Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de la Remaudière a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de prescrire une expertise en vue de constater et de décrire l'état d'avancement des travaux et d'évaluer le montant des travaux relatifs à la construction d'une salle municipale de loisirs, d'une bibliothèque et d'une salle de réunion.
Par une ordonnance n°1508946 du 15 février 2016, le président du tribunal administratif de Nantes, statuant en référé, a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 février et 26 avril 2016, la commune de La Remaudière, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 15 février 2016 ;
2°) d'ordonner une expertise en vue de constater et de décrire l'état d'avancement des travaux et d'évaluer le montant des travaux relatif à la construction d'une salle municipale de loisirs, d'une bibliothèque et d'une salle de réunion, dans le contexte du règlement financier litigieux des marchés, annulés sur déféré du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) de mettre à la charge de la société Couverture et Bardage Guesneau le versement d'une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière faute pour le juge des référés d'avoir prononcé la clôture de l'instruction avant de rendre sa décision ;
- c'est à tort que le juge des référés a estimé que l'expertise demandée ne présentait pas un caractère utile au motif qu'elle posait des questions de droit ; l'expertise demandée est utile pour que le juge saisi de référés provisions puisse se prononcer, malgré les demandes contradictoires des entreprises et les incertitudes sur les prestations effectivement réalisées ou sur leur marge nette ;
- l'expertise est également utile au regard de la possible action récursoire de la commune à l'encontre du maître d'oeuvre pour défaut de conseil, et des entreprises qui auraient commis des manquements à son égard.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2016, la société Cabinet Fidelia Consulting /Conseil privé public, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de La Remaudière la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle doit être mise hors de cause dans l'expertise sollicitée, dès lors qu'elle n'est titulaire d'aucun contrat de louage d'ouvrage avec la commune de La Remaudière et que les marchés litigieux ont été conclus avant la conclusion de sa mission d'assistance le 11 janvier 2014, et elle n'entend aucunement assister la commune dans la résolution du présent litige.
Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2016, la société Couverture et Bardage, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de La Remaudière la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expertise demandée ne présente aucun caractère utile ;
- le marché dont elle a été attributaire a été exécuté à 96,83% et que la commune n'est plus redevable à son égard que de la somme de 4 501,87 euros en règlement de la situation n°6.
Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2016, la société ECB, représentée par MeG...'h, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que l'expertise ne présente pas d'utilité et précise que le marché de maîtrise d'oeuvre n'a pas été annulé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 avril et 10 août 2016, la société Delaunay, la société Veron Diet, la société EGC, la société Maleinge, la société Sati, la société ASTP 49 et la société TCS, représentées par le cabinet Papin, concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de la commune de La Remaudière le versement à chacune d'elle d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'une somme de 1 000 euros pour recours abusif.
Elles soutiennent que :
- l'expertise demandée n'est d'aucune utilité dès lors d'une part que les dommages sont évalués : la société Maleinge (qui n'a effectué aucune prestation) et les sociétés Veron Diet, Delaunay et Brodu (qui ont été intégralement payées, sauf pour la dernière, la retenue de garantie) demandent l'indemnisation de leur manque à gagner et leur mise hors de cause dans le référé instruction ; les réclamations des sociétés ASTP 49, Sati, EGC et TCS ont donné lieu à des certificats de paiement établis par le maître d'oeuvre attestant de la réalisation des travaux restant à payer ;
- l'expertise n'est pas utile dès lors d'autre part, que la cause et les origines des travaux sont connues : il s'agit du marché décidé par le conseil municipal de la commune de La Remaudière ;
- l'expertise n'est pas utile dès lors, enfin, que les entreprises n'ont commis aucune imprudence fautive : elles n'avaient pas les moyens d'apprécier l'illégalité du marché et elles n'avaient aucun devoir de conseil au maître d'ouvrage quant à la définition de ses besoins ;
- il ne peut être sérieusement soutenu que l'expertise permettrait de pallier le défaut de production de pièces par une des parties au référé-provision introduit par ailleurs.
Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2016, la société Atelier Triton et la société Batel, représentées par la SELARL Claire Livory, déclarent former toutes protestations et réserves d'usage sur l'expertise demandée.
Une mise en demeure a été adressée le 24 août 2016 à Me F...et aux sociétés Legendre Ouest, DB Accoustic, et Mutuelle des Architectes français Assurances.
Par ordonnance du 27 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant la commune de La Remaudière.
Une note en délibéré présentée pour la commune de La Remaudière a été enregistrée le 24 mai 2017.
