La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2017 | FRANCE | N°15NT02882

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 septembre 2017, 15NT02882


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2015, 23 novembre 2016 et 3 mars 2017, la Société Nouvelle d'Entreprise de Spectacles (SNES), représentée par la Selarl Letang avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement cinématographique a, d'une part, rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 février 2015 de la commission départementale d'aménagement cinématographique de Vendée et, d'autre part, accordé à la société Solev l'au

torisation préalable requise en vue de la création d'un cinéma de cinq salles représ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2015, 23 novembre 2016 et 3 mars 2017, la Société Nouvelle d'Entreprise de Spectacles (SNES), représentée par la Selarl Letang avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement cinématographique a, d'une part, rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 février 2015 de la commission départementale d'aménagement cinématographique de Vendée et, d'autre part, accordé à la société Solev l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un cinéma de cinq salles représentant 961 places à l'enseigne " Ciné Avenir " à Mortagne-sur-Sèvre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir et sa requête n'est pas tardive ;

- la procédure mise en oeuvre par la commission nationale d'aménagement cinématographique a méconnu les dispositions de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée ; il n'est pas établi que la convocation ait été adressée aux membres de la commission, que ses membres aient été destinataires avant la séance du 30 juin 2015 de l'ensemble des documents prévus, ni que le quorum ait été respecté ;

- la commission nationale a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il n'existait aucun établissement généraliste dans la zone d'influence cinématographique ; que le projet ne favorisera pas la diversité de l'offre cinématographique alors que l'offre cinématographique généraliste est déjà conséquente dans la zone ;

- contrairement à ce qu'a retenu la commission nationale, et ainsi que l'avait jugé la cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt du 3 février 2012 sur un précédent projet de création d'un cinéma sur le même terrain d'assiette, le projet est contraire aux objectifs fixés par le législateur et aura un impact sur la fréquentation des cinémas présents dans la zone d'influence cinématographique ; compte-tenu de la circonstance que la voiture constitue le mode de transport privilégié pour se rendre au cinéma et que le projet et le cinéma qu'elle exploite à Cholet se trouvent à neuf minutes l'un de l'autre en voiture, le risque de concurrence est patent ; le projet fragilisera les trois cinémas classés " art et Essai " de la zone ;

- la société pétitionnaire, qui n'a pas pris d'engagement contraire, pourrait procéder à l'extension de l'établissement sans solliciter au préalable une autorisation auprès de la commission départementale ;

- la nouvelle offre cinématographique dans la zone entraînera des difficultés d'accès aux copies des oeuvres cinématographiques, notamment pour les cinémas classés " art et essai " ;

- la commission nationale ne s'est pas prononcée sur les effets du projet en matière d'aménagement culturel du territoire ; au surplus, le projet ne participera pas à l'animation culturelle de Mortagne-sur-Sèvre dès lors qu'il n'est pas implanté en centre-ville ; l'animation culturelle de Cholet sera impactée par le projet ;

- la commission nationale a porté une appréciation erronée sur les caractéristiques du projet au regard de ses accès pour les véhicules motorisés dès lors que la réalisation des aménagements nécessaires à sa desserte n'est pas suffisamment certaine à la date de son ouverture au public et qu'elle ne disposait pas d'éléments d'information suffisants pour apprécier l'impact du projet sur les flux de circulation ;

- la desserte par les transports en commun est insuffisante ; le projet ne favorisera pas les modes doux de transport ;

- le projet ne se justifie pas en termes de qualité architecturale ; la présence d'une clôture en inox de onze mètres de hauteur sur le site ne permet pas une intégration dans le paysage ;

- la commission nationale ne disposait pas d'éléments d'information suffisants pour apprécier la végétalisation du site.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2016, la commission nationale d'aménagement cinématographique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la société SNES ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 mars 2016 et 30 janvier 2017, la société Solev, représentée par la SCP Ares, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société SNES d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code du cinéma et de l'image animée :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société SNES, et de MeA..., représentant la société Solev.

