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07/06/2017 | FRANCE | N°16NT00429

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 juin 2017, 16NT00429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de Trévières a demandé au tribunal administratif de Caen, en premier lieu, de condamner la société Sogeti Ingénierie à lui verser la somme de 1 511 528,23 euros, indexée sur l'indice TP 01, au titre des travaux de reprise et des préjudices subis sur les bassins des trois stations d'épuration construites sur les communes de Vierville-sur-Mer, Saint-Laurent-sur-Mer et Sainte-Honorine-des-Pertes, en deuxième lieu, de condamner in solidum la société Nantaise des eaux services à

lui verser la somme de 1 478 171,14 euros, et en troisième et dernier lieu, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de Trévières a demandé au tribunal administratif de Caen, en premier lieu, de condamner la société Sogeti Ingénierie à lui verser la somme de 1 511 528,23 euros, indexée sur l'indice TP 01, au titre des travaux de reprise et des préjudices subis sur les bassins des trois stations d'épuration construites sur les communes de Vierville-sur-Mer, Saint-Laurent-sur-Mer et Sainte-Honorine-des-Pertes, en deuxième lieu, de condamner in solidum la société Nantaise des eaux services à lui verser la somme de 1 478 171,14 euros, et en troisième et dernier lieu, de condamner la société Sogeti Ingénierie à lui verser les sommes de 49 954,50 euros TTC et 4 114,24 euros TTC au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1400087 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen, en premier lieu, a condamné in solidum la société Sogéti Ingénierie et la société Nantaise des eaux services à verser à la communauté de communes de Trévières la somme de 290 225 euros TTC au titre de la reprise des désordres affectant les bassins des trois stations d'épuration construites sur les communes de Vierville-sur-Mer, Saint-Laurent-sur-Mer et Sainte-Honorine-des-Pertes et condamné en outre la société Sogéti Ingénierie à verser à la communauté de communes de Trévières la somme de 1 160 900,21 euros TTC au titre des mêmes désordres, en deuxième lieu, a mis à la charge de la société Sogéti Ingénierie la somme de 49 954,50 euros TTC au titre des honoraires dus à M.F..., expert, et la somme de 4 114,24 euros TTC au titre des honoraires de son sapiteur, M.B..., en troisième lieu, a condamné la société Prodireg à garantir la société Sogéti Ingénierie du versement à la communauté de communes de Trévières de la somme de 1 160 900,21 euros TTC et du paiement des frais et honoraires d'expertise, en quatrième lieu, a condamné la société Nantaise des eaux services à garantir la société Sogeti Ingénierie du versement des sommes dues au titre des frais et honoraires d'expertise à hauteur de 20 %, en cinquième lieu, a mis à la charge des sociétés Sogéti Ingénierie et Nantaise des eaux services le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à la communauté de communes de Trévières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a condamné la société Prodireg à garantir la société Sogéti ingénierie du versement de cette somme, en dernier lieu, a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2016, la société Sogeti Ingenierie, représentée par MeE..., demande à la cour :

à titre principal :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 novembre 2015 en ses articles 1, 2, 4, 5 et 6 ;

2°) de rejeter les demandes de la communauté de communes de Trévières ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Trévières la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

à titre subsidiaire :

4°) de réduire à la somme de 20 700 euros TTC le montant des condamnations au titre des travaux de reprise du défaut de bullage ;

5°) en tout état de cause, de réduire à de plus justes proportions les condamnations au titre de la reprise des désordres eu égard à l'enrichissement sans cause du maître d'ouvrage ;

6°) de condamner la société Nantaise des eaux services à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle ;

7°) de mettre à la charge de la société Nantaise des eaux services la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la communauté de communes de Trévières n'était pas recevable faute d'habilitation de son président pour agir en justice ;

- le seul désordre à caractère décennal est constitué par les infiltrations et fuites des bassins vers le milieu naturel, causées d'une part par les trous percés dans la géomembrane par les ragondins, dont la prolifération témoigne d'un défaut d'entretien par la société Nantaise des eaux, exploitant, et d'autre part par des défauts de soudure ponctuels de la géomembrane, défauts d'exécution des travaux imputables au sous-traitant de la société Dehe TP, la société Prodireg ;

- le bullage observé en surface des bassins n'est que la conséquence du désordre précédent, les eaux polluées passées sous la membrane fermentant, et ne constitue pas par lui-même un désordre de nature décennale ; un système de dégazage, dont l'absence est reprochée à l'appelante, n'aurait pu éviter le désordre précité et aurait au contraire permis de le masquer ; en tout état de cause, ce système de dégazage n'était prévu qu'à titre de variante et le maître d'ouvrage a renoncé à ce coût supplémentaire ;

