Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Varian Medical System a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le contrat de fourniture, mise en service et maintenance d'un appareil de tomothérapie, accessoires, pièces détachées et prestations associées conclu le 22 avril 2014 entre le centre hospitalier régional universitaire de Tours et la société TomoTherapy Europe.
Par un jugement n° 1402482 du 12 février 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 avril 2015, le 16 mars 2016 et le 3 mai 2017, la société Varian Medical System, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 février 2015 ;
2°) d'annuler le contrat conclu le 22 avril 2014 entre le centre hospitalier régional universitaire de Tours et la société Tomo Therapy Europe ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de verser le cahier des clauses techniques particulières de ce marché ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Tours une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'article 26 du cahier des clauses techniques particulières méconnaît l'article 5 et les dispositions du IV de l'article 6 du code des marchés publics dès lors que cet article du cahier fait référence à un appareil de " radiothérapie hélicoïdale " qui équipe exclusivement les appareils proposés par la société Tomo Therapy et alors d'autre part qu'il n'était pas démontré que la référence au dispositif " hélicoïdal " était indispensable à la définition des besoins du centre hospitalier, ni à la définition des spécifications techniques du marché ; les besoins à satisfaire ne sont pas définis ; ces spécifications font référence à une marque, un type et un fabricant en particulier faisant ainsi obstacle à l'ouverture du marché litigieux à la concurrence et a eu pour effet de l'éliminer ;
- ces spécifications ne sont pas justifiées par l'objet du marché ; le centre hospitalier ne démontre pas que ses besoins n'auraient pas pu être satisfaits par des prescriptions moins restrictives eu égard à l'objet du marché concerné ; en retenant ces spécifications, le centre hospitalier a porté atteinte au principe de publicité et de mise en concurrence ;
- le contrat conclu méconnaît les dispositions du II de l'article 35 du code des marchés publics ; elle pouvait avec sa propre technologie et les spécificités de ses propres modèles répondre à l'objet du marché à savoir la fourniture d'un appareil de radiothérapie dédié à l'irradiation avec modulation d'intensité volumique répondant à toutes les spécifications du CCTP, à l'exclusion de " l'acquisition hélicoïdale " et son corollaire " l'irradiation spirale " qui sont des technologies propres à la société Tomotherapy.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2015, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Varian Medical System en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société Varian Medical System ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, des considérations impérieuses d'intérêt général tenant à la continuité du service public hospitalier et à la sécurité des patients dans l'administration des traitements s'opposent à l'annulation de ce marché.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2015 et le 12 avril 2017, la société Tomotherapy Europe, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Varian Medical System en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société Varian Medical System ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, des considérations impérieuses d'intérêt général tenant à la continuité du service public hospitalier et à la sécurité des patients dans l'administration des traitements s'opposent à l'annulation de ce marché.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant le CHRU de Tours et de MeA..., représentant la société TomoTherapy.
1. Considérant que, sur le fondement du 8° du II de l'article 35 du code des marchés publics et par acte d'engagement du 22 avril 2014, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours et la société TomoTherapy Europe ont conclu ensemble, sans publicité préalable ni mise en concurrence, un marché portant sur la fourniture, la mise en service et la maintenance tout risque d'un appareil de tomothérapie, accessoires et pièces détachées compris ; qu'en application de l'article 85 du code des marchés publics, le CHRU de Tours a publié au journal officiel de l'Union Européenne et au bulletin officiel des annonces des marchés publics l'avis d'attribution de ce marché le 30 avril 2014 ; que, s'estimant irrégulièrement évincée de l'attribution de ce marché, la société Varian Medical System, spécialisée dans la fabrication et la distribution du matériel médical de pointe, en particulier dans la radiothérapie, et fournisseur de plusieurs établissements hospitaliers et de soins en France, a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de ce contrat ; que la société Varian Medical System relève appel du jugement du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du contrat :
2. Considérant que, saisi par un tiers de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci ; qu'il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 du code des marchés publics alors en vigueur : " I. - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence (...) Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce code : " I - Les prestations qui font l'objet d'un marché ou d'un accord-cadre sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : (...) 2° Soit en termes de performances et d'exigences fonctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l'objet du marché et au pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché. (...) ; / IV. - Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. " ;
