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18/09/2017 | FRANCE | N°16NT01830

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 septembre 2017, 16NT01830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E..., Mme D...A...et Mme G...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à leur verser une somme de 7 000 euros majorée des intérêts de droit en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du refus de visa opposé à Mme G...E....

Par un jugement n° 1410165 du 8 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2016, M. C... E..., Mme D...A...et Mm

e G...E...représentés par Me Pollono, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E..., Mme D...A...et Mme G...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à leur verser une somme de 7 000 euros majorée des intérêts de droit en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du refus de visa opposé à Mme G...E....

Par un jugement n° 1410165 du 8 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2016, M. C... E..., Mme D...A...et Mme G...E...représentés par Me Pollono, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 7 000 euros, 7 000 euros et 10 000 euros majorées des intérêts de droit capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la faute commise par l'Etat en ce qui concerne le refus de visa opposée à Mlle D...E...n'engageait pas sa responsabilité alors qu'une faute était avérée et que toute illégalité est constitutive d'une faute ;

- les éléments d'état-civil nécessaires ont été communiqués au ministre en temps utile ;

- il a également été communiqué tous les éléments nécessaires à la reconnaissance d'une possession d'état ;

- le traitement du dossier a été anormalement long ;

- le refus de visa a maintenu les requérants dans une situation angoissante et précaire et a été à l'origine d'un grave préjudice moral ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête;

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé en se référant au mémoire en défense produit devant le tribunal.

M. C... E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 4 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de Me Pollono, pour M. C...E..., Mme D...A...et Mme G...E....

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...E..., ressortissant ivoirien, s'est vu reconnaître, le 27 février 2009, le statut de réfugié ; que MmeD... E..., son épouse, et les jeunes Jessica et F...E...ont sollicité, le 17 mars 2010, auprès des autorités consulaires d'Abidjan (Côte d'Ivoire) la délivrance d'un visa de long séjour aux fins de regroupement de la famille d'un réfugié statutaire ; que si Mme A...E..., et le jeune F...E...ont obtenu, le 10 février 2011, la délivrance des visas sollicités, celle-ci a été refusée à Mlle B...E...; que ce n'est qu'à la suite de la saisine, le 2 décembre 2011, du tribunal administratif de Nantes d'un recours pour excès de pouvoir contre cette décision de refus que le ministre de l'intérieur a donné comme instruction aux autorités consulaires de délivrer le visa en cause, ce qui a été effectué le 12 janvier 2012 ; que, par ordonnance du 9 février 2012, le président de la 8ème chambre du tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande à fin d'annulation de la décision de refus de visa opposée à Mlle B...E... ; que M. et Mme E...et leurs enfants ont saisi, le 26 juin 2014, le ministre de l'intérieur une demande préalable d'indemnisation d'un montant de 24 000 euros en réparation des différents préjudices moraux qu'ils alléguaient avoir subis du fait du caractère fautif du refus opposé à la demande de visa de Mlle B...E...; que cette demande a été implicitement rejetée ; que les requérants relèvent appel du jugement en date du 8 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes, qu'ils avaient saisi d'une demande de condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité de 24 000 euros, a rejeté celle-ci ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à Mlle B...E...le visa qu'elle sollicitait en qualité de membre de la famille d'un réfugié statutaire, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que le lien familial invoqué par l'intéressée ne pouvait être tenu pour établi au vu du caractère apocryphe des documents d'état civil produits tant devant elle que devant les autorités consulaires ; que, toutefois, si un tel motif était au nombre de ceux pouvant légalement, le cas échéant, justifier un refus de visa, la réalité du lien de filiation unissant les intéressés n'est plus contestée par le ministre de l'intérieur, notamment au vu des mentions du jugement du tribunal de première instance d'Abidjan du 4 mars 2011 rectifiant les erreurs contenus dans l'acte de naissance de Mlle B...E...; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que la décision de refus de visa du 10 février 2011, qui a méconnu le principe général d'unité de la famille applicable aux réfugiés, est entachée d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

3. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que les documents initialement produits à l'appui des demandes de visa présentées par M.E..., qui, comme il l'indique lui-même dans sa lettre de saisine de la commission de recours contre les refus de visas du 4 mars 2011, sont les mêmes que ceux qu'il avait présentés à l'occasion de sa demande d'octroi du statut de réfugié obtenue en 2009, et au nombre desquels ne figurait nécessairement pas le jugement du tribunal de première instance rendu le 4 mars 2011, ne pouvaient, eu égard notamment aux anomalies dont était entaché l'extrait d'acte de naissance de Mlle B...E..., être regardés comme établissant, à eux seuls, la réalité du lien de filiation invoqué entre cette dernière et M. E... ; que, par ailleurs, les autorités diplomatiques françaises n'étaient pas tenues de solliciter des autorités ivoiriennes l'authentification des actes d'état civil produits à l'appui des demandes de visa ; que l'administration n'était non plus tenue de solliciter auprès des demandeurs, au cours de l'instruction de leur dossier, la production de tous les éléments établissant le lien familial, le cas échéant, au moyen de la possession d'état ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement du tribunal de première instance d'Abidjan du 4 mars 2011 permettant d'établir la réalité du lien familial allégué n'a finalement été porté à la connaissance de l'administration qu'à l'occasion du débat contentieux s'étant engagé en décembre 2011, soit postérieurement à la date à laquelle est née la décision implicite de rejet à raison de l'illégalité de laquelle M. et Mme E...et leurs enfants recherchent la responsabilité de l'administration ; que ce retard, imputable aux pétitionnaires, est de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ; que pour les mêmes motifs, ils ne peuvent soutenir que la délivrance des visas serait intervenue au terme d'un délai anormalement long ; que, par suite, les conclusions des requérants tendant à la réparation des conséquences dommageables de la décision de refus de visa litigieuse doivent être rejetées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative:

5. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par les consorts E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... E..., à Mme D...E..., à Mlle B... E...et au ministre d'État, ministre de l'Intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01830
Date de la décision : 18/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-09-18;16nt01830 ?
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