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21/06/2017 | FRANCE | N°16NT00860

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 juin 2017, 16NT00860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet d'Îlle-et-Vilaine du 19 mars 2015 rejetant sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, et d'enjoindre au préfet de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un titre de séjour provisoire à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par un jugement n° 1502977 du 15 janvier 2016 le tribunal administratif de Rennes

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet d'Îlle-et-Vilaine du 19 mars 2015 rejetant sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, et d'enjoindre au préfet de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un titre de séjour provisoire à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par un jugement n° 1502977 du 15 janvier 2016 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2016, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 janvier 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 mars 2015 refusant de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un récépissé de demande d'asile en France à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, le tout sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'entretien individuel ne s'est pas tenu conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et les articles 3, 5, 6, et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des défaillances systémiques de l'Etat hongrois dans le traitement des demandes d'asile.

Une mise en demeure a été adressée le 2 mai 2016 au préfet d'Ille-et-Vilaine, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique ;

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que M. D...A..., ressortissant kosovare, est entré irrégulièrement en France le 16 décembre 2014, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants ; qu'il a présenté au préfet d'Ille-et-Vilaine une demande d'asile le 5 mars 2015 ; que la consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées le 13 décembre 2014 en Hongrie, le préfet a refusé son admission provisoire au séjour sur le territoire français en qualité de demandeur d'asile, par arrêté du 19 mars 2015, et a saisi les autorités hongroises d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 13.1 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que M. A...relève appel du jugement du 15 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 mars 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 19 mars 2015 a été signé par M. C...B..., directeur de la réglementation et des libertés publiques par intérim ; qu'en vertu de l'arrêté n° 2014-16887, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture d'Ille-et-Vilaine n° 275 du 5 décembre 2014, celui-ci a reçu délégation du préfet d'Ille-et-Vilaine à l'effet de signer toutes correspondances et tous actes administratifs ou financiers dans le cadre des attributions relevant de la direction et notamment " (...) les décisions portant admission au séjour au titre de l'asile ou refus d'admission provisoire au titre de l'asile (...) " ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les règlements européens (CE) n° 2725/2000 et (UE) n° 604/2013 et l'article L. 741-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la déclaration de l'intéressé quant à son entrée irrégulière en France en décembre 2014 en compagnie de son épouse et le fait que les empreintes digitales de son époux ont été relevées dans le système Eurodac en Hongrie en 2014 ; qu'elle indique la situation familiale de M.A... et le refus d'admission provisoire au séjour de son épouse au titre de l'asile ; qu'elle fait enfin mention de l'acceptation de sa prise en charge par les autorités hongroises sur le fondement de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée en droit comme en fait nonobstant l'absence de mention relative aux persécutions que l'intéressé affirme avoir subies dans son pays ou aux conditions selon lesquelles les autorités hongroises traiteraient les demandes d'asile ; qu'en outre, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'était pas tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M.A... ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, en principe, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur ; que le paragraphe 3 de cet article dispose que " L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise... " ; qu'il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que M. A...a bénéficié d'un tel entretien le 5 mars 2015 et ne peut ainsi être fondé à se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de la décision contestée par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est borné à lui refuser l'admission provisoire au séjour en application des dispositions du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que l'Etat français n'est pas responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

5. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) " ; que l'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1° de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1° de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre ;

6. Considérant, toutefois, que compte tenu de l'objet de la décision contestée, qui par elle-même n'a pas pour effet d'éloigner M. A...à destination de la Hongrie, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 ainsi que des stipulations des articles 3, 5, 6 ou 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonctions ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre d'Etat ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2017.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00860
Date de la décision : 21/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-21;16nt00860 ?
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