- les causes du désordre lui étaient étrangères : on ne saurait, d'une part, lui imputer un défaut de surveillance s'agissant des soudures manuelles ponctuellement défectueuses de la géomembrane, et d'autre part, les échelles à rongeurs étaient bien prévues au marché et ont été exécutées ; dès lors la société Sogeti Ingénierie n'a aucune responsabilité décennale à l'égard du maître d'ouvrage ;

- les premiers juges ont écarté à bon droit sa responsabilité contractuelle ;

- la somme de 1 478 171,14 euros TTC préconisée par l'expert correspond à une réfection totale des ouvrages et est destinée à mettre fin à des désordres auxquels la société Sogeti Ingenierie est étrangère ;

- pour mettre fin au bullage, seul susceptible de lui être reproché, il est possible de mettre en place des soupapes d'évacuation, pour un coût de 2 500 euros HT par lagune, soit pour les 8 lagunes concernées, une somme de 20 700 euros TTC ;

- plusieurs des prestations préconisées par l'expert emportent enrichissement sans cause du maître d'ouvrage, à hauteur de 522 469,01 euros TTC ; d'autres prestations prévues sont inutiles, à hauteur de 58 807,32 euros TTC, et de 70 967,95 euros concernant la reprise du bassin n° 4 de la station de Ste Honorine des Pertes, non affectée par le bullage ;

- la garantie par la société Prodireg, sous-traitant, lui reste acquise ;

- la société Nantaise des eaux, exploitant, a commis une faute contractuelle en laissant proliférer les ragondins.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2016 et le 15 mai 2017, la communauté de communes de Trévières, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la société Nantaise des eaux service.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Sogeti Ingenierie et par la société Nantaise des eaux service ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2016, la SARL Prodireg, représentée par MeG..., administrateur judiciaire, indique que, par jugement du 8 novembre 2013, le tribunal de commerce de Chambéry a clôturé la procédure du plan de redressement de la société pour exécution du plan de cession.

Une mise en demeure a été adressée le 24 août 2016 à MeH..., ès qualités de mandataire judiciaire, liquidateur de la société Dehe TP.

Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2017, la société Nantaise des Eaux Services (NDES), représentée par MeD..., demande à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 26 novembre 2015 et de rejeter toutes les demandes formulées à son encontre, à titre subsidiaire, de réformer le jugement et de limiter la réparation mise à sa charge à la somme de 7 000 euros correspondant au 1/6ème du coût de réfection des membranes du bassin n°4 de la station de Vierville-sur-Mer et du bassin n°2 de la station de Sainte Honorine-des- Perthes, en toute hypothèse, de mettre à la charge de la société Sogeti Ingénierie et subsidiairement de la communauté de communes de Trévières la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

à titre principal :

- elle est totalement étrangère aux désordres : les rongeurs ne sont pas à l'origine des bullages constatés, leur présence et a fortiori leur proportion anormale sur le site n'a pas été constatée par l'expert, et la communauté de communes de Trévières n'a d'ailleurs pas donné suite au devis établi pour la mise en place d'une clôture électrique, et elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, le contrat d'affermage ne lui faisant en tout état de cause aucune obligation d'élimination des rongeurs ;

- le maître d'ouvrage a commis une faute qui a contribué à la survenance des désordres en refusant le devis établi par la société Dehe TP pour la mise en place d'un système de drainage ;

à titre subsidiaire :

- le pourcentage de responsabilité de 20% retenu à son encontre est excessif ; dès lors que la présence de ragondins n'a été estimée probable que dans les bassins n°4 de la station de Vierville-sur-Mer et n°2 de celle de Sainte-Honorine-des-Pertes, elle ne saurait être tenue que très partiellement responsable des travaux de reprise des désordres concernant ces seuls ouvrages, à hauteur de un sixième de la somme de 41 536 euros, soit la somme de 7 000 euros.

