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09/06/2017 | FRANCE | N°15NT02644

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 juin 2017, 15NT02644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Tréguier à lui verser la somme de 25 227,41 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de travaux d'aménagement de la voie publique effectués en 1990.

Par un jugement n° 1204773 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 août 2015 et 19 décembre 2016 Mme G...A...

, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Tréguier à lui verser la somme de 25 227,41 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de travaux d'aménagement de la voie publique effectués en 1990.

Par un jugement n° 1204773 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 août 2015 et 19 décembre 2016 Mme G...A..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2015 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Tréguier de réaliser les travaux de voiries préconisés par M. E...dans son rapport d'expertise ;

3°) de condamner la commune de Tréguier à lui verser la somme de 8 127,79 euros HT, actualisée en fonction de l'indice national du bâtiment et assortie de la TVA, correspondant au coût des travaux préconisés par l'expert sur son immeuble, ainsi que les sommes de 4 000 euros et 3 000 euros au titre de ses préjudices de jouissance et moral ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tréguier la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport d'expertise de M. E...met en évidence le lien de causalité entre les infiltrations que subit sa propriété et le réaménagement de la place des Halles sans dispositif adapté pour l'évacuation des eaux pluviales, combiné à la vétusté du trottoir ;

- pour mettre fin aux dommages, l'expert a préconisé la réalisation de travaux pour partie à la charge de la commune et pour partie à sa charge : elle est fondée à demander à ce qu'il soit enjoint à la commune de réaliser les travaux qui lui incombent et à obtenir le remboursement de la part mise à la charge de la commune des travaux qu'elle doit entreprendre sur son immeuble ;

- les travaux réalisés par la commune à la suite de la première expertise judiciaire sont insuffisants car les matériaux et techniques utilisés ne permettent pas de supprimer les infiltrations dans son immeuble ;

- la circonstance qu'elle n'a pas fait réaliser les travaux prescrits par cette première expertise n'est pas à l'origine des dommages, ainsi que cela ressort du rapport de M.E... ;

- elle justifie d'un préjudice de jouissance en établissant la réalité des dégradations provoquées à l'intérieur de son immeuble par les infiltrations d'eau.

Par des mémoires en défense enregistrés le 2 novembre 2015 et le 6 février 2017 la commune de Tréguier, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A...une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...sont irrecevables ;

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 8 février 2017 que l'affaire était susceptible, à compter du 15 mars 2017, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2017 par une ordonnance du même jour en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la commune de Tréguier.

1. Considérant que Mme A...est propriétaire d'un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé 5 place des Halles à Tréguier (Côtes d'Armor) ; que la commune de Tréguier a procédé au réaménagement de la place des Halles en 1990 ; que MmeA..., constatant la présence d'infiltrations dans son habitation, a fait réaliser en 1998, dans les cloisons et contre-cloisons de l'immeuble, des travaux qui n'ont pas permis de mettre fin aux désordres ; que, sur sa demande, une expertise judiciaire a été ordonnée par le tribunal de grande instance de Guingamp ; que M. D..., expert désigné, a, dans son rapport déposé le 9 mai 2005, préconisé la réalisation sur l'immeuble de travaux de nature à assurer son étanchéité, ainsi que l'amélioration du dispositif d'évacuation des eaux pluviales par le raccordement au réseau de trois propriétés, dont celle de MmeA..., et la création d'un caniveau en bordure du trottoir situé le long de l'immeuble de la requérante, avec fil d'eau et écoulement dans un regard situé en point bas ; que la commune de Tréguier a procédé aux travaux préconisés par l'expert pour l'évacuation des eaux pluviales, tandis que Mme A...ne s'est pas conformée à ses recommandations ; que MmeA..., constatant la persistance des infiltrations dans son immeuble, a demandé au tribunal administratif de Rennes de désigner un nouvel expert ; que M. E..., expert désigné, a déposé le 28 juillet 2008 son rapport, dans lequel il préconise à nouveau la réalisation de travaux sur la voie publique et dans l'immeuble de MmeA... ; que cette dernière relève appel du jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à effectuer les travaux de voirie recommandés par M. E...et à l'indemniser des préjudices résultant des infiltrations constatées dans son immeuble ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

2. Considérant qu'en l'absence de texte exprès en ce sens il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à une autorité administrative ; que les conclusions de Mme A...tendant à ce qu'il soit ordonné à la commune de Tréguier de réaliser les travaux de voirie préconisés par M.E..., alors que l'intéressée n'est détentrice d'aucune décision juridictionnelle dont il lui serait légitime de demander l'exécution, n'entrent dans aucune des hypothèses d'injonction qui sont définies par les articles L. 911-1 à L. 911-4 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal par Mme A...ne sont pas recevables, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, et ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur la responsabilité de la commune de Tréguier :

3. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; que pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'il a subis, la victime doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les dommages, lesquels doivent présenter un caractère anormal et spécial ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage d'établir que ces dommages résultent de la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure ;

4. Considérant que Mme A...soutient que la commune de Tréguier est à l'origine des désordres constatés dans son immeuble dès lors que la place des Halles, dont elle est riveraine et qui absorbait auparavant naturellement les eaux de pluies, a été recouverte en 1990 d'un enrobé étanche sans que soit mis en place un dispositif de récupération et d'évacuation des eaux pluviales suffisamment efficace ; que, cependant, il ressort des deux rapports d'expertise judiciaire établis successivement en 2005 et 2008 que l'immeuble de MmeA..., qui est ancien, ne possède pas de fondations ni d'arase étanche susceptibles de faire obstacle aux remontées capillaires, et que la peinture de ravalement, le granit et les menuiseries de ses façades ne permettent pas davantage de limiter les infiltrations ; que les deux experts s'accordent également pour estimer qu'il ne peut être mis fin aux désordres que par la réalisation sur l'immeuble en litige des travaux préconisés afin d'assurer son étanchéité ; que, par suite, et quand bien même l'ancienne configuration de la place des Halles permettait une évacuation des eaux pluviales limitant l'impact sur l'immeuble de ses propres défauts d'étanchéité, les travaux de réaménagements entrepris par la commune en 1990 ne sauraient être regardés comme la cause directe des infiltrations constatées ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le dispositif d'évacuation des eaux pluviales mis en oeuvre par la commune en 1990 et amélioré après 2005 conformément aux préconisations du premier expert M. D...serait de nature à aggraver notablement les conséquences de l'absence d'étanchéité du bâtiment, les relevés du géomètre expert et les photographies produites au dossier démontrant que le trottoir et le massif situés le long de l'immeuble présentent une inclinaison adéquate vers le caniveau et la rue ; que si la réfection du trottoir existant, qui présente des fissures et donc une certaine porosité, avec des matériaux et des techniques de construction qui assurerait son étanchéité, pourrait, en effet et ainsi que le préconise le second expert M. E..., avoir un effet positif sur les infiltrations existantes, il ne saurait cependant être exigé de la collectivité responsable de l'ouvrage public qu'elle pallie les défauts des propriétés privées riveraines ; qu'il suit de là que la responsabilité sans faute de la commune de Tréguier ne peut être engagée à l'égard de MmeA... ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les frais d'expertise :

6. Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes à la somme totale de 4 106,85 euros, à la charge de Mme A...;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tréguier, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, la somme demandée par Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Tréguier ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de Mme A...pour un montant de 4 106,85 euros.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Tréguier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A...et à la commune de Tréguier.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02644
Date de la décision : 09/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : GUEGAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-09;15nt02644 ?
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