Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Tours à verser à M. et MmeC..., d'une part, les sommes de 75 231 euros et de 63 354,05 euros, respectivement en qualité de représentants légaux de leur fille mineure E...et en leurs noms propres, en réparation des préjudices qu'ils ont subis à la suite des complications de l'intervention pratiquée le 5 février 2009 sur leur fille E...dans cet établissement, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts, et d'autre part, la somme de 4 092,94 euros en remboursement des frais de traduction officielle de la documentation médicale versée au dossier d'expertise.
Par un jugement n°1400613 du 4 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans a partiellement fait droit à leur demande en condamnant le centre hospitalier régional universitaire de Tours à leur verser la somme totale de 31 188,50 euros, ainsi que la somme de 80 428,51 euros au Fonds de sécurité sociale croate.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n°15NT02428 le 3 août 2015 M. et MmeC..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Tours à verser à Mme B... C...la somme de 75 231 euros, en tant que représentante de sa fille mineure, à M. et Mme C...la somme de 20 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral, à M. et Mme C...la somme de 6 620,05 euros au titre des frais d'hospitalisation restés à leur charge, à Mme B...C..., la somme de 16 734 euros au titre de ses pertes de salaires et de 4 092,24 euros au titre de frais de traduction ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Tours la somme de 3 600 euros à leur verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme 1 800 euros à verser au Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie au titre des mêmes dispositions.
Ils soutiennent que :
- la juridiction administrative française est compétente ;
- l'existence d'une faute médicale n'est pas contestable et l'expert désigné par le tribunal administratif est sans ambigüité sur ce point ; l'expert a écarté l'hypothèse d'un accident médical non fautif ;
- si le centre hospitalier régional universitaire de Tours conteste la compétence de l'expert dans cette instance, il aurait pu le faire utilement au cours des opérations d'expertise, ce dont il s'est abstenu ; le professeur Herbreteau aurait également pu assister à l'expertise pour faire valoir ses arguments scientifiques contradictoires, ce dont il s'est également abstenu ; le centre hospitalier régional universitaire de Tours avait également la possibilité de transmettre ses observations par un dire adressé à l'expert avant la remise du rapport d'expertise définitif ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas intégralement fait droit à leurs demandes indemnitaires, qu'ils réitèrent en appel.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 mai et 22 août 2016, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête des consorts C...et de l'appel incident du Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie.
Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. et Mme C...n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2016 le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie, représentés par MeF..., demande à la cour de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Tours à lui verser une somme de 19 548,79 euros en remboursement de ses débours exposés après le retour de la jeune E...C...en Croatie.
Les parties ont été informées par une lettre du 9 décembre 2016 que l'affaire était susceptible, à compter du 16 janvier 2017, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2017 par une ordonnance du même jour.
II. Par une requête sommaire enregistrée sous le n°15NT02458 le 5 août 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 24 septembre 2015, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, conclut à l'annulation du jugement du 4 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans et au rejet des demandes de M. et Mme C...et du Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie.
Il soutient que :
- dans son mémoire sommaire :
o le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal administratif a été saisi ;
o c'est à tort que le tribunal a retenu une faute dans la réalisation de l'acte médical de nature à engager sa responsabilité ; que c'est également à tort que la prétendue faute a été considérée comme étant à l'origine de l'intégralité du dommage ;
o c'est encore à tort que les premiers juges ont cru devoir faire droit aux conclusions du Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie alors que celui-ci n'a fourni aucun élément de droit justifiant sa subrogation ; le centre hospitalier régional universitaire de Tours ne pouvait être condamné à payer à ce fonds la somme de 80 428,51 euros ;
- dans son mémoire complémentaire :
o aucune faute n'a été commise lors de l'intervention du 5 février 2009 ; l'expert n'a pas pris en compte les dires de deux médecins du centre hospitalier universitaire de Tours excluant toute faute lors de l'intervention et estimant que les séquelles subies par E...C...résultaient d'un aléa thérapeutique ; aucune erreur de dosage de la concentration d'alcool absolu n'a été retenue, celle-ci n'était pas précisée dans le dossier médical et aucune recommandation médicale ne permet de connaître la dose appropriée qui aurait due être utilisée ; la démonstration de l'expert ne repose que sur les dires de Mme C...qui ne constituent pas une preuve du dosage utilisé ;
o la maladresse du praticien n'est pas plus établie ;
o le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie n'apporte la preuve ni de sa subrogation, ni de la justification des sommes qu'il demande et leur lien avec les soins en cause.
Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2015 le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie demande à la cour de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Tours à lui verser une somme supplémentaire de 19 548,79 euros en remboursement de ses débours exposés après le retour de la jeune E...C...en Croatie.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 novembre 2015 M. et MmeC..., représentés par MeF..., concluent :
1°) à la réformation du jugement du 4 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Tours à verser à Mme B...C...la somme de 75 231 euros, en tant que représentante de sa fille mineure, à M. et Mme C...la somme de 20 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral, à M. et Mme C...la somme de 6 620,05 euros au titre des frais d'hospitalisation restés à leur charge, à Mme B...C..., la somme de 16 734 euros au titre de ses pertes de salaires et de 4 092,24 euros au titre de frais de traduction ;
3°) à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Tours la somme de 3 600 euros à leur verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils reprennent les mêmes moyens que ceux qu'ils ont développés dans leur requête enregistrée sous le n°15NT02428 visée ci-dessus.
Les parties ont été informées par une lettre du 9 décembre 2016 que l'affaire était susceptible, à compter du 16 janvier 2017, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2017 par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que les requêtes n°15NT02428 de M. et Mme C...et n°15NT02458 du centre hospitalier régional universitaire de Tours sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que la jeune E...C..., ressortissante croate née le 12 mars 1998, a été adressée au centre hospitalier régional universitaire de Tours pour y subir une sclérothérapie d'un kyste anévrysmal du 2ème métatarsien du pied droit, après trois échecs thérapeutiques en Croatie ; que dans les suites de l'embolisation réalisée le 5 février 2009, une nécrose s'est développée au point de ponction sur le dos du pied, qui a nécessité une nouvelle admission de la patiente dans l'établissement hospitalier le 15 février 2009 ; que la jeune E...est restée hospitalisée en France jusqu'au 11 mai 2009 pour le traitement de la cicatrisation et a subi une gêne fonctionnelle importante justifiant pendant plusieurs mois l'usage d'un fauteuil roulant puis de cannes anglaises avant que son état ne soit estimé consolidé le 1er septembre 2011 après avoir été prise en charge dans un centre de lutte contre la douleur en Croatie ; que, saisi par Mme B...C..., mère de la jeuneE..., le tribunal administratif d'Orléans a ordonné une expertise confiée au docteur Chaussard qui a déposé son rapport au greffe du tribunal le 18 septembre 2013 ; que M. et MmeC..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille, ont adressé une réclamation indemnitaire préalable au centre hospitalier régional universitaire de Tours qui l'a rejetée ; que, par un arrêt du 5 février 2015, la cour a accordé aux consorts C...une provision totale de 13 250 euros ; que, par la voie de l'appel principal dans l'instance n°15NT02428 et de l'appel incident dans l'instance n°15NT02458, M. et Mme C...demandent la réformation du jugement du 4 juin 2015 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande d'indemnisation ; que, par la voie de l'appel principal également dans l'instance n°15NT02458, le centre hospitalier régional universitaire de Tours sollicite l'annulation de ce jugement du 4 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans en ce qu'il a été condamné à indemniser M. et Mme C...et le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie ; que le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie conclut pour sa part, dans les deux instances, à ce qu'une somme supplémentaire de 19 548,79 euros soit mise à la charge de l'établissement hospitalier en remboursement des débours exposés après le retour de la jeune E...C...en Croatie ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Tours :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif d'Orléans dans les conditions rappelées au point 2, que la nécrose à l'origine de l'infection subie par la jeune E...C...résulte " soit de l'utilisation d'une concentration trop importante de l'alcool absolu injecté pour scléroser le kyste anévrismal, soit d'une hyperpression lors de l'injection provoquant un reflux du produit qui aurait contaminé les tissus voisins, et que l'acte chirurgical en cause serait fautif pour l'une ou l'autre de ces raisons " ; que si le centre hospitalier régional universitaire de Tours fait valoir que l'intervention, réalisée par un spécialiste reconnu, est exempte de toute erreur fautive mais résulterait des conséquences inhérentes à ce type de geste caractérisant un aléa thérapeutique et ajoute que l'expert, qui a omis de prendre en compte le dire du Pr Herbreteau daté du 2 juillet 2013, aurait commis une erreur d'appréciation des faits, le courrier que ce praticien aurait adressé à l'expert après la réception du pré-rapport d'expertise, ne comporte toutefois aucune information circonstanciée sur l'intervention en litige, et n'est pas ainsi de nature à remettre en cause les conclusions ou les compétences de l'expert, le docteur Chaussard, qui a d'ailleurs