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22/06/2017 | FRANCE | N°17NT00465

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 22 juin 2017, 17NT00465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Jean-Trolimon (Finistère) à leur verser la somme de 29 500 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'illégalité du permis de construire qu'elle leur a délivré le 11 mai 2009 pour la parcelle cadastrée n° 1270 située au lieudit Rugadoual.

Par un jugement n° 1200978 du 21 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14NT00956

du 13 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement du 21 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Jean-Trolimon (Finistère) à leur verser la somme de 29 500 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'illégalité du permis de construire qu'elle leur a délivré le 11 mai 2009 pour la parcelle cadastrée n° 1270 située au lieudit Rugadoual.

Par un jugement n° 1200978 du 21 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14NT00956 du 13 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement du 21 février 2014 et a condamné la commune de Saint-Jean-Trolimon à verser à M. et Mme B...la somme de 22 385,11 euros.

Par une décision n° 396165 du 30 janvier 2017 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la commune de Saint-Jean-Trolimon, a annulé l'arrêt du 13 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°17NT00465.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 avril et 18 août 2014 et les 10 mars et 2 mai 2017 M. et MmeB..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200978 du 21 février 2014 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner la commune de Saint-Jean-Trolimon à leur verser la somme de 27 473,52 euros en réparation du préjudice résultant de la délivrance du permis de construire du 11 mai 2009, somme assortie des intérêts à compter de la réception de leur demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-Trolimon une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé car il ne répond pas à leur argumentation soulevée contre la fin de non recevoir opposée par la commune ;

- le courrier du 3 septembre 2009, qu'ils ont rédigé à la demande de la commune suite à l'introduction d'un recours en annulation contre leur permis de construire, ne saurait être regardé comme une transaction car il prévoit une renonciation unilatérale à leurs droits, sans concession de la commune ;

- le caractère d'ordre public du droit au recours interdit toute renonciation par avance à ce droit ;

- en leur délivrant un permis de construire contraire aux dispositions du I de l'article

L. 146-4 du code de l'urbanisme, la commune de Saint-Jean-Trolimon a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, alors qu'ils n'ont eux-mêmes commis aucune imprudence susceptible d'atténuer cette responsabilité ;

- ils justifient avoir engagé des frais en vue de la construction de leur maison à hauteur de 20 437,52 euros ;

- ils ont également engagés des frais à hauteur de 2 000 euros pour leur défense dans le cadre du recours introduit par l'association " défense de l'environnement bigouden " ;

- ils ont subi un préjudice moral qui peut être évalué à la somme de 5 000 euros.

Par des mémoires enregistrés le 11 juillet 2014 et les 2 mars et 18 avril 2017, la commune de Saint-Jean-Trolimon, représentée par MeC..., demande à la cour de rejeter la requête de M. et Mme B...et de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande des époux B...est irrecevable dès lors que ceux-ci ont renoncé unilatéralement et librement à leurs droits indemnitaires par la lettre du 3 septembre 2009 ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 19 avril 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 3 mai 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de Me G...représentant M. et MmeB..., et de MeE..., représentant la commune de Saint-Jean-Trolimon.

1. Considérant que, par un arrêté du 11 mai 2009, le maire de la commune de Saint-Jean Trolimon (Finistère) a délivré à M. et Mme B...un permis de construire une maison sur une parcelle cadastrée n° 1270 située au lieudit Rugadoual ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 octobre 2011 au motif qu'il méconnaissait les dispositions du I. de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, par un deuxième jugement du 21 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme B...tendant à la condamnation de la commune de Saint-Jean Trolimon à réparer les préjudices résultant pour eux de cette illégalité fautive ; que, par un arrêt n° 14NT00956 du 13 novembre 2015, la cour administrative de Nantes a annulé ce jugement et a condamné la commune de Saint-Jean Trolimon à verser à M. et Mme B...la somme de 22 385,11 euros assortie des intérêts capitalisés ; que, suite au pourvoi en cassation formé par la commune, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par une décision n° 396165 du 30 janvier 2017, annulé l'arrêt précité et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°17NT00465 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 3 septembre 2009, M. et Mme B...ont adressé au maire de Saint-Jean Trolimon un courrier ainsi rédigé : " Notre PC n° 029252090003 en date du 11 mai 2009 est à ce jour contesté par la défense de l'environnement bigouden (DEB) et enregistré au TA de Rennes sous le dossier n° 0903874-1. A l'issue du jugement, nous nous engageons à ne porter aucun recours devant les tribunaux contre vous même et contre la mairie de Saint-Jean Trolimon et ceci peut importe la décision du tribunal même si elle devait nous être défavorable. " ;

