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28/04/2017 | FRANCE | N°15NT00637

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 avril 2017, 15NT00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... D...et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2013 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer.

Par un jugement n° 1302468 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Pa

r une requête enregistrée le 20 février 2015, M. et Mme D... et MmeC..., représentés par MeE.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... D...et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2013 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer.

Par un jugement n° 1302468 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015, M. et Mme D... et MmeC..., représentés par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du 25 janvier 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le préfet de la Vendée a commis une erreur manifeste dans l'appréciation du risque de submersion marine, dès lors que lors de la tempête Xynthia, il n'y a eu que 30 à 40 cm d'eau sur leurs parcelles ; le périmètre d'expropriation entre en contradiction avec le zonage du plan de prévention des risques d'inondation qui ne prescrit que la construction d'une pièce de survie dans les maisons d'habitation existantes, et ne comporte aucune zone noire ; les parcelles cadastrées section AM n° 725, 726 et 754, dont ils sont propriétaires ont été intégrées à tort dans le périmètre d'expropriation, alors que la parcelle cadastrée section AM n°783, sur laquelle est édifiée la maison d'habitation de Mme C...a finalement été exclue de ce périmètre ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement, dès lors que la condition, tirée de ce que les moyens de protection des populations doivent être plus coûteux que les indemnités d'expropriation, n'est pas remplie en l'espèce ; le montant des indemnités d'expropriation doit comprendre les propriétés non bâties ; l'esprit de ces dispositions est de prendre en compte l'ensemble des opérations et non les seules expropriations ; le coût des travaux de protection doit être évalué à la somme de 3,4 millions d'euros ; l'hypothèse retenue du rideau de palplanches constitue un détournement de procédure par l'Etat pour faire obstacle aux dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement ; il n'est pas démontré que la mise en oeuvre du plan communal de sauvegarde serait insuffisante à prévenir le risque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2015, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à l'annulation partielle de l'arrêté contesté.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés et s'en remet à la sagesse de la Cour.

Par ordonnance du 20 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M. et Mme D... et MmeC....

1. Considérant que, par un arrêté du 14 novembre 2011, le préfet de la Vendée a prescrit une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique de l'expropriation, par l'Etat, des biens exposés au risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines sur le territoire de la commune de La Faute-sur-Mer ; que, par un arrêté du 25 janvier 2013, le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique l'expropriation de ces biens ; que M. et Mme D..., propriétaires de la parcelle cadastrée, section AM n° 754, et MmeC..., propriétaire des parcelles cadastrées, section AM n° 725 et 726 relèvent appel du jugement du 22 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2013 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 561-2 du code de l'environnement, dans ses dispositions en vigueur à la date de la décision contestée : " I.-Le préfet engage la procédure d'expropriation à la demande des ministres chargés, respectivement, de la prévention des risques majeurs, de la sécurité civile et de l'économie. II.-Le dossier soumis à l'enquête publique en application du II de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est complété par une analyse des risques décrivant les phénomènes naturels auxquels les biens sont exposés, et permettant d'apprécier l'importance et la gravité de la menace qu'ils présentent pour les vies humaines (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : (...) II.-Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : (...) 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. (...) " ;

3. Considérant que le dossier d'enquête publique de l'opération d'expropriation en litige a pour seul objet l'acquisition d'immeubles exposés au risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines ; que ce dossier devait ainsi être composé des seules pièces prévues au II précité de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, et n'avait pas à faire figurer dans l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser les dépenses engagées au titre des " acquisitions amiables " précédemment mises en oeuvre par l'Etat ; que, dès lors, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier soumis à enquête doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'environnement, dans ses dispositions en vigueur à la date de la décision contestée : " Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. (...) " ; qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, qu'en vertu du rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable du 16 septembre 2010, l'aléa de référence pris en compte pour la définition du secteur soumis à expropriation a été fixé par le préfet de la Vendée, dans le dossier préalable à l'enquête publique, à la cote de 4,70 mètresA... ; que, s'agissant de la commune de La Faute-sur-Mer, la situation de référence correspond à une montée des eaux de l'estuaire du Lay ayant pour effet de submerger la digue Est pendant deux heures ; que le niveau de submersion prévisible consiste en la différence entre, d'une part, le niveau de submersion de 4,50 m A...à proximité de la digue Est et décroissant en arrière selon une pente de 0,25% jusqu'à 3,50 m A...et, d'autre part, la hauteur naturelle des terrains ou la hauteur du seuil des maisons d'habitation ; qu'il ressort, toutefois, du dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique que le préfet de la Vendée a entendu limiter le projet d'expropriation aux unités foncières bâties dont les propriétaires n'ont pas vendu leur bien à l'Etat par une procédure amiable ;

