Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sécuritas France a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 7 novembre 2013 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle lui a infligé un blâme.
Par un jugement n° 1401214 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juin 2016 et le 16 septembre 2016, la société Sécuritas France, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 avril 2016 ;
2°) d'annuler la délibération du 7 novembre 2013 de la commission nationale d'agrément et de contrôle.
Elle soutient que :
- la délibération du 7 novembre 2013 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le principe du contradictoire, le principe du respect des droits de la défense et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que les contrôleurs du conseil national des activités privées de sécurité ne sont pas compétents pour constater l'existence d'infraction à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, au sens de l'article L. 8271-1-1 et L. 8271-1-2 du code du travail ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la commission nationale d'agrément et de contrôle n'a tenu compte ni de sa bonne foi, ni de l''échelle des éventuelles sanctions prévues par l'article L 634-4 du code de la sécurité intérieure ; aucune sanction ne devait être prononcée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2016, le conseil national des activités privées de sécurité, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Sécuritas France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-870 du 10 juillet 2012 relatif au code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 11 juillet 2013, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle ouest a infligé un blâme à la société Sécuritas France ; que la société Sécuritas France relève appel du jugement du 21 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 7 novembre 2013 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle, saisie dans le cadre du recours préalable obligatoire prévu par l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, a confirmé le blâme qui lui a été infligé ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, la société requérante ne développe aucune argumentation de fait ou de droit nouvelle ou complémentaire par rapport à celles présentées en première instance ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter ce moyen par adoption des motifs suffisamment circonstanciés et retenus à bon droit par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la délibération en litige ne mentionne pas que la société a accusé réception du courrier de convocation devant la commission nationale d'agrément et de contrôle le 18 octobre 2013 est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette délibération et ne révèle aucune méconnaissance du principe du contradictoire ou de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. (...) Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier et II sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. (...)" ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'un contrôle de la société Sécuritas France a été effectué le 20 décembre 2012 sur le site du chantier de l'hôpital Nord Mayenne, client de la société, et d'autre part le 8 janvier 2013 dans les locaux de l'établissement de cette société situés à Orvault, par les contrôleurs de la délégation territoriale Ouest du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ; que, lors de l'intervention sur place du 20 décembre 2012, les agents du CNAPS ont constaté que l'agent en poste était salarié d'un sous-traitant de la société requérante ; que cette sous-traitance totale de la prestation de gardiennage a été effectuée sans que le centre hospitalier n'en soit averti ; que les agents de contrôle ont établi un compte-rendu le 8 janvier 2013 qui mentionne que le contrôle effectué sur le site de l'hôpital de Mayenne a mis en lumière " de la sous-traitance non déclarée et de la sous-traitance totale (prohibée en matière de marchés publics) " ; que lors de son audition par les agents en charge du contrôle le 30 janvier 2013, si le directeur de l'agence Sécuritas d'Orvault a admis avoir omis de faire accepter son sous-traitant et d'en faire agréer les conditions de paiement par le maître d'ouvrage, il a estimé ne pas avoir méconnu l'interdiction de sous-traitance totale en matière de marché public, le contrat conclu entre son agence et le centre hospitalier de Nord-Mayenne relevant selon lui du droit privé ;
6. Considérant qu'il ressort des termes de la délibération du 7 novembre 2013 que, pour infliger un blâme à la société Sécuritas France, la commission nationale d'agrément et de contrôle a retenu que la société avait violé l'obligation de faire accepter chaque sous-traitant par le maître d'ouvrage, avait méconnu son obligation de transparence en ne reproduisant pas dans le contrat conclu avec l'hôpital Nord Mayenne les articles 1er, 2, 3 et 5 de la loi du 31 décembre 1975, avait méconnu les articles 4 et 23 du décret du 10 juillet 2012 et n'avait pas respecté l'interdiction de sous-traitance totale en matière de marchés publics ;
