La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2017 | FRANCE | N°15NT02445

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 juin 2017, 15NT02445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...G...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Saint-Macaire-en Mauges à leur verser la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment subir du fait de la réalisation d'une aire de jeu pour enfant à proximité de leur domicile.

Par un jugement n° 1207618 du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a fait partiellement droit à leur demande en condamnant la commune de Saint-Macaire-en Mauges à leur verser la somme de 3 000 euros.<

br>
Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...G...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Saint-Macaire-en Mauges à leur verser la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment subir du fait de la réalisation d'une aire de jeu pour enfant à proximité de leur domicile.

Par un jugement n° 1207618 du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a fait partiellement droit à leur demande en condamnant la commune de Saint-Macaire-en Mauges à leur verser la somme de 3 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 août 2015, 15 septembre 2016 et 17 février 2017, M. et Mme C...G..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 juin 2015 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande ;

2°) de condamner la commune de Saint-Macaire-en Mauges à leur verser la somme totale de 45 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2012, ces intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Macaire-en Mauges de déplacer l'aire de jeu ou, à défaut, d'en interdire l'accès dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 233,34 euros, à la charge de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif de Nantes est entaché d'une omission à statuer car il ne se prononce pas sur leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de déplacer l'aire de jeux ou, à défaut, d'en interdire l'accès ;

- leur demande à fin d'injonction est fondée car le déplacement de l'aire de jeux est la seule façon de faire cesser les nuisances qu'ils subissent et est facilement réalisable compte tenu de la surface du parc ;

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée à leur égard parce qu'ils sont tiers par rapport à l'ouvrage public et qu'ils subissent un préjudice anormal et spécial ;

- contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, ils n'étaient pas et ne pouvaient pas être informés d'un projet d'installation d'une aire de jeu à proximité immédiate de leur maison lorsqu'ils ont signé le contrat de réservation de leur terrain en février 2001 ;

- la somme de 3 000 euros qui leur a été allouée est nettement insuffisante compte tenu de l'ampleur des nuisances qu'ils subissent, dument constatées lors de l'expertise ;

- compte tenu de ces nuisances, ils sont fondés à demander le versement de la somme de 30 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de leur maison ;

- à titre subsidiaire, ils sont fondés à rechercher la responsabilité pour faute de la commune dès lors que le maire a manqué à son obligation, prévue par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, de mettre fin aux troubles à l'ordre public.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 décembre 2015 et 1er décembre 2016 la commune de Saint-Macaire-en Mauges, désormais commune de Sèvremoine dans le cadre d'une commune nouvelle, représentée par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juin 2015 ;

3°) en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge des époux G...les dépens de l'instance ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de déplacement de l'aire de jeux, qui est nouvelle en appel, est irrecevable ;

- cette demande est également irrecevable dans la mesure où il n'appartient pas au juge administratif d'ordonner la démolition d'un ouvrage public régulièrement implanté ;

- les époux G...étaient en mesure d'avoir connaissance du classement en zone Nae du terrain communal situé en bordure de leur parcelle car celui-ci figure dans le plan d'occupation des sols de la commune depuis le 23 janvier 1985 ;

- le préjudice invoqué n'est ni spécial, dans la mesure où les requérants ne sont pas les uniques voisins de l'air de jeu, ni anormal, compte tenu du caractère occasionnel du dépassement des valeurs réglementaires d'émission sonores ;

- le préjudice invoqué ne résulte pas de l'existence même de l'ouvrage public mais de l'utilisation qui en est faite ;

- le maire n'a pas commis de faute en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police dès lors qu'il n'existe pas d'atteinte grave à la tranquillité publique.

Les parties ont été informées par une lettre du 8 février 2017 que l'affaire était susceptible, à compter du 15 mars 2017, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée 16 mars 2017 par une ordonnance du même jour en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté préfectoral du 5 octobre 2015 portant création de la commune nouvelle de Sèvremoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de MeH..., substituant MeA..., représentant M. et Mme G...et de MeD..., substituant MeB..., représentant la commune de Tréguier.

1. Considérant que M. et Mme G...ont acheté le 2 avril 2002 un terrain dans le lotissement " Résidence La Chênaie " situé sur le territoire de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges (Maine-et-Loire) et y ont fait construire une maison d'habitation ; qu'au cours de l'été 2005, la commune de Saint-Macaire-en-Mauges, propriétaire d'un terrain situé en bordure de ce lotissement, y a aménagé un parc public incluant une aire de jeu installée à une cinquantaine de mètres de la maison des consortsG... ; que ces derniers, gênés par le bruit occasionné par la fréquentation de cette aire de jeu, ont présenté une requête en référé expertise devant le président du tribunal administratif de Nantes, qui a désigné M. F...par une ordonnance du 29 septembre 2010 ; que le rapport d'expertise a été déposé le 19 décembre 2011 ; que, par un courrier du 4 juin 2012, les époux G...ont demandé à la commune réparation des préjudices résultant pour eux des troubles dans leurs conditions d'existence ainsi que de la perte de valeur vénale de leur propriété ; que leur demande a été rejetée par un courrier du 26 juillet 2012 ; que, par un jugement du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Saint-Macaire-en-Mauges à verser aux demandeurs une indemnité de 3 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des nuisances sonores résultant du fonctionnement de l'aire de jeu et a rejeté le surplus de leur demande ; que M. et Mme G...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions de première instance ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Saint-Macaire-en-Mauges, intégrée dans la commune nouvelle de Sèvremoine depuis le 15 décembre 2015 par l'effet de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 octobre 2015, demande à la cour d'annuler ce même jugement et de rejeter la demande présentée par les épouxG... ;