6. Considérant, en l'espèce, qu'il ressort du périmètre de déclaration d'utilité publique figurant dans le rapport d'enquête publique que seule la parcelle cadastrée section AM n° 783, sur laquelle est édifiée la maison d'habitation de MmeC..., était proposée à l'expropriation, contrairement aux parcelles non bâties cadastrées section AM n° 726 et 754 et à la parcelle cadastrée section AM n°725, supportant un simple hangar servant de garage ; que si le périmètre de déclaration d'utilité publique, annexé à l'arrêté contesté, a finalement exclu la parcelle bâtie cadastrée section AM n° 783, il a inclus néanmoins les parcelles cadastrées section AM n° 725, 726 et 754, alors que ces dernières, non bâties ou ne comportant aucune installation pouvant servir d'hébergement, n'étaient pas susceptibles d'être expropriées, ainsi que l'a d'ailleurs admis le préfet dans ses courriers du 29 mai 2013 adressés aux requérants ; qu'il en résulte que le préfet de la Vendée a commis une erreur manifeste d'appréciation en incluant à tort ces parcelles parmi les biens dont l'expropriation a été déclarée d'utilité publique ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable du 16 septembre 2010 que la mise en sécurité des résidents des quartiers Sud de la Faute-sur-mer nécessite tant des travaux de confortement de la digue Est, ainsi que la mise en place de dispositifs de sauvegarde, que la délocalisation d'un certain nombre de constructions ; que seule la construction d'un rideau de palplanches d'une longueur de 3,4 km garantirait de façon optimale la sécurité des résidents ; que le coût de ces derniers travaux de sauvegarde et de protection a été évalué à 11,4 millions d'euros, soit à un montant supérieur à celui des indemnités d'expropriation, estimé par France domaine à 5,62 millions d'euros, conformément aux dispositions précitées ; que si les requérants soutiennent que les travaux de confortement de la digue Est, d'un montant de 3,4 millions d'euros et l'adoption d'un plan communal de sauvegarde, constituent des solutions alternatives à l'expropriation, il ressort toutefois des pièces du dossier que ces travaux de confortement constituent une mesure complémentaire à l'expropriation et ne peuvent garantir l'ouvrage contre tout risque de rupture ; qu'en outre, le coût de ces travaux ne saurait être pris en compte, dès lors que le périmètre de la déclaration d'utilité publique a été établi selon l'estimation de l'aléa du risque, pris lui-même au regard d'une situation après travaux de confortement de la digue Est ; qu'ainsi, en regardant l'édification d'un rideau de palplanches comme seule mesure alternative à la procédure d'expropriation, le préfet de la Vendée n'a pas commis de détournement de procédure ;

8. Considérant que compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à la protection des populations contre le risque de submersion marine, l'atteinte à la propriété privée et le coût de l'opération ne sont pas de nature à retirer à l'expropriation contestée son caractère d'utilité publique, à l'exception de celle des parcelles dont les intéressés sont propriétaires ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme D... et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté déclaratif d'utilité publique du 25 janvier 2013, en tant qu'il a inclus les parcelles cadastrées commune de la Faute-sur-Mer, section AM n°725, 726 et 754 dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme D... et Mme C...et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. et Mme D...et de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 25 janvier 2013 en ce qu'il a inclus les parcelles cadastrées section AM n°725, 726 et 754 dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Vendée du 25 janvier 2013 est annulé, en tant qu'il a inclus les parcelles cadastrées section AM n°725, 726 et 754 dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme D... et Mme C...la somme globale de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... D..., à Mme B... C...et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Une copie sera transmise au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2017.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00637
Date de la décision : 28/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : DE BAYNAST

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-04-28;15nt00637 ?
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