Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...B...et Mme E...D...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 3 février 2015 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leurs demandes de naturalisation.
Par un jugement n° 1408162 - 1503225 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et enjoint au ministre de l'intérieur d'examiner à nouveau les demandes de naturalisation présentées par M. et MmeB....
Procédure devant la cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 7 juillet 2016, 14 octobre 2016 et 7 décembre 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2016 ;
2°) de rejeter, par l'effet dévolutif de l'appel, les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant les demandes de naturalisation présentées par M. et MmeB..., dès lors qu'il ressort d'une note du 26 février 2014 jointe au dossier et d'une notice de renseignements rédigée le 25 novembre 2014 par les services de sécurité habilités que le loyalisme de M. B...envers la France n'est pas garanti ;
- que si cette dernière note ne peut pas être versée aux débats au risque de porter atteinte à la sécurité de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, la reproduction dans son mémoire de ses énonciations communicables permet de respecter le caractère contradictoire de la procédure ;
- au titre de l'effet dévolutif de l'appel, les moyens soulevés par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes doivent être écartés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 21 septembre et 25 novembre 2016, M. et MmeB..., représentés par MeC..., concluent au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de leur accorder la nationalité française, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au bénéfice de chacun d'entre eux, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant M. et MmeB....
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 22 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à titre principal, annulé ses décisions du 3 février 2015 rejetant les demandes de naturalisation présentées par M. et MmeB... ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'en vertu de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, selon l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le postulant ;
3. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M.B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les circonstances selon lesquelles l'intéressé serait connu des services de sécurité pour être impliqué dans des activités de soutien logistique en France au profit de l'organisation terroriste Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'employé en 2005 dans un restaurant tenu par l'un des trésoriers du PKK sur le territoire français, il aurait été signalé comme étant en charge de l'organisation de la collecte de l'" impôt révolutionnaire " pour le PKK dans sa région, qu'il aurait également participé à la vente, en septembre 2013, de billets pour le festival kurde de Düsseldorf, rassemblement européen organisé par le PKK et qu'enfin, il aurait pris part, aux côtés d'autres militants du PKK, à plusieurs manifestations publiques de soutien de l'organisation séparatiste kurde, le loyalisme de M. B...envers la France et ses institutions n'étant ainsi pas garanti ;
4. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation de MmeB..., le ministre s'est, par ailleurs, fondé sur les circonstances selon lesquelles le loyalisme de son conjoint envers la France et ses institutions n'était pas avéré, eu égard à l'activisme de M. B...et à ce que, mariée à ce dernier depuis le 12 mai 2006 et vivant effectivement avec lui depuis cette date, Mme B...ne pouvait ignorer ses activités, auxquelles elle adhérait au moins implicitement ;
5. Considérant que pour annuler, par le jugement attaqué, les décisions ministérielles du 3 février 2015 rejetant les demandes de naturalisation présentées par M. et MmeB..., le tribunal administratif de Nantes a estimé que les éléments produits par le ministre de l'intérieur ne le mettaient pas à même de s'assurer de la réalité des griefs formulés à l'encontre de M.B..., le ministre ayant notamment indiqué s'être fondé sur une note de la direction générale de la sécurité intérieure du 25 novembre 2014 qu'il a refusée de produire en invoquant des motifs liés à la sûreté de l'Etat ; qu'à l'appui de son recours en appel, le ministre de l'intérieur reprend, dans ses écritures, les principales énonciations de cette note, dont sont issus les éléments qui fondent la décision de rejet de naturalisation opposée à M.B..., sans la communiquer ;
6. Considérant toutefois que dans leurs écritures en défense, M. et Mme B...ne contestent pas sérieusement la matérialité des faits reprochés à ce dernier, faisant notamment état de l'ancienneté de ces faits et de l'absence de persistance de liens étroits avec le PKK, de ce " qu'être employé dans un restaurant, vendre des billets pour un festival ou faire usage de son droit de manifester ne constituent pas un défaut d'allégeance à la république française " ; que, dans ces circonstances, la communication de la note de la direction générale de la sécurité intérieure du 25 novembre 2014 n'était pas nécessaire aux juges de première instance pour pouvoir apprécier la réalité des griefs formulés à l'encontre de M. et MmeB... ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a pris en compte l'absence de communication de cette note pour annuler les décisions du ministre de l'intérieur du 3 février 2015 ; qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...en première instance ;
8. Considérant, en premier lieu, que les décisions attaquées ont été signées par M. G...H..., sous-directeur de l'accès à la nationalité française, nommé par arrêté du 29 juillet 2013 publié au Journal officiel du 31 juillet suivant ; que ce dernier bénéficie, en cette qualité, en vertu des dispositions de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005, d'une délégation de signature l'autorisant notamment à signer, au nom du ministre de l'intérieur, les décisions de rejet de demande de naturalisation ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit, dès lors, être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions indiquent qu'elles sont fondées sur les dispositions des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, ainsi que sur les circonstances énoncées aux points 3 et 4 du présent arrêt ; que les décisions attaquées comportent ainsi la mention des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivées ;
10. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme B...ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des articles 21-23 et 21-24 du code civil, relatifs aux conditions de recevabilité des demandes de naturalisation, dès lors que leurs demandes n'ont pas été déclarées irrecevables mais rejetées sur le fondement des dispositions du décret du 30 décembre 1993 ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que doit également être écarté en tant qu'il est inopérant le moyen tiré par les époux B...de la méconnaissance des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 21 juin 2013, dépourvue de valeur réglementaire ;
12. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que le ministre de l'intérieur a méconnu le principe du contradictoire en ne versant pas aux débats la note de la direction générale de la sécurité intérieure du 25 novembre 2014, dès lors qu'il résulte des énonciations du point 6 du présent arrêt qu'ils n'en contestent pas sérieusement le contenu ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé ses décisions du 3 février 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par les époux B...doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. et Mme B...sollicitent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'Intérieur, à M. F...B...et à Mme E...D...épouseB....
Délibéré après l'audience du 9 juin 2017, où siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02214