Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'annuler les arrêtés du 4 mai 2016 par lesquels la préfète de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé sa remise aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours, d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation et de l'admettre au séjour au titre de l'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1603869 du 12 mai 2016 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par deux requêtes, enregistrées le 23 septembre 2016 sous les n°16NT03236 et 16NT03237, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2016 par lequel la préfète de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'annuler l'arrêté du même jour par lequel la préfète l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire ;
4°) d'enjoindre à la préfète de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de l'admettre au séjour au titre de l'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
s'agissant de la décision de remise aux autorités italiennes :
- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; les informations prévues par cet article et ses droits ne lui ont pas été lus alors qu'il ne sait pas lire le français ;
- les stipulations de l'article 3 du règlement (UE) N°604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; en raison de l'afflux massif de migrants dans ce pays, les conditions d'accueil des demandeurs d'asile y sont dégradées ; il n'est pas établi que l'Italie ait accepté expressément de traiter sa demande d'asile et que cette dernière sera examinée conformément à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; la préfète n'établit pas avoir procédé au nécessaire examen complet et rigoureux avant de prendre la décision de réadmission en Italie ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé dès lors que le préfet n'indique pas les motifs l'ayant conduit à ne pas faire usage des dérogations prévues aux articles 16 et 17 du règlement (UE) n°604/2013.
s'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté portant réadmission ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'existe aucun risque qu'il se soustraie à ses obligations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de ces requêtes et soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.
1. Considérant que les requêtes n°16NT03236 et n°16NT03237 de M. B...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement en France le 14 février 2016 et a formé une demande d'asile en préfecture de Maine-et-Loire le 1er mars 2016 ; que la préfète, informée par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac " de ce que l'intéressé avait auparavant sollicité l'asile le 17 décembre 2015 en Italie, a saisi les autorités de ce pays d'une demande de reprise en charge sur le fondement des articles 13 et 22-7 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que les autorités italiennes ont accepté expressément, le 2 mai 2016, cette reprise en charge de M. B...; que par deux décisions du 4 mai 2016, la préfète de Maine-et-Loire a, d'une part, ordonné la remise de M. B...aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours ; que M. B...relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 4 mai 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le Protocole de New-York, les règlements (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le règlement UE n°1560/2003, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment ses articles L. 531-1 et L. 742-3 ; que la décision indique que M. B...a sollicité l'asile auprès de la préfète de Maine-et-Loire le 1er mars 2016 et que la consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait auparavant franchi irrégulièrement la frontière de l'Italie, où ses empreintes digitales ont été enregistrées le 17 février 2015 ; que saisies d'une demande de reprise en charge fondée sur l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes ont donné leur accord le 2 mai 2016 ; que la préfète mentionne qu'après examen de la situation individuelle de l'intéressé, celui-ci ne relève pas des dérogations prévues par les articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qu'il n'établit pas l'existence de risques personnels révélant une atteinte grave au droit d'asile et que compte tenu de sa situation personnelle et du caractère très récent de sa présence sur le territoire français sa remise aux autorités italiennes ne porte pas d'atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le préfet, qui n'avait pas à préciser davantage les motifs le conduisant à ne pas mettre en oeuvre les dérogations des articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013, a ainsi suffisamment motivé sa décision en droit comme en fait ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information. 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel... " ;
5. Considérant que si M. B...fait valoir que la procédure suivie à son encontre a été irrégulière, en ce qu'il n'aurait pas été informé conformément aux exigences posées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement communautaire dit " Dublin III ", il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il s'est vu remettre le 1er mars 2016 en préfecture, lors de l'entretien individuel organisé pour le dépôt de sa demande d'asile, ainsi qu'en atteste sa signature, tant le guide du demandeur d'asile qu'une information spécifique sur la mise en oeuvre du règlement Eurodac et sur la mise en oeuvre du règlement Dublin III, rédigés en français ; que si le requérant soutient qu'il a été dans l'impossibilité de prendre connaissance de toutes ces informations dès lors qu'il ne sait pas lire le français, il ressort notamment du compte-rendu de cet entretien individuel du 1er mars 2016 qu'alors qu'aucun interprète en langue soussou n'avait pu être disponible, M. B...a proposé de poursuivre l'entretien en français, reconnaissant ainsi que, s'il lit difficilement le français, il le parle et le comprend ; que, dès lors, le requérant a été mis en possession des informations requises par les différents règlements communautaires relatifs au traitement des demandes d'asile qu'il lui appartenait, le cas échéant, de faire traduire ultérieurement, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable." ; que l'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1° de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1° de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre ;
7. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B...et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile et se serait abstenue de tenir compte des difficultés de prise en charge des demandeurs d'asile dans ce pays ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la préfète aurait entaché sa décision de remise aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;
8. Considérant, d'autre part, que si l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent plusieurs Etats membres de l'Union européenne, notamment l'Italie, confrontés à un afflux sans précédent de réfugiés, il ne produit aucun élément susceptible d'établir que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est constant, en outre, que le requérant n'entre pas dans le champ du dispositif dérogatoire de relocalisation de l'examen des demandes d'asile prévu par la décision (UE) 2015/1601 du Conseil européen du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l'Italie et de la Grèce ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
9. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M.B..., qui ne peut à ce jour regagner son pays d'origine ni se rendre dans un autre pays faute d'être en possession d'un titre de transport, justifie d'une domiciliation associative et présente des garanties propres à prévenir qu'il ne se soustraie à l'exécution de la mesure de remise aux autorités italiennes et que cette mesure conserve une perspective raisonnable d'exécution ; que l'arrêté indique en outre la durée et les conditions de l'assignation à résidence de l'intéressé ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des points 3 à 8 du présent arrêt que M.B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de 45 jours, renouvelable une fois. " ; qu'il résulte des dispositions précitées que le préfet peut prendre à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement, une mesure d'assignation à résidence ;
12. Considérant que M. B...se borne à faire valoir que la préfète de Maine-et-Loire n'a pas suffisamment caractérisé le risque qu'il puisse prendre la fuite, alors justement que la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le fait qu'il présente des garanties propres à prévenir ce risque de fuite ; qu'ainsi et alors qu'une exécution de la décision d'éloignement restait, par ailleurs, une perspective raisonnable, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 4 mai 2016 par lesquels la préfète de Maine-et-Loire a décidé de le remettre aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence pendant une durée de quarante cinq jours ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes susvisées de M. B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juin 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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