Un mémoire produit pour la société Sogeti Ingenierie a été enregistré le 17 mai 2017 mais n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que par acte d'engagement du 19 mai 1999, notifié le 11 juin suivant, le syndicat pour l'assainissement du littoral du canton de Trévières (Calvados), au droit duquel vient la communauté de communes de Trévières, a confié à la société Sogeti ingénierie la mission de maîtrise d'oeuvre pour la construction de trois stations d'épuration sur les communes de Vierville-sur-Mer, Saint-Laurent-sur-Mer et Sainte-Honorine-des-Pertes ; que les travaux d'exécution du système de lagunage, chaque station de traitement devant être constituée de quatre bassins qualifiés de " lagunes " et tapissés d'une géomembrane, ont été confiés par un marché du 1er avril 2000 à la société Dehe TP, laquelle par un contrat du 15 janvier 2001 a sous-traité à la société Prodireg la fourniture et la mise en oeuvre des géomembranes sur géotextiles anti-poinçonnant ainsi que la mise en oeuvre d'échelles d'accès et d'échelles à rongeurs ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 27 juin 2003 ; que l'exploitation de ces stations a été confiée par contrat d'affermage du 3 août 2001 à la société Soaf environnement, au droit de laquelle vient la société nantaise des eaux services (NDES) ; qu'à la suite de la mise en service de l'installation d'épuration, des phénomènes de bullage sont apparus sur différents bassins qui ont mis en évidence des fuites d'eaux résiduaires des lagunes ; que par un jugement du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a jugé qu'étaient engagées d'une part, la responsabilité contractuelle de l'exploitant, au motif qu'en vertu des articles 2, 4 et 64 du contrat d'affermage du 3 août 2001 il lui incombe de veiller à maintenir l'environnement du site dans des conditions permettant un bon fonctionnement de l'ouvrage et qu'à ce titre il était tenu notamment de réguler la faune nuisible aux installations ou d'informer la collectivité délégante de ce besoin, d'autre part, la responsabilité du maître d'oeuvre, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, à hauteur respectivement de 20 % et 80 % ; que, par l'article 1er de son jugement, le tribunal a condamné, au titre de la reprise du défaut d'étanchéité affectant les bassins des trois stations d'épuration, d'une part, la société nantaise des eaux services et la société Sogéti Ingenierie, in solidum, à verser à la communauté de communes la somme de 290 225 euros TTC, d'autre part, la seule société Sogeti Ingenierie à verser à la communauté de communes la somme de 1 160 900,21 euros TTC ; que, par l'article 2, le tribunal a mis les frais d'expertise, s'élevant à 49 954,50 euros TTC pour l'expert et 4 114,24 euros TTC pour son sapiteur, à la charge définitive de la société Sogeti Ingenierie ; que, par l'article 3, le tribunal a condamné la société Prodireg à garantir en totalité la société Sogeti Ingenierie du versement à la communauté de communes maître d'ouvrage de la somme de 1 160 900,21 euros TTC et du paiement des frais et honoraires d'expertise ; qu'enfin le tribunal, par l'article 4, a condamné la société nantaise des eaux services à garantir la société Sogeti Ingenierie à hauteur de 20 % du paiement des frais d'expertise et, par l'article 5, a mis à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et condamné la société Prodireg à garantir la société Sogéti ingénierie du versement de cette somme ; que la société Sogeti Ingenierie relève appel de ce jugement et en demande l'annulation à l'exception de l'article 3 ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune " ; qu'en vertu de ces dispositions, rendues applicables à l'établissement public de coopération intercommunale par l'article L. 5211-1 du même code, le président de la communauté de communes de Trévières devait, à défaut de disposer d'une délégation du conseil communautaire valable pour la durée de son mandat sur le fondement des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22 dudit code, établir qu'il avait reçu mandat du conseil communautaire pour former un recours devant le tribunal administratif ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une délibération du 10 octobre 2011 relative au litige l'opposant à la société Sogeti Ingénierie, le conseil communautaire a constaté la nécessité d'engager une procédure judiciaire suite aux désordres affectant les systèmes de lagunage des stations d'épuration de Vierville-sur-Mer, Saint-Laurent-sur-Mer et Sainte-Honorine-des-Pertes et de se faire représenter par un avocat, et a décidé en conséquence d'autoriser son président à exercer une action en référé et à représenter l'établissement public devant l'ensemble des juridictions administratives ; que compte tenu des termes très généraux de cette délibération, le conseil communautaire doit être regardé comme ayant ainsi entendu donner mandat au président pour agir en justice et défendre les intérêts communautaires devant le juge administratif, non seulement devant le juge des référés mais également devant les juges du fond, pour obtenir réparation des désordres en cause ; qu'en tout état de cause, le conseil communautaire a, par une nouvelle délibération du 30 septembre 2015, postérieure à l'introduction de la demande, autorisé son président à solliciter l'avocat pour continuer à défendre les intérêts de la communauté de communes et à poursuivre l'action en justice ; que dans ces conditions, la fin de non recevoir tirée du défaut d'habilitation du président de la communauté de communes de Trévières en première instance ne peut qu'être écartée ;

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne la responsabilité de la société Sogeti Ingenierie :

4. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que les constructeurs ne peuvent s'exonérer qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage ;