précisé que " la complication survenue après l'injection d'alcool absolu n'est pas un aléa thérapeutique car il aurait pu être évité soit un injectant une concentration normale soit en injectant le produit avec plus de précaution. " ; qu'à cet égard, le professeur Herbreteau, qui a pratiqué le geste chirurgical en litige, indique lui-même que la nécrose est un risque connu et classique et qui ne peut ainsi être regardé comme remplissant la condition d'anormalité de l'accident médical ; qu'enfin, aucun des avis médicaux produits par le centre hospitalier régional universitaire de Tours sur la base du dossier médical incomplet qu'a fourni le centre hospitalier ne remet utilement en cause les conclusions de l'expertise ; que, c'est par suite, à bon droit que les juges de première instance ont estimé que le centre hospitalier régional universitaire de Tours avait commis une faute dans la réalisation de l'acte médical en litige de nature à engager son entière responsabilité, dès lors que l'établissement n'apporte pas la preuve que cette faute aurait seulement compromis les chances de jeune E...C...d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation ;
Sur l'évaluation des préjudices des consortsC...:
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des dépenses de santé
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une somme de 122,20 euros pour l'achat de chaussettes compressives prescrites par le centre hospitalier régional universitaire de Tours est restée à la charge des consorts C...; qu'ils sont, par suite, fondés à en obtenir le remboursement ;
S'agissant des pertes de revenus
6. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que Mme C...a dû réduire son activité professionnelle du 15 février 2009 au 28 février 2010 pour s'occuper de sa fille durant son hospitalisation en France et à son retour en Croatie ; que cette réduction d'activité résulte directement des complications de l'intervention subie par la jeune E...C...le 5 février 2009 ; que sur la base de l'attestation de son employeur établissant le montant des salaires qu'elle aurait dû percevoir durant cette même période, déduction faite des sommes versées par le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie au titre de l'indemnité pour congé maladie d'un enfant, Mme C...est fondée à obtenir l'indemnisation de ses pertes de salaires à hauteur de 3 346,80 euros ;
7. Considérant, en revanche, que si Mme C...s'est maintenue à mi-temps au-delà de cette date du 28 février 2010, il ne résulte pas de l'instruction que ce temps partiel, quand bien même il a été validé par le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie, présenterait un lien de causalité direct et certain avec la faute du centre hospitalier régional universitaire de Tours en litige ; qu'en effet, il résulte des différents éléments médicaux produits au dossier que la pathologie antérieure de la jeune E...C...et sa prise en charge se sont poursuivies au-delà de cette date sans aggravation du fait de l'intervention en litige ; qu'à cet égard, l'expert relève que la jeune E...C...était consolidée le 1er septembre 2011 et que le déficit fonctionnel temporaire de 2% dont elle reste atteinte ne justifie pas la présence de sa mère à ses côtés dans la proportion du mi-temps dont elle demande la compensation ;
S'agissant des autres dépenses
8. Considérant, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les parents de la jeune E...C...ont résidé en France du 15 février 2009 au 11 mai 2009 soit pendant la durée de son hospitalisation liée aux complications consécutives à la faute commise lors de l'embolisation pratiquée le 5 février 2009 ; qu'ils sont, par suite, fondés à obtenir le remboursement de la somme justifiée de 5 100 euros à ce titre ;
9. Considérant, d'autre part, que M. et Mme C...sont également fondés à obtenir le remboursement des trajets entre la Croatie et la France qu'ils ont engagés au titre de la seconde hospitalisation rendue nécessaire par la faute commise par le centre hospitalier régional universitaire de Tours ; que si le tribunal administratif d'Orléans a limité la somme accordée à ce titre au seul motif que Mme C...n'avait pas produit ses justificatifs de transport, il est toutefois constant qu'elle était aux côtés de sa fille du 15 février 2009 au 11 mai 2009, ainsi qu'en attestent les factures de l'accueil des familles des malades hospitalisés de Tours ; que, si le tribunal administratif d'Orléans n'a accordé que le remboursement d'un seul trajet en train entre Paris et Tours en raison de l'absence d'autres pièces justificatives, il n'est cependant pas contesté que les deux parents ont dus supporter les frais d'un aller-retour supplémentaire ; qu'il y a lieu, par suite, de porter à un montant de 584 euros la somme accordée au titre des frais de transport ;
