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16/06/2017 | FRANCE | N°16NT01868

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 16 juin 2017, 16NT01868


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 20 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Bû (Eure et Loir) a refusé de faire droit à sa demande de raccordement de la parcelle dont il est propriétaire aux réseaux d'eau et d'électricité.



Par un jugement n° 1504231 du 31 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 juin et le 28 décembre 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 20 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Bû (Eure et Loir) a refusé de faire droit à sa demande de raccordement de la parcelle dont il est propriétaire aux réseaux d'eau et d'électricité.

Par un jugement n° 1504231 du 31 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 juin et le 28 décembre 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Bû du 20 novembre 2015 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Bû d'autoriser les branchements sollicités dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bû une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision de refus qui lui a été opposée ne peut être regardée comme motivée, les raisons invoquées par la commune n'étant pas clairement exprimées ;

- le refus qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucun refus de raccordement ne pouvant être opposé au propriétaire d'un terrain dès lors qu'il préjudicie à son droit de mener une vie privée et familiale normale ;

- le refus de la commune doit être regardé comme une ingérence dans sa vie privée et familiale ;

- aucun motif d'intérêt général ne saurait justifier le refus qui lui a été opposé ;

- la décision attaquée est constitutive d'une rupture d'égalité ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 1er de la loi n° 2000-108 dès lors qu'EDF ne respecte pas ses obligations légales ;

- aucun obstacle technique n'est de nature à empêcher le raccordement sollicité ;

- aucun élément du dossier ne permet de requalifier sa demande en tant qu'elle porterait sur un branchement définitif ;

- il n'a pas fixé sa résidence habituelle sur ce terrain ;

- l'installation de sa caravane sur son terrain ne nécessite aucune autorisation d'urbanisme ;

- la décision attaquée méconnaît son droit au logement et est contraire à l'article 10 du Préambule de la Constitution ainsi qu'aux articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2016, la commune de Bû, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Bû fait valoir que :

- la requête d'appel de M. B...est irrecevable, faute de comporter une critique précise du jugement attaqué ;

- aucun des moyens de fond soulevés par le requérant n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 17 mars 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 20 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Bû (Eure et Loir) a rejeté sa demande de raccordement de sa propriété aux réseaux d'eau et d'électricité ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée mentionne que les demandes de raccordement présentées pour M. B...concernent sa caravane, dont il est indiqué qu'elle constitue une " maison légère d'habitation " pour laquelle une autorisation d'urbanisme aurait dû préalablement être délivrée, et que, faute de quoi, les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes de raccordements sollicitées ; qu'elle comporte ainsi un énoncé suffisamment précis des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et se trouve ainsi suffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. B... réside, avec sa famille, dans une caravane installée sur le terrain dont il s'est rendu propriétaire classé en zone ND du document local d'urbanisme de la commune, soit dans un secteur insusceptible d'accueillir des constructions ou installations à usage d'habitation ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les demandes de raccordement au réseau d'eau et au réseau d'électricité présentées en dernier lieu à la commune le 23 septembre 2015 précisent, après avoir rappelé que l'intéressé attend en vain ces autorisations " depuis plusieurs mois ", que les différents membres de la famille de M. B..." résident tous sur la parcelle susvisée " ; que c'est ainsi à juste titre, alors même que la demande du 23 septembre n'indique aucunement que l'intéressé sollicite des raccordements à titre provisoire, que la commune a pu s'estimer saisie, en dépit de la situation d'urgence dont se prévalait M.B..., de demandes de branchement définitif et rejeter celles-ci sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif aux points 4 et 5 de son jugement ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du maire de Bû, si elle est effectivement de nature à entraîner des conséquences sur le droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale ne peut en revanche, eu égard à ce que le requérant était, d'une part, informé du caractère inconstructible de son terrain depuis l'acquisition de celui-ci en janvier 2011, et que, d'autre part, le maire de la commune de Bû l'a expressément invité, dans le courrier où il lui faisait part de son refus d'autoriser les branchements sollicités, à rejoindre avec sa famille une aire d'accueil des gens du voyage gérée par la communauté d'agglomération du Pays de Dreux, être regardée comme disproportionnée ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut ainsi, et en tout état de cause, qu'être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles 1 et 18 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, l'article 10 du Préambule de la Constitution, les articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 2 de la loi du 31 mai 1990, l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles et la loi du 5 mars 2007 instituant un droit au logement opposable ; que, toutefois, M.B..., qui se limite à citer les textes en question sans assortir cette citation d'aucune précision quant à la nature et à l'étendue des violations qui auraient été commises, ne met pas la Cour en mesure d'en apprécier le bien fondé ; que ces moyens ne peuvent ainsi qu'être écartés ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que M. B...ne précise pas davantage en quoi la décision litigieuse serait constitutive d'une rupture d'égalité ; que ce moyen, dépourvu de précision suffisante, ne peut qu'être également écarté ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; que si M. B...fait valoir que le refus de raccordement porterait atteinte à l'intérêt supérieur des trois enfants âgés de 21, 20 et 16 ans qui vivent également dans la caravane leur servant de domicile, seule la jeuneE..., née en juin 2000 demeurait, à la date de la décision litigieuse, éligible au bénéfice de ces dispositions ; que le requérant n'établit pas en quoi il lui serait impossible, comme indiqué au point 6, de rejoindre, avec sa famille, une aire d'accueil des gens du voyage située à proximité, ainsi que l'y invitait d'ailleurs le maire de la commune dans la décision litigieuse ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit par suite, et en tout état de cause, être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M.B... ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bû qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B...sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Bû ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bû relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la commune de Bû.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 juin 2017.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT01868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01868
Date de la décision : 16/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : ECHCHAYB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2017-06-16;16nt01868 ?
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