5. Considérant que le défaut d'étanchéité se manifestant par les bullages affectant les stations d'épuration résulte d'un apport d'eaux résiduaires issues des fuites des lagunes les plus chargées, lesquelles fermentent et produisent du biogaz soulevant la membrane ; que ces désordres, qui dans les trois stations d'épuration se manifestent par le rejet d'eaux usées dans le milieu naturel, rendent les ouvrages impropres à leur destination et rentrent ainsi dans le champ de la garantie décennale des constructeurs ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que ces désordres ont pour causes, d'une part, un défaut de conception du maître d'oeuvre, qui n'a envisagé un système de dégazage qu'à titre d'option et a écarté la préconisation de la société Dehe TP et de son sous-traitant de poser des grilles de dégazage entre la membrane et le géotextile anti-poinçonnant, d'autre part, le défaut de contrôle et surveillance des travaux par le maître d'oeuvre, pourtant en charge d'une mission complète, enfin, les défauts d'exécution des travaux par l'entreprise Prodireg, en particulier les défauts affectant les soudures manuelles des géomembranes et la mise en oeuvre des colliers de serrage ; qu'il résulte également de l'instruction que ces désordres ont été aggravés par la prolifération des ragondins, rendue possible par le défaut d'entretien par la société nantaise des eaux services, en charge de l'exploitation des ouvrages, ainsi que par l'absence de dispositifs spécifiques permettant d'éviter les dégradations commises par ces animaux ; que dans ces conditions, la société Sogeti Ingénierie n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait totalement étrangère à la survenance des désordres et qu'elle devrait être mise hors de cause ;

En ce qui concerne la réparation :

S'agissant de l'évaluation des préjudices :

6. Considérant que si les travaux de reprise nécessitent la réalisation de prestations qui n'étaient pas prévues par le marché initial et qui apportent à l'ouvrage une plus-value, celle-ci doit être déduite du montant de l'indemnisation due au maître d'ouvrage, même si la réalisation de ces prestations est le seul moyen de remédier aux désordres ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, le bullage a pour origine les infiltrations d'eaux usées par les défauts d'étanchéité des membranes affectant l'ensemble des bassins et que, par suite, seule une reprise de l'étanchéité de tous les bassins est de nature à mettre fin à ce désordre ; que la société Sogeti Ingénierie n'est dès lors pas fondée à soutenir que la pose de soupapes d'évacuation des gaz, pour un coût maximal de 20 700 euros TTC pour huit des douze lagunes en cause, constituerait une réparation suffisante ;

8. Considérant que l'expert a préconisé, outre la reprise de l'étanchéité des membranes dans tous les bassins, la mise en place d'un système de dégazage et d'un système de drainage des eaux, pour un coût total de travaux de 1 478 171,14 euros TTC, ainsi que l'installation de clôtures enterrées électriques destinées à empêcher les intrusions de rongeurs pour un coût de 6 493,94 euros TTC ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le CCTP ne prévoyait la fourniture et pose de grilles de drainage des gaz entre le géotextile et la membrane sur 20% de la surface totale qu'à titre d'option ou plus-value et qu'aucun système de drainage des eaux n'avait davantage été prévu ; que d'ailleurs, l'expert indique lui-même à la page 22 de son rapport qu'il n'a pas fait chiffrer une réfection à l'identique car les ouvrages initialement prévus présentaient " des défauts notoires " et que parmi les prestations proposées dans le devis de travaux de reprise de la société BHD Environnement figurent les compléments indispensables que sont la réalisation d'un réseau de drainage des eaux et la mise en place d'un géocomposite drainant avec des évents ; que l'addition, dans ces devis admis par l'expert, de l'ensemble des lignes " Confection d'un réseau de drainage des eaux " et " Fourniture et pose d'un géocomposite drainant + Events " " pour chacun des quatre bassins des trois stations d'épuration représente une plus-value totale de 456 720,52 euros TTC qui doit être déduite du montant de la réparation due à la collectivité maître d'ouvrage ;

9. Considérant qu'il y a lieu de faire droit, pour les mêmes motifs, à la demande de réduction d'une somme de 3 125,93 euros TTC au titre de la plus-value résultant du remplacement des membranes PEHD 10/10, seules prévues par l'article 26 du CCTP du marché initial, par des membranes 15/10 prévues au devis de la société BHD Environnement et constituant selon l'expert le minimum nécessaire pour assurer l'étanchéité des bassins ;

10. Considérant, en revanche, que le coût de la dépose des ouvrages existants et du réseau et le coût de fourniture et de pose des ouvrages et du réseau pour les liaisons inter bassins, représentant un montant de 58 807,32 euros TTC ne peuvent être déduits de l'indemnisation du coût de reprise des désordres dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les ouvrages à déposer pourraient rester en place sans faire obstacle aux travaux de reprise, alors que ceux-ci impliquent notamment d'importants travaux de terrassement, de mise en oeuvre des fonds de forme des pentes ou de reprise des talus ; que la société Sogeti Ingénierie n'est dans ces conditions pas fondée à soutenir qu'il ne s'agirait pas là d'une prestation indispensable à la reprise des désordres ;

.