10. Considérant, enfin, que M. et Mme C...établissent avoir supporté des frais de traduction du dossier médical de la jeune E...C...constitué en Croatie et que certains documents ayant été repris par l'expert désigné par le tribunal administratif d'Orléans, cette traduction a été utile à la résolution du présent litige ; qu'ils sont ainsi fondés à obtenir le remboursement de la somme de 4 092,94 euros justifiée à ce titre ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise que la jeune E...C...a subi, du fait des complications de l'intervention en litige, un déficit fonctionnel temporaire total de 85 jours lors de sa période d'hospitalisation du 15 février au 11 mai 2009, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % durant 156 jours du 12 mai au 15 octobre 2009, suivi d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % durant 441 jours du 16 octobre 2009 au 31 décembre 2010, et enfin un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % durant 243 jours du 1er janvier 2011 au 1er septembre 2011 ; qu'il y a lieu de faire une plus juste appréciation de la somme à laquelle les consorts C...peuvent prétendre à ce titre en portant la somme de 4 925 euros accordée par le tribunal administratif au montant de 6 731 euros, compte tenu d'un taux journalier de 20 euros ; que les souffrances endurées ayant été évaluées à 3 sur une échelle de 7, les premiers juges n'ont pas, en revanche, fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en allouant aux consorts C...la somme de 3 000 euros ; qu'il résulte également de l'instruction que la jeune E...C...a subi un préjudice esthétique temporaire qui s'est atténué de 3 à 1 sur une échelle de 7, entre le 5 février 2009 et le 1er septembre 2011 et qu'elle reste atteinte d'un préjudice esthétique permanent évalué à 1 sur cette même échelle de 7 ; qu'il y a lieu de porter à 2 000 euros et 1 500 euros les sommes respectives allouées par le tribunal administratif d'Orléans au titre de ces postes de préjudices esthétiques ; que l'expert a également retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 2 % en lien direct avec l'erreur médicale ; qu'il y a lieu de faire une plus juste appréciation de ce préjudice en portant la somme accordée aux intéressés par les premiers juges de 2 500 à 3 900 euros ; que si la jeune E...C...soutient qu'elle a souffert de troubles du sommeil et d'angoisse constituant pour elle un préjudice moral, ces souffrances, comprises dans le poste des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ne sauraient donner lieu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, à une indemnisation distincte ; que, de même, la jeune E...C...n'établissant l'existence d'aucun préjudice d'agrément spécifique qui ne serait pas compris dans ceux réparés au titre du déficit fonctionnel permanent, il n'y pas lieu de faire droit à la demande que M. et Mme C...présentent à ce titre ;
12. Considérant, en second lieu, que le père et la mère de la jeune E...C...ont subi un préjudice d'affection du fait des souffrances supplémentaires de leur fille en lien avec l'intervention en litige ; qu'il y a lieu, par une plus juste évaluation de ce préjudice, de ramener de 2 000 euros à 1 000 euros la somme à verser à chacun des deux parents ;
Sur les droits du Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie :
13. Considérant que, lorsque la victime d'un accident saisit la juridiction administrative pour obtenir réparation du préjudice subi en faisant état de son affiliation à une caisse de sécurité sociale, il incombe à la juridiction saisie de mettre en cause la caisse dans l'instance, que celle-ci soit au nombre des caisses mentionnées à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ou qu'elle ait son siège à l'étranger ; que, dans cette seconde hypothèse, il incombe d'abord au juge de vérifier s'il existe une convention internationale de sécurité sociale entre la France et l'État du siège de la caisse comportant des règles sur la subrogation des caisses dans les droits des personnes qui y sont affiliées ; qu'à défaut, il lui incombe d'inviter la caisse à lui indiquer si la loi de l'État dans lequel elle a son siège prévoit une telle subrogation et à lui fournir tous les éléments de droit relatifs à cette subrogation, avec leur traduction ; qu'il lui appartient alors de tirer les conséquences des éléments fournis ou, le cas échéant, de l'absence de réponse de la caisse, pour apprécier les droits de cette dernière à être subrogée dans les droits de la victime ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à défaut de convention internationale de sécurité sociale entre la France et la Croatie, le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie, invité par le tribunal administratif d'Orléans à indiquer la loi croate prévoyant sa subrogation dans les droits de ses assurés, a produit un courrier de son directeur du 15 avril 2015, traduit en langue française par un traducteur près de la cour d'appel d'Angers, qui retranscrit les dispositions de la loi croate sur l'assurance maladie obligatoire publiée au journal officiel n°80/13 et n°137/13 et en particulier ses articles 136 et 146 qui prévoient que le Fonds a l'obligation de réclamer l'indemnisation du dommage occasionné à la personne qui a provoqué la maladie, la blessure ou la mort de l'assuré, ainsi que les dispositions applicables de la loi croate sur les rapports d'obligation ; que ces dispositions sont de nature à apporter la preuve des droits du Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie à être subrogé dans ceux de la victime ;
