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31/05/2017 | FRANCE | N°15NT02267

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 31 mai 2017, 15NT02267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La mutualité française Indre-Touraine a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 août 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la

4ème section d'Indre-et-Loire a déclaré Mme E...A...apte au poste d'assistante dentaire en apportant des aménagements ainsi que la décision du 5 novembre 2013 du ministre du travail confirmant la décision d'aptitude de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1303735 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans a an

nulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La mutualité française Indre-Touraine a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 août 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la

4ème section d'Indre-et-Loire a déclaré Mme E...A...apte au poste d'assistante dentaire en apportant des aménagements ainsi que la décision du 5 novembre 2013 du ministre du travail confirmant la décision d'aptitude de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1303735 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2015, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de rejeter la demande présentée par la mutualité française Indre-Touraine devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de la mutualité française Indre-Touraine une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les décisions en litige ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles sont suffisamment motivées ; la décision de l'inspecteur du travail n'est pas entachée d'un vice de procédure ; l'erreur affectant la citation d'un article du code du travail est purement matérielle et sans incidence ; le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été méconnus ; l'inspecteur du travail a pris sa décision après avoir réalisé une enquête sur place et a pu recueillir les éléments concernant son poste d'assistant dentaire ; il n'a pas excédé ses compétences.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2015, la mutualité française Indre-Touraine conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

- la décision du 6 août 2013 est insuffisamment motivée ; elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ; l'autorité administrative n'a pas réalisé d'étude de poste ; l'inspecteur du travail a outrepassé ses compétences.

Une mise en demeure a été adressée le 11 décembre 2016 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Un courrier du 20 juin 2016 a été adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 28 septembre 2016 a été prononcée la clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la mutualité française Indre-Touraine.

1. Considérant que Mme A... relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de la mutualité française Indre-Touraine, la décision du 6 août 2013 de l'inspecteur du travail de la 4ème section d'inspection d'Indre-et-Loire déclarant l'intéressée apte au poste d'assistante dentaire en apportant des aménagements ainsi que la décision du 5 novembre 2013 du ministre du travail confirmant la décision de l'inspecteur du travail ;

Sur la légalité des décisions contestées :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable: " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...), le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail peut être saisi par l'employeur ou le salarié concerné d'un désaccord ou d'une difficulté en cas de contestation de l'appréciation émise par le médecin du travail sur l'état de santé du travailleur ou la nature des postes que cet état de santé lui permet d'occuper ;

4. Considérant qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, ou le cas échéant au ministre en cas de recours hiérarchique, de se prononcer définitivement sur cette aptitude ; que cette appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à cet avis ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a été engagée en mai 2004 en qualité d'assistante dentaire à la mutualité française Indre-Touraine ; qu'elle a subi plusieurs opérations chirurgicales entre 2009 et 2010 et est atteinte d'une surdité à l'oreille droite ; qu'elle a été reclassée dans un emploi administratif ; que le médecin du travail, après avoir constaté une amélioration de son état de santé, a proposé de l'affecter de nouveau à un poste d'assistant dentaire à compter du mois d'avril 2013 ; que des essais de reprise ont été réalisés à la suite desquels le médecin du travail l'a déclarée, le 18 mars 2013, apte temporairement à ce poste ; que, par lettre du 30 avril 2013, la mutualité française Indre-Touraine l'a informée de " sa réintégration à compter du 1er mai 2013 au centre dentaire mutualiste de Tours nord au poste d'assistante dentaire " ; que, toutefois, le 2 mai 2013, le médecin du travail l'a déclarée inapte temporairement à son poste " compte tenu de l'organisation mise en place par l'employeur et de la pathologie dont elle est atteinte " ; que, le 22 mai 2013, le médecin du travail l'a déclarée " inapte à son poste de travail actuel compte tenu de l'organisation actuellement mise en place par l'employeur. Une étude de poste réalisée avec l'employeur ne semble pas montrer de poste disponible compatible avec l'état de santé de la salariée et la pathologie dont elle est atteinte " ; que, sur recours formé devant l'inspection du travail par MmeA..., l'inspecteur du travail de la 4ème section d'Indre-et-Loire, après avis du médecin inspecteur régional du travail, a décidé, par la décision du 6 août 2013 en litige, qui a été confirmée le 5 novembre 2013 par le ministre du travail, que Mme A...était " apte au poste d'assistant dentaire en apportant les aménagements suivants : travail hebdomadaire sur 5 demi-journées, chaque journée de travail complète de travail (10 heures) éventuellement réalisées devra être suivie d'une journée complète de repos et affectation exclusive au cabinet dentaire de Tours nord " ;