1. Considérant que, dans le cadre du projet de construction d'un ensemble immobilier à usage de salle de loisirs, bibliothèque et salle de réunion, la commune de La Remaudière a conclu, selon la procédure adaptée, seize marchés de travaux, pour un montant global de 2 264 709,58 euros HT, qui ont été signés entre le 30 mai 2013 et le 4 mars 2014 ; qu'après la transmission de ces contrats au contrôle de légalité, intervenue le 11 juillet 2014, le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au maire de la commune de La Remaudière, par lettre du 6 octobre 2014, de procéder à la résiliation de ces marchés ; que le refus du maire a conduit le préfet de la Loire-Atlantique à déférer au tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, les seize marchés conclus ; que par un jugement du 27 mars 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Nantes a prononcé l'annulation de ces marchés au motif, qu'au regard des capacités contributives de ses 1 200 habitants et de l'importance du projet, développant une surface utile de 1 000m2, la commune de La Remaudière avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses besoins ; que, par la présente requête, la commune de La Remaudière relève appel de l'ordonnance du 15 février 2016 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes, statuant en référé, a rejeté sa demande de prescrire une expertise en vue de constater et de décrire l'état d'avancement des travaux et d'évaluer leur montant aux fins de déterminer les dommages qui auraient été subis par chaque entrepreneur et par elle-même en raison de la passation des marchés irrégulièrement conclus ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : "L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence" ; qu'aux termes de l'article R. 532-2 du même code : " Notification de la requête présentée au juge des référés est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixation d'un délai de réponse. " ;
3. Considérant que la commune de la Remaudière soutient que l'ordonnance attaquée serait irrégulière dès lors que le juge des référés a pris sa décision sans avoir préalablement procédé à la clôture de l'instruction en application des dispositions des articles R. 611-1 et R. 613-2 à R. 613-4 du code de justice administrative ; que, toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables au référé, dont la procédure est régie par les dispositions du livre V du code de justice administrative ; qu'ainsi, et alors qu'il n'est ni établi ni même allégué que la procédure suivie devant le juge des référés n'aurait pas été conforme aux dispositions précitées au point 2, l'ordonnance attaquée n'est pas entachée de l'irrégularité invoquée ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction " ; que l'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir ;
5. Considérant, s'agissant de la perspective d'action contentieuse, que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'il peut à ce titre demander le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
6. Considérant que la commune de La Remaudière demande qu'il soit procédé à une expertise à l'effet d'établir, d'une part, le montant des préjudices financiers subis par les entreprises cocontractantes et, d'autre part, ses propres créances à l'égard du maître d'oeuvre et des entreprises dans le cadre d'une action récursoire pour défaut de conseil ; qu'elle demande à cette fin que l'expert, premièrement, procède à un constat des travaux exécutés avant l'interruption du chantier et en dresse un relevé et un calendrier précis, deuxièmement, détermine les causes et origines des travaux exécutés pour le compte de la commune, et troisièmement, apporte au juge tous éléments utiles pour apprécier les responsabilités encourues et l'étendue des préjudices ;
7. Considérant, d'une part, que la chronologie des travaux ayant fait l'objet des marchés annulés peut être appréhendée au moyen des planning d'exécution et ordres de services délivrés par le maître d'oeuvre et que l'étendue et le montant des travaux effectués à la date de l'annulation des contrats peut être déterminée notamment à partir des certificats de paiement établis par les entreprises et validés par le maître d'oeuvre ; que, dans les écritures de la commune requérante, il n'est pas établi, ni même sérieusement allégué, que la collectivité maître d'ouvrage ne disposerait pas des documents d'exécution des marchés permettant d'évaluer l'état de la réalisation des prestations prévues par chacun d'eux ; que, dès lors, l'expertise demandée à l'effet de recenser les travaux exécutés ne présente pas un caractère utile ;
8. Considérant, d'autre part, que l'appréciation du caractère utile pour la collectivité des dépenses exposées, l'existence de fautes commises par les entrepreneurs et susceptibles de donner lieu le cas échéant à un partage de responsabilités, ou la détermination d'une perte de bénéfice imputable à la nullité du contrat, soulèvent des questions de droit qui ne peuvent relever de la mission de l'expert ; que, par suite, ledit expert ne saurait se substituer aux entreprises ayant conclu les contrats annulés pour déterminer la nature du ou des préjudices invocables par ces dernières en conséquence des dommages qui leur ont été causés ; qu'il s'ensuit que l'expertise demandée, en tant quelle a pour objet de déterminer le montant des préjudices financiers subis par les entreprises cocontractantes ou les créances que la commune de La Remaudière estime détenir à l'égard du maître d'oeuvre et des entreprises dans le cadre d'une action récursoire pour défaut de conseil, est également dépourvue d'utilité ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Remaudière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nantes, statuant en référé, a rejeté sa demande ;
Sur l'amende pour recours abusif :
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que, la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions des sociétés Delaunay, Veron Diet, EGC, Maleinge, Sati, ASTP 49 et TCS, tendant à ce que la commune de La Remaudière soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais exposés à l'occasion de la présente instance non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La Remaudière est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés Delaunay, Veron Diet, EGC, Maleinge, Sati, ASTP 49 et TCS tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Cabinet Fidelia Consulting /Conseil privé public, la société Couverture et Bardage, la société Delaunay, la société Veron Diet, la société EGC, la société Maleinge, la société Sati, la société ASTP 49, la société ADM Brodu et la société TCS, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Remaudière, à la société Maleinge, à la société Sati, à la société Delaunay, à la société TCS, à la société Veron Diet, à la société EGC, à la société ASTP 49, à la société ADM Brodu, à la société Legendre ouest, à la société couverture et bardage Guesneau, à la société atelier Triton, à la société Batel, à la société ECB, à la société DB acoustic, à Me A...F..., mandataire judiciaire de la société atelier Triton, à la MAF, et au cabinet Fidelia consulting.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°