15. Considérant, d'une part, qu'il résulte des différentes pièces comptables produites par le Fonds de sécurité sociale croate, que la somme de 18 525,69 kunas versée au centre hospitalier régional universitaire de Tours le 29 janvier 2009, correspond aux frais d'hospitalisation liés à l'intervention d'embolisation pratiquée le 5 février 2009 nécessitée par l'état de la jeune E...C...après trois échecs thérapeutiques en Croatie ; que ce Fonds n'est, par suite, pas fondé à en solliciter le remboursement ; que, d'autre part, il ressort des mêmes pièces comptables que la somme de 589 516,05 kunas a fait l'objet d'un virement au centre hospitalier régional universitaire de Tours le 29 septembre 2009 ; que ce versement de 80 425,11 euros, correspond nécessairement aux frais hospitaliers engagés du 15 février au 11 mai 2009 pour la jeune E...C..., laquelle ne relevait d'aucun organisme de sécurité sociale en France, et sont imputables à la nécrose en litige ; que, par suite, le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie est ainsi fondé à en solliciter le remboursement alors, au surplus, que le centre hospitalier régional universitaire de Tours ne conteste ni avoir perçu cette somme ni ne démontre qu'elle ne correspondrait pas aux soins qu'il a facturés en raison de la prise en charge de la jeune E...C...; qu'enfin, si le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie demande une somme de 19 548,79 euros au titre de soins prodigués à la jeune E...C...après son retour en Croatie, il n'apporte la preuve ni de la réalité des débours exposés ni de leur lien avec la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier régional universitaire de Tours ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il n'était ainsi pas fondé à obtenir le remboursement de cette somme supplémentaire ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à demander que l'indemnité de 14 397,20 euros que le tribunal administratif d'Orléans leur a accordé en leur qualité de représentants légaux de leur fille E...soit portée au montant de 17 253,20 euros ; que le centre hospitalier régional universitaire de Tours est, pour sa part, fondé à demander que l'indemnité de 16 791,30 euros que le tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser à M. et Mme C...au titre de leurs préjudices personnels, soit ramenée à 15 123,57 euros ; qu'il y a lieu de déduire respectivement de ces montants les provisions de 9 000 euros et 4 250 euros précédemment accordées par la cour ; qu'il y a lieu, de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans, qui est suffisamment motivé ; que le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie n'est, quant à lui, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans n'a pas accueilli la totalité de sa demande ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
17. Considérant que M. et Mme C...ont droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités de 17 253,20 euros et 15 123,57 euros à compter du 17 février 2014 date de réception de leur demande préalable par le centre hospitalier régional universitaire de Tours ;
18. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 19 février 2014 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 19 février 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les frais et honoraires d'expertise :
19. Considérant qu'il y a lieu de maintenir à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Tours les frais d'expertise liquidés et taxés par une ordonnance du président du tribunal administratif d'Orléans en date du 1er octobre 2013, à la somme de 1 738 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Tours la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et MmeC... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 14 397,20 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Tours à verser M. et Mme C...en leur qualité de représentants légaux de leur fille E...est portée au montant de 17 253,20 euros. La somme de 16 791,30 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné ce même centre hospitalier à verser M. et Mme C...en leur nom propre est ramenée à 15 123,57 euros. Les montants des provisions de 9 000 euros et 4 250 euros précédemment accordées par la cour sont déduites de ces sommes, lesquelles sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2014. Les intérêts échus à la date du 19 février 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La requête présentée par le centre hospitalier régional universitaire de Tours sous le n°15NT02458, le surplus des conclusions de la requête présentée les consorts C...sous le n°15NT02428 et les conclusions présentées par le Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie dans ces deux requêtes sont rejetées.
Article 3 : Les frais de l'expertise liquidés et taxés par une ordonnance du président du tribunal administratif d'Orléans en date du 1er octobre 2013 à la somme de 1 738 euros sont laissés à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Tours.
Article 4 : Le jugement n° 1400613 du tribunal administratif d'Orléans du 4 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le centre hospitalier régional universitaire de Tours versera à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Mme E...C..., à M. A...C..., au Fonds de sécurité sociale de la République de Croatie et au centre hospitalier régional universitaire de Tours.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juin 2017.
Le rapporteur,
F. Lemoine
Le président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02428, 15NT02458