1. Considérant que la Société Nouvelle d'Entreprise de spectacles (SNES) demande l'annulation de la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement cinématographique a, d'une part, rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 février 2015 de la commission départementale d'aménagement cinématographique de Vendée et, d'autre part, accordé à la société Solev l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un cinéma de cinq salles représentant 961 places à l'enseigne " Ciné Avenir " à Mortagne-sur-Sèvre ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée, ni d'aucun principe que les décisions de la commission nationale d'aménagement cinématographique doivent comporter des mentions attestant du respect de la règle du quorum ; qu'en outre, il ressort du procès-verbal de la réunion du 30 juin 2015 que cette règle a été respectée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la convocation des membres de la commission aurait été irrégulière, alors qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que ces derniers n'auraient pas été mis à même de prendre connaissance, en temps utile, des documents prévus au deuxième alinéa de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée que la qualité des services offerts. " ; qu'aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, les commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononcent sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation de création d'un établissement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Solev s'intègre dans le cadre de l'aménagement de la ZAC du Soleil Levant, consistant en la création d'un ensemble commercial de 7 019 m², comportant un hypermarché avec une galerie marchande de huit boutiques, au nord de Mortagne-sur-Sèvre, dans une zone qui rassemble 165 000 habitants et est dépourvue d'activité commerciale de diffusion cinématographique ; que la zone d'influence cinématographique retenue par la société pétitionnaire, déterminée par un trajet en voiture de vingt minutes au maximum, se caractérise par l'existence d'un établissement de type multiplexe, le " ciné movida ", comprenant dix salles et 1 443 places, de taille supérieure au cinéma projeté, situé à Cholet en sous-zone primaire à dix minutes au maximum en voiture, ainsi que de trois cinémas d'un écran, classés " art et essai ", situés en sous-zone secondaire accessible entre onze et vingt minutes en voiture du projet litigieux, comprenant 202, 376 et 269 places et offrant un nombre de séances limité ; que la majorité des séances de la zone est programmée par le " ciné movida " (15 647 sur 17 280 en 2014) ; que, par ailleurs, la comparaison de l'offre cinématographique de l'unité urbaine combinée de Mortagne-sur-Sèvre et Cholet avec celle des unités urbaines de taille équivalente fait apparaître un faible nombre de séances par film ainsi qu'une fréquentation des salles de cinéma inférieure au niveau national ; que, compte tenu du caractère essentiellement généraliste de la programmation du projet autorisé, ni l'impact négatif du projet sur les cinémas classés " art et essai ", ni les difficultés d'accès aux films, allégués par la société SNES, ne sont établis ; que le projet permettra, en effet, dès lors qu'il sera conduit à diffuser plus de 46 % des films généralistes et 26 % des films Art et Essai, de développer la diversité de l'offre cinématographique au sein de la zone d'influence qui n'a disposé en 2014 que de 50 % de l'offre totale de films inédits et seulement de 36 % de l'offre de films inédits Art et Essai ; qu'en outre, l'impact du projet sur les cinémas de la zone sera limité en raison, d'une part, de sa capacité limitée à cinq salles et, d'autre part, de l'éloignement des cinémas de proximité à près de vingt minutes du site ainsi que de leur fort ancrage local, en particulier s'agissant du cinéma Grand Ecran situé aux Herbiers ; que la réalisation du projet devrait également inciter les cinémas de proximité classés " art et essai " à développer davantage leur offre dans ce domaine, laquelle a tendance à être négligée au profit d'une offre généraliste ; que la société SNES fait valoir que le projet entraînera un suréquipement de l'offre cinématographique généraliste dans la zone d'influence cinématographique ; que, toutefois, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, il appartient aux commissions d'aménagement cinématographique d'apprécier la conformité du projet aux objectifs et principes prévus par les textes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure pas la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet ; que si la société SNES fait enfin valoir que la société Solev ne s'est pas engagée à renoncer par avance à toute modification ultérieure de la répartition des salles et des fauteuils, aucune disposition légale n'imposait à la société pétitionnaire de souscrire un tel engagement ; que, par suite, et alors que la zone d'influence cinématographique a connu, entre 1999 et 2011, une croissance démographique de 8 %, en estimant que le projet autorisé permettra un développement diversifié de l'offre cinématographique, la commission nationale n'a pas méconnu les objectifs fixés par le législateur s'agissant de l'atteinte à la diversité de l'offre cinématographique et à l'objectif d'aménagement culturel du territoire ;

6. Considérant, d'autre part, que si la société SNES soutient que la commission nationale a porté une appréciation erronée sur les caractéristiques du projet au regard du critère tenant à la protection de l'environnement et à la qualité de l'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que la qualité environnementale du projet est satisfaisante, compte tenu de son accessibilité par une desserte routière déjà en place, notamment par la route départementale D 960T et par la rue des Fauvettes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'activité du cinéma en projet, de taille moyenne, entraînera des flux supplémentaires significatifs sur les voies d'accès au multiplexe ; que la circonstance qu'une seule ligne d'autobus desserve le cinéma projeté à des horaires irréguliers ne suffit pas à elle seule à entacher d'illégalité l'appréciation de la commission nationale sur la qualité environnementale du projet au regard de sa desserte par les transports en commun ; que, par ailleurs, l'insertion architecturale du projet est suffisante au regard des caractéristiques de la zone, laquelle a vocation à devenir commerciale et est dépourvue de caractère particulier ; que, par suite, la commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas fait une appréciation erronée du respect par le projet du critère relatif à la protection de l'environnement et à la qualité de l'urbanisme ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la société Solev, que la société SNES n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 16 juillet 2015 de la commission nationale d'aménagement cinématographique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Solev, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société SNES demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SNES le versement à la société Solev de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SNES est rejetée.

Article 2 : La société SNES versera à la société Solev la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la société Société Nouvelle d'Entreprise de Spectacles, à la société Solev et à la commission nationale d'aménagement cinématographique.

Une copie sera adressée pour information au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.

Le président,

M. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la culture, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02882
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-09-29;15nt02882 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award