Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Désossage Viandes Volailles (DVV) a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 octobre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la section agroalimentaire de l'unité territoriale de Maine-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays de la Loire a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. E...B....
Par un jugement n° 1309713 du 23 février 2016, le tribunal administratif de Nantes annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 avril 2016, M. E... B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 2016 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SARL DVV devant le tribunal administratif de Nantes;
3°) de mettre à la charge de la SARL DVV une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée n'est pas entachée d'illégalité en ce qu'elle ne comporterait pas la signature de son auteur ;
- la clause de mobilité de son contrat de travail est illicite ainsi que cela a été jugé par les cours d'appel de Riom et de Poitiers ; cette clause ne lui est donc pas opposable de sorte qu'en refusant de se rendre à Antrain, il n'a pas commis de faute ;
- l'affectation sur ce nouveau site s'analysait comme une modification de son contrat de travail dès lors qu'elle entraînait une modification importante de ses horaires de travail qui passait d'un horaire nocturne à un horaire diurne ;
- cette nouvelle affectation portait atteinte à sa vie personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2017, la SARL DVV, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée le 22 août 2016 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Par ordonnance du 9 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.
1. Considérant que M. B... relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de la SARL Désossage Viandes Volailles (DVV), la décision du 14 octobre 2013 de l'inspecteur du travail de la section agroalimentaire de l'unité territoriale de Maine-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays de la Loire refusant à cette société de lui accorder l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif disciplinaire ;
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ce changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL DVV, qui exerce une activité de sous-traitance de transformation et de conservation de viande de boucherie, a recruté, le 7 juin 2011, M. B...en qualité de désosseur-pareur, lequel a été affecté, à compter du 14 juin suivant, sur le site de l'un de ses clients, à Loué (Sarthe), distant de 87 kilomètres du domicile de l'intéressé ; qu'à la suite de la résiliation du contrat de prestation qui la liait à cette dernière société, la SARL DVV lui a demandé de rejoindre un nouveau site de production à Antrain (Ille-et-Vilaine), commune distante d'environ 150 kilomètres de son domicile ; que M.B..., qui est titulaire, notamment, du mandat de délégué du personnel, ayant refusé cette nouvelle affectation, la société a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire ; que, par la décision du 14 octobre 2013 litigieuse, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée en se fondant sur ce que la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail de M.B..., dont se prévalait l'employeur, " peut être considérée comme nulle et que le salarié ne commet pas une faute en ne s'y conformant pas " ;
4. Considérant qu'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur d'en étendre unilatéralement la portée ; que l'article 8 du contrat de travail de M.B..., qui prévoit que ce dernier " pourra être affecté, à compter de sa date d'engagement, sur différents sites de production, selon les exigences des clients et selon ses compétence propres, qui doivent bien évidemment être adaptées aux besoins des clients " et que tout refus justifierait la rupture de la relation salariale, ne comporte aucune précision sur sa zone géographique d'application et confère à la SARL DVV la possibilité d'étendre unilatéralement les lieux d'affection de son salarié en fonction de ses clients présents et futurs ; que, dans ces conditions, et alors même qu'ainsi que le soutient la SARL DVV, cette clause de mobilité aurait été mise en oeuvre " dans le respect de la bonne foi contractuelle ", cette clause ne pouvait être opposée à l'intéressé ; que, par suite, le refus de M. B...d'accepter ce changement d'affectation sur le site de production d'Antrain, changement qui s'analysait comme une modification de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, ainsi que l'a estimé l'inspecteur du travail, dans sa décision du 14 octobre 2013 refusant d'autoriser le licenciement de l'intéressé pour motif disciplinaire ; que, dès lors, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision au motif qu'il avait commis une faute de nature à justifier son licenciement ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL DVV devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la copie de la décision du 14 octobre 2013 de l'inspecteur du travail adressée à M. B..., comporte la signature de M.A..., ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci, conformément aux prescriptions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ; qu'ainsi, il est établi que cette décision a été signée par son auteur ; que, par ailleurs, si l'exemplaire de cette même décision, versée au dossier, adressée à la SARL DVV n'est pas revêtue de la signature de son auteur, il comporte l'ensemble des mentions permettant d'identifier celui-ci avec certitude ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 octobre 2013 de l'inspecteur du travail de la section agroalimentaire de l'unité territoriale de Maine-et-Loire de la DIRECCTE des Pays de la Loire refusant à la SARL DVV de lui accorder l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SARL DVV, le versement de la somme de 2 000 euros que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SARL DVV demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1309713 du 23 février 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL DVV devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La SARL DVV versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., à la SARL Désossage Viandes Volailles et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Buffet, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2017.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01295