6. Considérant que les aménagements préconisés par l'inspecteur du travail, dans sa décision du 6 août 2013, qui portent, pour l'essentiel, sur le temps de travail de l'intéressée, présentent un caractère limité et ne sont pas de nature, contrairement à ce que fait valoir la mutualité française Indre-Touraine, à transformer " l'avis d'aptitude émis en avis d'inaptitude " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces aménagements ne seraient pas réalisables et conduiraient, ainsi que le soutient la requérante sans précision, " à remettre en cause l'organisation collective du travail des assistantes dentaires de l'entreprise " et " auraient une incidence directe sur des éléments essentiels des contrats des collègues de MmeA... " ; que, dans ces conditions, l'inspecteur du travail qui s'est prononcé, ainsi qu'il lui appartient en vertu des dispositions précitées, sur l'aptitude professionnelle de Mme A...et sur la nature des postes que son état de santé lui permet d'occuper, sans méconnaître l'étendue de sa compétence ni commettre d'erreur de droit, et qui s'est fondé notamment sur l'avis du médecin inspecteur régional du travail, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le motif tiré de ce que la décision du 6 août 2013 de l'inspecteur du travail était entachée d'une telle erreur pour annuler cette décision ainsi que celle du 5 novembre 2013 du ministre la confirmant, déclarant apte Mme A...au poste d'assistante dentaire ;

7. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la mutualité française Indre-Touraine devant le tribunal administratif d'Orléans ;

8. Considérant, en premier lieu, que la décision du 6 août 2013 de l'inspecteur du travail de la 4ème section d'inspection d'Indre-et-Loire vise l'ensemble des dispositions applicables, notamment les dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail ainsi que celles de l'article R. 4624-31 de ce code relatives à la réalisation, préalablement à la déclaration d'inaptitude médicale, d'une étude de poste et énonce les considérations de faits qui en constituent le fondement ; que, par suite et alors même qu'elle mentionne, également, à la suite d'une erreur purement matérielle, celles de l'article R. 4624-37 de ce code, cette décision est suffisamment motivée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que cette décision a été prise après enquête sur place et au siège de la mutualité française Indre-Touraine, au cours de laquelle ont été entendus le médecin responsable de la filière dentaire au sein de la mutualité française ainsi que la responsable des ressources humaines ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de communiquer à l'employeur le recours formé par le salarié ni l'avis émis par le médecin inspecteur régional du travail ; que, dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas soutenu que la mutualité française Indre-Touraine n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations sur l'état de santé du travailleur ou la nature des postes que cet état de santé lui permet d'occuper, le moyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu ne peut être accueilli ; que, de même, et en tout état de cause, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe du respect des droits de la défense ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la décision litigieuse a été prise après enquête sur place et au siège de la mutualité française Indre-Touraine au cours de laquelle il a été procédé à l'étude du poste de l'intéressée ; qu'en tout état de cause, si l'article R. 4624-31 du code du travail prescrit que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé une étude de ce poste, les dispositions de l'article L. 4624-1 du même code qui constituent le fondement légal de la décision de l'inspecteur du travail prévoient seulement que la décision est prise après avis du médecin-inspecteur du travail et n'imposent pas une telle obligation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 6 août 2013 de l'inspecteur du travail la déclarant apte, sous réserve, au poste d'assistante dentaire, et la décision du 5 novembre 2013 du ministre confirmant cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la mutualité française Indre-Touraine, le versement de la somme de 1 500 euros que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la mutualité française Indre-Touraine demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la mutualité française Indre-Touraine devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : La mutualité française Indre-Touraine versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la mutualité française Indre-Touraine tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à la mutualité française Indre-Touraine et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2017.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 15NT02267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02267
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL 2BMP

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-31;15nt02267 ?
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