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges (Sèvremoine):

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

2. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; que pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'il a subis, la victime doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les dommages, lesquels doivent présenter un caractère anormal et spécial ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage d'établir que ces dommages résultent de la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain appartenant à la commune de Saint-Macaire-en-Mauges et bordant la propriété des requérants était, à la date à laquelle cette dernière a été acquise, classé en zone NAe, où la réalisation d'opérations à usage de loisirs, d'activités socio-culturelles et sportives est autorisée, par le plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 23 janvier 1985 ; que ce classement est demeuré identique dans le plan d'occupation des sols approuvé le 17 décembre 2001 ; qu'en outre, le plan joint au règlement du lotissement " Résidence La Chênaie ", annexé à l'arrêté municipal du 23 août 2001, faisait apparaître pour cette zone la mention " Espace de loisir communal " ; que, par suite, M. et Mme G...sont réputés avoir eu connaissance, lorsqu'ils ont signé l'acte de réservation du terrain en février 2001 puis l'acte de vente en avril 2002, d'un risque raisonnablement prévisible d'installation d'un équipement de loisir à proximité de leur future maison d'habitation ;

4. Considérant, par ailleurs, qu'il est constant que l'expert acousticien désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a mesuré le volume sonore généré par la fréquentation de l'aire de jeu faisant l'objet du litige le mercredi 24 août 2011 de 14h à 19h et le dimanche 2 octobre 2011, de 15h à 19h, soit dans les conditions les plus favorables à sa fréquentation ; qu'il a constaté que, le mercredi 24 août, le bruit émis n'avait pas dépassé le niveau d'émergence réglementaire et que, le dimanche 2 octobre, ce dépassement était d'1 dB(A) dans le salon, portes ouvertes, et de 2,4 dB(A) dans le jardin ; qu'il a indiqué que ce niveau de dépassement correspondait à " une légère gêne " et que le bruit n'excédait les valeurs réglementaires que lorsque plus d'une trentaine de personne se trouvaient sur l'aire de jeu ; que, par suite, et alors même que l'expert a indiqué dans ses conclusions que le fonctionnement de l'ouvrage est à l'origine d'une " gêne sonore incontestable " et constitue un " trouble anormal du voisinage ", il ne peut être regardé comme établi en l'espèce, compte tenu du caractère occasionnel du dépassement du niveau d'émergence sonore prévu par la réglementation et de son caractère modéré ainsi que de la nature et de la périodicité des bruits émis, que les inconvénients résultant de la fréquentation de l'aire de jeu excéderaient les sujétions qui peuvent être imposées sans indemnité aux riverains d'un ouvrage public, dans l'intérêt général ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que la présence de l'ouvrage litigieux était à l'origine d'un préjudice ouvrant droit à indemnisation au profit des époux G...sur le fondement de la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage ;

5. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur l'autre fondement de responsabilité invoqué par les requérants ;

6. Considérant que M. et Mme G...recherchent la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges en raison de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour faire cesser ou réduire les nuisances sonores résultant de l'utilisation de l'aire de jeu voisine de leur habitation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le fonctionnement de cet ouvrage public porterait une atteinte excessive à la tranquillité publique ou à la santé des riverains ; que, par suite, la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges en raison d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ne saurait être retenue ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Macaire-en-Mauges est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser la somme de 3 000 euros aux épouxG..., et que la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. et MmeG..., ainsi que les conclusions présentées par eux en appel, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation de M. et MmeG..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de ces derniers tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune de Saint-Macaire-en-Mauges de déplacer l'aire de jeu située à proximité de leur habitation doivent être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes à la somme totale de 6 233,34 euros, à la charge pour moitié de M. et Mme G...et pour moitié de la commune de Sèvremoine, venant aux droits de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sèvremoine (Saint-Macaire-en-Mauges), qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, la somme demandée par M. et Mme G...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme G...le versement à la commune d'une somme au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1207618 du 5 juin 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme G...devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées par eux devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés à la somme de 6 233,34 euros sont mis pour moitié à la charge de M. et Mme G...et pour moitié à la charge de la commune de Sèvremoine, venant aux droits de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Macaire-en-Mauges tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G...et à la commune de Sèvremoine, venant aux droits de la commune de Saint-Macaire-en-Mauges.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15NT02445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02445
Date de la décision : 09/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP ARES BOIS COLLET LEDERF-DANIEL LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-09;15nt02445 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award