La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2017 | FRANCE | N°16NT02325

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 octobre 2017, 16NT02325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) les productions de la plume et M. D...M'A... M'A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a interdit la représentation à Saint-Herblain du spectacle" Le Mur " prévue le 9 janvier 2014, de condamner 1 'Etat à leur verser solidairement la somme de 250 000 euros en réparation de la perte de la recette du spectacle du 9 janvier 2014 et la somme de 50 000 euros au titre de l

a privation de la vente des produits dérivés, de condamner l'Etat à verser à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) les productions de la plume et M. D...M'A... M'A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a interdit la représentation à Saint-Herblain du spectacle" Le Mur " prévue le 9 janvier 2014, de condamner 1 'Etat à leur verser solidairement la somme de 250 000 euros en réparation de la perte de la recette du spectacle du 9 janvier 2014 et la somme de 50 000 euros au titre de la privation de la vente des produits dérivés, de condamner l'Etat à verser à M. M'A... M'A... la somme d'un million d'euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'annulation de son spectacle et des évènements qui 1'ont entouré et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401853 du 20 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2016, la SARL les productions de la plume et M. M'A... M'A..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a interdit la représentation à Saint-Herblain du spectacle " Le Mur" prévue le 9 janvier 2014 ;

3°) de condamner 1'Etat à leur verser solidairement la somme de 250 000 euros en réparation de la perte de la recette du spectacle du 9 janvier 2014 ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser solidairement la somme de 50 000 euros au titre de la privation de la vente des produits dérivés ;

5°) de condamner l'Etat à verser à M. M'A... M'A... la somme d'un million d'euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'annulation de son spectacle et des évènements qui 1'ont entouré ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de 1 'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté est illégal car, pris en méconnaissance de la jurisprudence en matière de protection de la liberté de réunion et d'expression ; il se fonde sur la circulaire du 6 janvier 2014 laquelle, soit est illégale en ce qu'elle contient des dispositions réglementaires, soit a conduit le préfet à ne pas apprécier les circonstances locales particulières ;

- l'atteinte à la dignité humaine sur laquelle se fonde l'arrêté est insuffisamment caractérisée ;

- l'arrêté est entaché d'une appréciation erronée des faits ;

- la mesure de police présente un caractère disproportionné et excessif ;

- l'arrêté porte une atteinte grave à la liberté d'expression, garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales, et au droit du travail ;

- ils ont subi des préjudices constitués par la perte des bénéfices de l'organisation du spectacle estimée à 20% du total du chiffre d'affaire de la soirée et un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénal ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ;

- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que la société Les Productions de la Plume et M. D...M'A... M'A... font appel du jugement du 20 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 7 janvier 2014 portant interdiction de la représentation du spectacle " Le Mur ", prévue à la salle du Zénith de la commune de Saint-Herblain le 9 juin 2014, et à l'indemnisation des préjudices résultant pour eux de cette interdiction ;

2. Considérant qu'il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l'ordre public ; que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public ; que l'autorité investie du pouvoir de police peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire une manifestation qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ;

3. Considérant que l'exercice de la liberté d'expression est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; qu'il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté de réunion ; que les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées ;

4. Considérant qu'il appartient également à l'autorité investie du pouvoir de police administrative de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour prévenir la commission des infractions pénales susceptibles de constituer un trouble à l'ordre public sans porter d'atteinte excessive à l'exercice par les citoyens de leurs libertés fondamentales ; que, dans cette hypothèse, la nécessité de prendre des mesures de police administrative et la teneur de ces mesures s'apprécient en tenant compte du caractère suffisamment certain et de l'imminence de la commission de ces infractions ainsi que de la nature et de la gravité des troubles à l'ordre public qui pourraient en résulter ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le spectacle de M. M'A... M'A..., intitulé " Le Mur ", programmé à Nantes le 9 janvier 2014 contenait des propos pénalement répréhensibles et de nature à porter de graves atteintes au respect des valeurs et principes tels que la dignité de la personne humaine et à provoquer la haine et la discrimination raciales ; qu'à la date de l'arrêté en litige, M. M'A... M'A... ne s'était pas engagé à ne pas reprendre dans son spectacle les propos incriminés mais avait, dans ses dernières représentations, maintenu des propos et des gestes injurieux ; que, dès lors, il existait un risque sérieux que ces propos soient repris au cours de la représentation du 9 janvier 2014; que, par suite, alors même que les propos incriminés ne constitueraient pas la majeure partie du spectacle et n'avaient pas donné lieu à une condamnation pénale, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement estimer qu'ils portaient une atteinte grave à la dignité de la personne humaine et que le spectacle constituait en lui-même une menace à l'ordre public, même en l'absence de circonstances locales particulières ;

6. Considérant, d'autre part, que compte tenu de la nature particulière du trouble à l'ordre public constitué par la teneur même des propos et par les gestes susceptibles d'être proférés lors de cette représentation, la mesure d'interdiction prononcée par le préfet de la Loire-Atlantique était, en l'espèce, la seule de nature à empêcher la survenance de ce trouble, alors même que selon les requérants le contenu du spectacle ne provoquerait pas de troubles matériels ; que le préfet de la Loire-Atlantique a, par l'arrêté du 7 janvier 2014, apporté aux libertés d'expression et de réunion une restriction qui n'est pas excessive au regard des risques pour l'ordre public que cette mesure avait pour objet de prévenir ; que, par suite, le moyen tiré d'une atteinte illégale à ces libertés garanties notamment par la Déclaration des droits de 1'homme et du citoyen de 1789 et par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

7. Considérant que, pour le surplus, les moyens tirés de l'illégalité de la circulaire du ministre de l'intérieur du 6 janvier 2014 et de l'atteinte au principe de la liberté du travail que les requérants reprennent en appel, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

8. Considérant, enfin, qu'en l'absence d'illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les conclusions indemnitaires présentées par les requérants ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société les Productions de la plume et M. M'A... M'A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société les productions de la plume et de M. M'A... M'A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL les productions de la plume, à M. D...M'A... M'A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2017.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT02325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02325
Date de la décision : 06/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET JACQUES VERDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-06;16nt02325 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award