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31/05/2017 | FRANCE | N°15NT02846

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 31 mai 2017, 15NT02846


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2015, la société CSF, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 18 juin 2015 de la commission nationale d'aménagement commercial ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission n'a pas statué sur l'argument qu'elle avait présenté devant elle et qui se rapportait aux difficultés concernant le déplacement des vo

itures particulières et de livraison ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation c...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2015, la société CSF, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 18 juin 2015 de la commission nationale d'aménagement commercial ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission n'a pas statué sur l'argument qu'elle avait présenté devant elle et qui se rapportait aux difficultés concernant le déplacement des voitures particulières et de livraison ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet en ce qu'il ne fournit pas de cartes ou de plans concernant les flux de déplacement des voitures particulières et de livraison et en ce qu'il contient des informations approximatives sur la qualité environnementale du projet ;

- le projet méconnaît les critères d'évaluation prévus à l'article L. 752-6 du code de commerce tel que modifié par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- en matière d'aménagement du territoire, l'extension du magasin ne peut participer à l'animation de la vie urbaine dès lors qu'il fragilise les commerces de proximité ;

- le projet contient un accès livraison dangereux qui n'est pas distinct de la voie publique ;

- s'agissant du développement durable, aucun effort n'a été fourni quant à l'insertion urbaine et architecturale du projet, lequel reste par ailleurs approximatif quant au système de chauffage retenu et ne se prononce pas sur le respect de la norme RT 2012 ;

- le projet ne s'intègre pas à son environnement urbain caractérisé par des constructions typiques de la région et son traitement paysager est insuffisant, notamment en ce qu'il laisse peu de place à la végétation ;

- le réseau de transports collectifs ne dessert pas directement la zone d'implantation du projet ;

- s'agissant de la protection du consommateur, le projet ne contribue nullement à la préservation du centre urbain de la commune et ne proposera pas une offre plus variée que celle déjà existante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, la société Nobelle, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société CSF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société CSF ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2016.

Par un mémoire de production, enregistré le 20 janvier 2017, la société Nobelle a transmis une copie de sa demande d'autorisation.

Par un mémoire de production, enregistré le 23 janvier 2017, la commission nationale d'aménagement commercial a transmis les pièces qui lui ont été sollicitées le 19 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du commerce ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeB..., représentant la société Nobelle.

1. Considérant que par une décision du 21 janvier 2015, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Finistère a autorisé la société Nobelle à procéder à l'extension du magasin " U EXPRESS " qu'elle exploitait dans le centre-ville de Fouesnant, portant ainsi sa surface de vente de 948 m² à 1 607 m² ; que la société CSF, qui exploite un magasin Carrefour Market sur le territoire de la même commune, a demandé à la commission nationale d'aménagement commercial d'annuler cette décision ; que le 18 juin 2015, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté ce recours et autorisé le projet de la société Nobelle ; que la société CSF demande l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce, alors en vigueur : " (...) II.- La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; 3° La gestion de l'espace ; 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; 5° Les paysages et les écosystèmes. " ;

3. Considérant, d'une part, que la société requérante soutient que le dossier de demande d'autorisation d'exploiter est lacunaire s'agissant des flux de déplacement des voitures particulières et de livraison ; que, toutefois, le dossier comporte une estimation des flux de voitures particulières de l'ordre de 753 par jour ; que s'agissant des flux de livraison, seul le nombre de fournisseurs locaux serait soumis à une légère augmentation ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la société requérante, le dossier de présentation contient des plans faisant état des flux de circulation des véhicules longs et des poids lourds ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du dossier de présentation que le système de chauffage du supermarché " U EXPRESS " consiste en un traitement d'air de la surface de vente par des pompes à chaleur installées dans un local ; qu'en outre, le dossier fait mention des équipements existants en termes d'économies énergétiques au niveau thermique et électrique et au niveau de la production du froid ; qu'eu égard à la nature du projet et à la circonstance tirée de ce qu'il sera réalisé dans des bâtiments déjà existants, le dossier de demande de présentation doit être regardé comme étant suffisamment complet au regard des consommations énergétiques ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission nationale, qui disposait d'éléments suffisants lui permettant d'apprécier la conformité du projet aux exigences de l'article L. 752-6 du code de commerce et qui n'était pas tenue de se prononcer au regard de chacun de ces critères, ni de répondre à l'ensemble des arguments développés par les parties sur ces critères, se serait prononcée au vu d'un dossier incomplet ;

En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ; qu'aux termes de l'article L.752-6 du même code dans sa rédaction alors applicable : " (...)La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale." ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

7. Considérant que le projet en cause consiste en une extension limitée de la surface de vente du supermarché " U EXPRESS " qui est déjà implanté dans le centre-ville de Fouesnant ; qu'il a pour objectif de renforcer l'offre de produits proposés aux clients par la création notamment d'un rayon " poissonnerie " ; qu'il participera au maintien de la vie urbaine du centre-ville sans pour autant concurrencer les petits commerces traditionnels qui proposent une offre complémentaire et dont la pérennité sera ainsi renforcée ; que dans son avis du 11 juin 2015, le ministre chargé du commerce a en outre souligné le fait que le projet contribuera à limiter les déplacements vers les pôles commerciaux périphériques ; que si la société requérante se prévaut des effets négatifs du projet sur les flux de transports, il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploiter que les accès ne seront pas modifiés par rapport à ceux existants et que le magasin dispose de plusieurs accès sécurisés ainsi que d'un parking de stationnement suffisamment dimensionné ; que le flux de véhicules supplémentaires, qui sera réduit, sera facilement absorbé ; que le magasin sera livré hebdomadairement par 5 semi-remorques et 30 camionnettes qui circuleront tôt le matin à des horaires où il n'y a pas de clients dans le magasin ; que si la société requérante soutient que l'intégration urbaine et architecturale du projet fait défaut, il est constant que les bâtiments existent déjà et que le projet permettra d'éviter une friche commerciale compte tenu du départ de deux commerces dans la partie inoccupée ainsi que le souligne tant le ministre chargé du commerce que celui en charge de l'urbanisme ; que le site d'implantation bénéficiera d'un traitement végétalisé renforcé assurant son insertion paysagère, notamment par la plantation d'une douzaine d'arbres ainsi qu'un engazonnement des surfaces périphériques des voiries ; que, si le site du projet n'est pas desservi par les transports en commun et n'est pas équipé de pistes cyclables, les rues desservant le magasin sont suffisamment larges pour permettre la circulation de deux roues et sont par ailleurs équipées de trottoirs pour le cheminement des piétons ; que par ailleurs, le ministre chargé de l'urbanisme souligne le fait que plusieurs dispositifs sont prévus pour limiter les consommations énergétiques ainsi que les pollutions ; que l'isolation des deux bâtiments datant de 1985 et 1989 sera améliorée et respectera les prescriptions de la RT 2012 ; que dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait contraire aux dispositions de l'article L. 752-6 précité du code de commerce ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la SAS société CSF demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société CSF une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Nobelle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CSF est rejetée.

Article 2 : La société CSF versera à la société Nobelle une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CSF, à la commission nationale d'aménagement commercial et à la société Nobelle.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2017.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02846
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : JOURDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-31;15nt02846 ?
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