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06/10/2017 | FRANCE | N°15NT03533

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 octobre 2017, 15NT03533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lytec a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

- d'annuler le marché conclu entre la région Centre et la société Assist Partner pour le lot n° 3 " équipement d'entretien, de nettoyage, matériels scientifique, technologique et industriel " du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour les achats d'équipements et les opérations de transfert de matériels des établissements de formation de la région ;

- de condamner la région Centre à lui verser la somme de 250 0

00 euros HT, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lytec a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

- d'annuler le marché conclu entre la région Centre et la société Assist Partner pour le lot n° 3 " équipement d'entretien, de nettoyage, matériels scientifique, technologique et industriel " du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour les achats d'équipements et les opérations de transfert de matériels des établissements de formation de la région ;

- de condamner la région Centre à lui verser la somme de 250 000 euros HT, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale de ce marché.

Par un jugement n° 1501388 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société Lytec.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2015, la société Lytec, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 septembre 2015 ;

2°) d'annuler le marché conclu entre la région Centre et la société Assist Partner pour le lot n° 3 ;

3°) de condamner la région Centre-Val de Loire à lui verser la somme de 250 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la région Centre-Val de Loire la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

- il existe un lien direct entre son éviction du marché et le vice tiré de ce qu'une procédure adaptée a été mise en oeuvre alors qu'était exigée une procédure d'appel d'offre ;

- au vu de l'offre de la société attributaire, la région aurait dû mettre en oeuvre la procédure de vérification des offres anormalement basses prévue par l'article 55 du code des marchés publics ;

- la région devra communiquer le rapport et le procès verbal d'analyse des offres, ainsi que les éléments relatifs au critère " prix " de la société attributaire ;

- dès lors qu'elle a été irrégulièrement évincée et qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle doit être indemnisée de son manque à gagner, ou à tout le moins subsidiairement des frais engagés pour présenter son offre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2016, la région Centre-Val de Loire conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Lytec la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- la négociation a été sans incidence sur le classement de l'offre de la société Lytec, de sorte qu'elle ne peut pas invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du code des marchés publics ;

- un écart de prix de 30% n'est pas suffisant pour suspecter une offre anormalement basse de nature à imposer au pouvoir adjudicateur la mise en oeuvre du dispositif de l'article 55 du code des marchés publics ;

- la demande d'injonction de communication de pièces est irrecevable et en tout état de cause, l'offre de prix détaillé de la société attributaire n'est pas communicable ;

- en tout état de cause les moyens soulevés par la société Lytec n'entraineraient pas l'annulation du marché ;

- la demande indemnitaire ne pourra qu'être rejetée car le marché n'est pas entaché d'illégalité, il n'existe aucun lien entre l'éviction de la société Lytec et les irrégularités qu'elle invoque et le montant du préjudice n'est pas établi.

Par ordonnance du 23 janvier 2017, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Techer, avocat de la région Centre-Val de Loire.

1. Considérant qu'en octobre 2014, la région Centre a engagé une procédure adaptée, en application de l'article 30 du code des marchés publics, en vue de la conclusion d'un marché à bons de commande, sans minimum ni maximum, d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour les achats d'équipements et les opérations de transfert de matériels des établissements de formation de la région, décomposé en trois lots ; que la société Lytec, précédent titulaire du marché, a présenté une offre pour le lot n° 3 " équipement d'entretien , de nettoyage, matériels scientifique, technologique et industriel " ; que par un courrier notifié le 18 février 2015, la société Lytec a été informée que son offre, classée en 2ème position, n'avait pas été retenue et que le marché était attribué à la société Assist Partner ; que la société Lytec relève appel du jugement du 17 septembre 2015, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat conclu le 19 février 2015 entre la région Centre et la société Assist Partner pour le lot n° 3, ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction selon elle irrégulière ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le jugement attaqué, qui expose le moyen soulevé par la société Lytec tiré de ce que, en vertu des dispositions combinées des articles 29 et 30 du code des marchés publics, le marché litigieux n'aurait pas dû être passé selon une procédure adaptée mais aurait dû faire l'objet d'une procédure formalisée, et indique qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce vice serait en rapport direct avec son éviction du marché, est suffisamment motivé au regard de l'argumentation invoquée par la requérante devant les premiers juges ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité ; que si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ; que le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres avant et après négociations avec les sociétés candidates, que l'offre de la société attributaire était classée en première position avant les négociations alors que celle de la société Lytec était classée en deuxième position et que les négociations, si elles ont réduit l'écart qui existait entre ces deux candidates, notamment pour le critère de la valeur technique des offres, n'ont pas modifié ce classement ; que par suite, même si les services objet du marché litigieux relevaient principalement de la catégorie des " services de conseil en gestion et services connexes " de l'article 29 du code des marchés publics dans sa version alors applicable et ne pouvaient donc pas, en l'absence de maximum prévu par le marché, être regardés comme inférieur aux seuils fixés par l'article 26 du même code permettant le recours à la procédure adaptée, ce manquement n'est pas en rapport direct avec l'éviction de la société requérante et ne peut donc être utilement invoqué par elle pour contester la validité du contrat signé le 19 février 2015 ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 55 du code des marchés publics : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. (...) " ;

6. Considérant que le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public ; qu'il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre ;

7. Considérant que si l'offre de la société attributaire proposait un prix inférieur de 30% à celle de la société Lytec, cette seule circonstance n'est pas suffisante pour estimer que le pouvoir adjudicateur devait suspecter une offre anormalement basse et donc solliciter de la société Assist Partner des précisions et justifications, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix proposé par cette société était, en lui-même, manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner à la région de communiquer certains documents liés à la procédure de passation du marché, que la société Lytec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 septembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a estimé qu'elle n'avait pas été irrégulièrement évincée de l'attribution du marché litigieux et a, par conséquent, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché conclu le 19 février 2015 et à la condamnation de la région Centre-Val de Loire à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de ce marché ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la région Centre-Val de Loire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société Lytec la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Lytec la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Centre-Val de Loire et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Lytec est rejetée.

Article 2 : La société Lytec versera à la région Centre-Val de Loire la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lytec et à la région Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la région Centre-Val de Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03533
Date de la décision : 06/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-06;15nt03533 ?
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