4. Considérant que le marché conclu entre le CHRU de Tours et la société TomoTherapy a pour objet la fourniture, mise en service et maintenance tout risque d'un appareil de tomothérapie, accessoires, pièces détachées et prestations associées afin de procéder au remplacement de l'un de ses accélérateurs de particules par un équipement dédié à l'irradiation avec modulation d'intensité guidée par l'image ; que ce remplacement s'inscrit, selon l'article 25 du cahier des clauses administratives particulières, dans l'axe " cancérologie " du projet d'établissement, pour augmenter le nombre de patients pouvant bénéficier de ce traitement, pour développer la radiothérapie médullaire et lymphoïde totale et pour conforter le positionnement du CHRU en tant que centre référent d'oncologie pédiatrique ; qu'en outre, ce marché a été conclu également en vue d'améliorer la qualité et la sécurité des soins par une meilleure préservation des organes à risque et une diminution du risque de complication, ce que permet, comme le précise l'article 26 du même cahier, le recours à un appareil de radiothérapie dédié à l'irradiation conformationnelle doté d'un système hélicoïdal permettant la réalisation d'irradiations de grands volumes cibles sans jonctions de champs et sans repositionnement du patient ; qu'en conséquence, il ne résulte pas de l'instruction qu'en choisissant de se doter d'un équipement de tomothérapie répondant aux spécifications techniques prévues à l'article 26 du cahier des clauses administratives particulières du marché afin de répondre au mieux aux besoins en matière de santé publique dont il a la charge, le CHRU de Tours aurait entaché d'une erreur manifeste la définition de son besoin ; que le détournement de procédure n'est pas davantage établi ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 35 du code des marchés publics alors en vigueur : " Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés négociés dans les cas définis ci-dessous. (...) / II.-Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence : (...) / 8° Les marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité ; " ; que, pour recevoir légalement application, les dispositions précitées exigent non seulement des raisons techniques, mais, en outre, que celles-ci rendent indispensables l'attribution du marché à un prestataire déterminé ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la tomothérapie est un procédé particulier de radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité externe guidée par l'image, qui organise une irradiation rotative spiralée sur 360° ; que ce procédé qui permet d'obtenir une modulation de doses optimale et une irradiation de grand volumes cibles sans repositionnement du patient, est expressément recommandé, par la Haute Autorité de Santé, pour les irradiations crânio-spinales, souvent utilisée dans le cadre de tumeurs pédiatriques, et pour les irradiations corporelles totales dans le cadre de traitement de tumeurs hématologiques ; que, par ailleurs, la société TomoTherapy Europe a produit une attestation d'exclusivité en date du 17 janvier 2014 du président de la société TomoTherapy lncorporated selon laquelle la technologie utilisant la tomothérapie hélicoïdale est exclusivement mise en oeuvre par la société TomoTherapy et qu'elle et ses filiales sont les seules titulaires en France de licences qui leur permettent d'effectuer des mises à jour des logiciels ; que selon cette même attestation, elle n'a pas autorisé d'autres sociétés en France à fournir l'installation, le service de ces équipements, les pièces de rechange standard accessoires et les consommables ; que la société requérante ne démontre pas qu'elle pouvait répondre au besoin du CHRU de Tours en se bornant à produire des documents qui constituent des études médicales sur la radiothérapie et ses différents systèmes et portent sur des marchés conclus par elle avec d'autres centres hospitaliers dont il ne ressort pas qu'ils avaient le même objet et le même besoin à satisfaire ; que, dans ces conditions, eu égard aux besoins du CHRU de Tours rappelés ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'attribution du marché, qui avait pour objet d'y répondre selon les modalités prévues par les dispositions citées ci-dessus du 8° du II de l'article 35 du code des marchés publics, serait irrégulière doit être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Varian Medical System n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHRU de Tours, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la société Varian Medical System au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Varian Medical System une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHRU de Tours et la même somme au titre des frais exposés par la société TomoTherapy Europe et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Varian Medical System est rejetée.
Article 2 : La société Varian Medical System versera au centre hospitalier régional universitaire de Tours et à la société TomoTherapy Europe une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Varian Medical System, au centre hospitalier régional universitaire de Tours et à la société TomoTherapy Europe.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2017.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01340