3. Considérant que cet acte unilatéral de renonciation ne saurait être regardé, alors qu'il n'a pas donné lieu à une contrepartie ni à une acceptation formelle de la commune, comme revêtant la nature d'une transaction ou d'un acte contractuel qui aurait définitivement lié M. et Mme B...en ce qui concerne l'exercice de leurs droits à un recours en réparation du préjudice causé par l'intervention de la décision illégale de délivrance d'un permis de construire mentionnée au point 1 ; que ces derniers pouvaient donc, à tout stade de la procédure, revenir sur l'engagement figurant dans leur courrier du 3 septembre 2009 et solliciter la condamnation de la commune à procéder à cette réparation ; qu'en conséquence, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a accueilli la fin de non recevoir opposée par la commune sur le fondement de l'existence d'une renonciation définitive de leur part à exercer tout recours et a déclaré irrecevable leur demande ; que, par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M et Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur la responsabilité de la commune :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'autorisation de construire délivrée le 11 mai 2009 à M. et Mme B...en vue de la construction d'une maison d'habitation a été annulée par le tribunal administratif de Rennes au motif de la méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'en raison de cette délivrance d'un permis de construire illégal, la commune de Saint-Jean Trolimon a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

6. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des attestations et mémoires produits par les requérants eux-mêmes, qu'après le dépôt, par l'association de défense de l'environnement Bigouden, d'un recours gracieux contre le permis de construire qui leur avait été délivré les époux B...ont consulté un avocat qui a émis des réserves sur la légalité de cette autorisation d'urbanisme au regard des exigences de la loi littoral ; qu'il ressort en outre des termes de leur courrier du 3 septembre 2009 précédemment évoqué qu'ils avaient conscience du risque non négligeable que le recours contentieux introduit par l'association aboutisse à l'annulation du permis de construire litigieux ; que, dans ces conditions, en entreprenant la construction de leur maison sans attendre l'issue de ce recours, M. et Mme B...ont fait preuve d'une imprudence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité à hauteur de 50 % ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que les requérants peuvent prétendre à l'indemnisation des préjudices résultant directement de la délivrance du permis de construire illégal mentionné ci-dessus ;

8. Considérant que les frais d'architecte d'un montant de 3 588 euros et les frais d'études de sol d'un montant de 440 euros dont M. et Mme B...demandent le remboursement ont été engagés antérieurement au 11 mai 2009, date de délivrance du permis de construire, et ne sauraient, dès lors, être regardés comme la conséquence de l'illégalité de ce permis ; que, par ailleurs, ainsi que le fait valoir la commune de Saint-Jean Trolimon, aucun élément du dossier ne permet d'établir que les matériaux achetés pour un montant de 1 081,97 euros auprès de l'entreprise Queguiner, qui a du reste établi la facture au nom de " M.B..., Peintre ", auraient été acquis pour les besoins de la construction autorisée par ce permis de construire ; que, par suite, les demandes présentées au titre de ces deux chefs de préjudice doivent être rejetées ;

9. Considérant, en revanche, que M. et Mme B...justifient avoir engagé des frais concernant l'affichage du permis de construire à hauteur de 136,37 euros, avoir fait exécuter des travaux de terrassement à hauteur de 714,90 euros et des travaux de réalisation d'un vide sanitaire pour un montant de 14 476,27 euros ; qu'ils justifient également avoir engagé, dans le cadre des procédures contentieuses liées à la légalité du permis de construire litigieux, des frais à hauteur de 947,60 euros ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer à 16 275,14 euros le montant total de l'indemnité due par la commune au titre des frais directement supportés par les requérants à raison de l'intervention du permis de construire illégal ;

10. Considérant, enfin, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence subis par les intéressés en évaluant celui-ci à une somme de 1 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 6, de condamner la commune de Saint-Jean Trolimon à verser à

M. et Mme B...une indemnité d'un montant de 8 637,57 euros en réparation des préjudices subis par ces derniers à raison de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré le 11 mai 2009 ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

12. Considérant, d'une part, que M. et Mme B...ont droit aux intérêts de la somme de 8 637,57 euros à compter du 17 décembre 2011, date de réception de leur demande préalable par la commune de Saint-Jean Trolimon ;

13. Considérant, d'autre part, que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 avril 2014 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et MmeB..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la commune de Saint-Jean Trolimon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme demandée par les requérants au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200978 du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2014 est annulé.

Article 2 : La commune de Saint-Jean Trolimon est condamnée à verser à M. et Mme B...la somme de 8 637,57 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2011. Les intérêts échus à la date du 11 avril 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme B...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme B...et par la commune de Saint-Jean Trolimon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...B..., à M. A...B...et à la commune de Saint-Jean Trolimon.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT00465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00465
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Diverses sortes de recours - Recours de plein contentieux.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-22;17nt00465 ?
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