jours ; que Mme C...relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 21 octobre 2016 rejetant ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 18 octobre 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités suédoises :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées. Dans le cas de personnes relevant de l'article 17, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au plus tard au moment où les données concernant cette personne sont transmises au système central. Cette obligation ne s'applique pas lorsqu'il s'avère impossible de fournir ces informations ou que cela nécessite des efforts disproportionnés. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)" ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...s'est vu remettre le 7 septembre 2016 en préfecture, lors de l'entretien individuel organisé pour le dépôt de sa demande d'asile, le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A) ; que cette information lui a été donnée en langue russe, langue que Mme C...a déclaré comprendre ; que par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 29 du règlement n°603/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire " ;

5. Considérant que l'entretien individuel de MmeC..., prévu à l'article 5 précité du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, s'est déroulé le 7 septembre 2016 à la préfecture de la Loire-Atlantique ; qu'il ressort du dossier que lors de cet entretien la requérante a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète en langue russe de la société ISM interprétariat, qui est agréée par le ministère de l'intérieur et présente donc toutes les garanties de sérieux et de qualité ; que Mme C...n'a fait état à aucun moment de l'entretien qu'elle ne comprenait pas le russe et a signé l'entretien sans mentionner d'autres observations que celle de son souhait de rester en France ; que la requérante n'a ainsi été privée d'aucune garantie ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, que si Mme C...soutient que si elle est réadmise avec son compagnon et leurs enfants en Suède ils seront séparés, les autorités suédoises envisageant de l'éloigner vers la Russie avec ses enfants et son compagnon vers la Géorgie, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté de remise auxdites autorités qui n'a pas pour objet de séparer les membres de la famille dès lors que son compagnon fait l'objet d'une même décision d'éloignement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas suffisamment examiné sa situation et celle de sa famille ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'intérêt supérieur des enfants de Mme C...; qu'il n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise les articles L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que Mme C...justifie uniquement d'une domiciliation associative et qu'elle est connue des autorités suédoises sous un autre nom, mais qu'elle présente des garanties propres à prévenir quelle ne se soustraie à l'exécution de la mesure de remise aux autorités suédoises et que cette mesure conserve une perspective raisonnable d'exécution ; que l'arrêté indique en outre la durée et les conditions de l'assignation à résidence de l'intéressée ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que Mme C...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités suédoises ;

9 Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle et familiale de Mme C... et aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant l'arrêté contesté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 18 octobre 2016 ;

11. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de la requérante à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2017.

La rapporteure,

N. TIGER-WINTERHALTERLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03697
Date de la décision : 06/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-06;16nt03697 ?
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