7. Considérant, d'une part, que l'article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que les membres et les agents du CNAPS, qui exerce une mission disciplinaire en application des dispositions de l'article L. 632-1 de ce code, ainsi que les membres des commissions régionales d'agrément et de contrôle, assurent le contrôle des personnes exerçant notamment des activités de surveillance et de gardiennage et peuvent, pour l'exercice de leurs missions, accéder aux locaux à usage professionnel de l'employeur ou du donneur d'ordres, à l'exclusion des locaux affectés au domicile privé, ainsi qu'à tout site d'intervention des agents exerçant ces activités, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; qu'aux termes de l'article 4, relatif au respect des lois, du code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité, issu du décret susvisé du 10 juillet 2012, " Dans le cadre de leurs fonctions, les acteurs de la sécurité privée respectent strictement la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la Constitution et les principes constitutionnels, l'ensemble des lois et règlements en vigueur, notamment le code de la route et la législation professionnelle et sociale qui leur est applicable. " ; qu'aux termes de l'article 23 de ce code, relatif à la transparence de la sous-traitance : " Les entreprises et leurs dirigeants proposent, dans leurs contrats avec les clients (...) une clause de transparence, stipulant si le recours à un ou plusieurs sous-traitants ou collaborateurs libéraux est envisagé ou non. / Si le recours à la sous-traitance ou à la collaboration libérale est envisagé dès la signature du contrat, ils informent leurs clients de leurs droits à connaître le contenu des contrats de sous-traitance ou de collaboration libérale projetés. A cette fin, la clause de transparence rappelle, en les reproduisant intégralement, les dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. S'il n'est pas prévu à la signature du contrat, le recours à la sous-traitance ou à la collaboration libérale ne peut intervenir qu'après information écrite du client. " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les agents du CNAPS sont compétents, lors des opérations de contrôle menées dans le cadre disciplinaire, pour constater tout manquement aux règles professionnelles et déontologiques applicables aux sociétés de surveillance et de gardiennage, et notamment le défaut de mention de la clause de transparence dans le contrat conclu entre la société et son client ; qu'il est constant que la société Sécuritas n'a pas mentionné, lors de la signature le 24 septembre 2012 avec le centre hospitalier Nord Mayenne d'un bon de commande de prestations de surveillance d'un chantier du 1er décembre 2012 au 20 janvier 2013, une clause de transparence répondant aux exigences de l'article 23 du code de déontologie ; que les agents du CNAPS en charge du contrôle disciplinaire, qui se sont bornés à constater ce manquement au regard des obligations déontologiques, n'ont pas fait application des dispositions de l'article L. 8271-1-1 du code du travail en ce qu'elles prévoient une amende de 7 500 euros en cas d'infraction au premier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le contrôle de la société Sécuritas France a été effectué par des agents incompétents doit être écarté ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le bon de commande relatif à la prestation de surveillance de chantier du 1er décembre 2012 au 20 janvier 2013 indiquait par une case cochée que la société Sécuritas France avait recours à la sous-traitance ; que si l'hôpital Nord Mayenne doit être ainsi regardé comme ayant été informé dès la signature du bon de commande d'un recours possible à la sous-traitance, il ne ressort d'aucune autre pièce que la société Sécuritas France ait fait accepter par le maître d'ouvrage la société APSG ; qu'il est constant que les articles 1, 2, 3 et 5 de la loi du 31 décembre 1975 n'avaient pas été reproduits dans le contrat liant la société requérante à l'hôpital Nord Mayenne, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 23 du code de déontologie ; que les circonstances que la société requérante ait vérifié les autorisations et agréments de la société APSG et qu'il n'y ait eu aucun incident de paiement au préjudice de son client sont inopérantes eu égard au motif retenu dans la décision contestée qui a trait au défaut de transparence ; que les agents en poste sur le site de surveillance ont effectué des vacations de 14 heures consécutives et n'étaient pas titulaires d'un dispositif d'alarme pour travailleur isolé ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ces manquements à son obligation de vigilance ont été abordés lors de l'audition administrative du directeur de l'établissement de la société requérante, à Orvault ; que la matérialité de ces griefs est donc établie ;
9. Considérant, enfin, que le contrat passé entre l'hôpital Nord Mayenne et la société Sécuritas France, conclu entre un établissement public hospitalier et un opérateur privé, qui avait pour objet une prestation de service, a la nature d'un marché soumis au code des marchés publics, en application de l'article 1er de ce code, nonobstant la circonstance que la société de sécurité n'était pas associée à l'exécution de la mission de service public de l'hôpital et que ce contrat ne contiendrait pas de clause exorbitante du droit commun ; que, par suite, la société Sécuritas France n'est pas fondée à soutenir que le grief tiré de l'interdiction de sous-traitance totale en matière de marché public, dont elle ne conteste pas la matérialité, serait entaché d'une erreur de droit ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été énoncé aux points 4 à 9 que la délibération du 7 novembre 2013 qui inflige à la société Sécuritas France un blâme, compte tenu de la gravité et de la multiplicité de ses manquements à ses obligations professionnelles et déontologiques, n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sécuritas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sécuritas France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sécuritas France et au conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mai 2017.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01914