11. Considérant, enfin, que le coût des barrières électriques contre les ragondins, s'élevant à 6 493,94 euros TTC, n'a pas à être déduit du montant des travaux de reprise indemnisables, dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise qu'il a fait l'objet d'une évaluation séparée ; que, dès lors que tous les bassins doivent faire l'objet d'une réfection, ne peut être davantage déduite la somme de 23 920 euros correspondant aux travaux de reprise du bassin n° 4 de la station d'épuration de Saint-Honorine les Pertes ; qu'ainsi, le coût des travaux de reprise pouvant être mis à la charge des responsables doit être évalué à un montant total de 1 018 324,69 euros TTC ;

S'agissant de la répartition de la charge de la réparation :

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les trous générés par les ragondins ne sont pas la seule cause des désordres et que, en raison d'une mauvaise exécution des travaux de pose des membranes, même en l'absence de défaut d'entretien l'étanchéité de celles-ci n'était pas assurée ; que la société Sogeti Ingenierie n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle devrait être entièrement garantie par la société nantaise des eaux services au motif que l'exploitant a laissé se développer sans aucune intervention l'action destructrice des animaux ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante est seulement fondée à obtenir que la somme de 290 225 euros TTC mise à la charge solidaire des sociétés Sogeti Ingenierie et nantaise des eaux services par l'article 1er du jugement attaqué soit ramenée à 203 664,94 euros et que la somme de 1 160 900,21 euros mise à la charge de la société Sogeti Ingenierie par ce même article 1er soit ramenée à 814 659,75 euros ;

Sur les conclusions de la société nantaise des eaux service (NDES) :

14. Considérant que les conclusions de la société NDES doivent être regardées comme des conclusions d'appel incident en tant qu'elles tendent à ce que soit confirmée la seule responsabilité de la société Sogeti Ingenierie et comme des conclusions d'appel provoqué en tant qu'elles tendent au rejet des demandes de la communauté de communes de Trévières dirigées contre elle ;

15. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit au point 5, l'expert mentionne à plusieurs reprises dans son rapport avoir constaté des " endommagements par les rongeurs " et attribue cette présence néfaste des rongeurs sur les sites des trois stations d'épuration, d'une part, à un vice de conception, en mentionnant en particulier que " la présence des rongeurs n'a pas été prise en compte dans le projet ", et d'autre part, à un défaut de prise en compte des nuisances de ces animaux dans l'exploitation des installations ; qu'en vertu des articles 2, 4 et 64 du contrat d'affermage du 3 août 2001 il incombe à l'exploitant de veiller à maintenir l'environnement du site dans des conditions permettant un bon fonctionnement de l'ouvrage et qu'à ce titre il était tenu notamment de réguler la faune nuisible aux installations ou d'informer la collectivité délégante de ce besoin ; que la société NDES ne peut dès lors être fondée à soutenir que seule la responsabilité de la société Sogeti Ingenierie pouvait être engagée ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit au point 14, les conclusions de la société NDES tendant au rejet de toutes les demandes de la communauté de communes de Trévières dirigées contre elle ou, subsidiairement, tendant à la réduction des sommes mises à sa charge, doivent être regardées comme des conclusions d'appel provoqué, lesquelles sont irrecevables dès lors que la situation de la société NDES n'est pas aggravée par ce qui est jugé par le présent arrêt au regard de ce qui résultait du jugement attaqué du tribunal administratif de Caen ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais exposés à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens à la charge de chacune des parties ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 290 225 euros mise à la charge solidaire de la société Sogeti Ingenierie et de la société nantaise des eaux services est ramenée à 203 664,94 euros et la somme de 1 160 900,21 euros mise à la charge de la société Sogeti Ingenierie est ramenée à 814 659,75 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 26 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Sogeti Ingénierie et de la société nantaise des eaux service et les conclusions de la communauté de communes de Trévières tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogeti Ingenierie, à la communauté de communes de Trévières, à la Société nantaise des eaux services, à Me H...ès qualités de mandataire liquidateur de la société Dehe TP et à Me G...es qualités d'administrateur de la société Prodireg.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2017.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00429
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-07;16nt00429 ?
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