Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Monderbréal alter natifs a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'ordonnance n°1203118, 1204366 du 31 janvier 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes a liquidé, taxé et mis à sa charge les frais de l'expertise confiée à Mme F...en vue de déterminer les conséquences pour l'environnement, à hauteur de la forêt du Pertre et des landes de Bréal, des travaux projetés par la société Réseau de transport d'électricité (RTE) pour la construction d'une ligne à très haute tension.
Par un jugement n° 1401970 du 8 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2016 l'association Monderbréal alter natifs, représentée par MeG..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 juin 2016 ;
2°) de mettre les frais de l'expertise confiée à Mme F...par ordonnances des 26 septembre et 14 novembre 2012 à la charge de la société RTE ou, à défaut, à la charge de la commune de Vitré.
Elle soutient que :
- il n'y a pas de partie perdante car aucune instance au fond n'a été engagée suite à l'expertise ;
- le rapport de l'expert ne met pas en évidence de pollution manifeste mais n'en écarte pas l'hypothèse et relève des défauts de surveillance et d'exécution de la part de la société RTE, susceptibles d'affecter notamment la qualité de l'eau, ce qui justifie que les frais soit mis à la charge de celle-ci ;
- l'expert n'a pas entièrement accompli sa mission dès lors qu'il n'a pas poursuivi ses investigations jusqu'à identifier la cause de la pollution de l'eau constatée ;
- l'expertise a été utile à la commune de Vitré car elle l'a alertée sur la mauvaise qualité de l'eau et l'a conduite à renoncer à s'approvisionner sur cette zone de captage ;
- l'expertise n'a pas été utile à l'association requérante puisque son caractère inachevé ne lui a pas permis d'introduire un recours au fond ;
- elle ne dispose pas des moyens financiers lui permettant d'acquitter les frais mis à sa charge.
Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2016 le président du tribunal administratif de Rennes conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en rapporter aux observations qu'il a présentées en première instance.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 octobre 2016 et 22 décembre 2016, la société Réseau de Transport d'Electricité (RTE), représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par l'association Monderbréal alter natifs ;
2°) à titre subsidiaire, de mettre les frais d'expertise à la charge conjointe et solidaire de l'association Monderbréal alter natifs et de la commune de Vitré ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'association Monderbréal alter natifs et de la commune de Vitré respectivement les sommes de 1 000 euros et 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article L. 761-2 du code de justice administrative prévoit qu'en cas de désistement les dépens sont mis à la charge du requérant ;
- en l'absence de requête au fond, et donc de partie perdante, la charge des frais doit être attribuée en fonction de l'utilité de l'expertise pour les parties ;
- l'expertise conclut de façon parfaitement claire à l'absence d'incidence des travaux sur la qualité de l'eau en se basant sur deux campagnes de prélèvements ainsi que sur les analyses réalisées par la commune de Vitré ;
- les travaux ont été réalisés en conformité avec les prescriptions des services de l'Etat et soumis à des contrôles qui n'ont pas révélé de manquements ;
- l'association, qui a engagé de multiples procédures pour empêcher la réalisation des travaux, ne saurait se retrancher derrière sa prétendue impécuniosité ;
- la commune de Vitré pourrait partager la charge des frais d'expertise dès lors qu'elle a demandé à en être partie prenante.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2016 la commune de Vitré, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de mettre les frais d'expertise à la charge de la société RTE ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de l'association Monderbréal alter natifs ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société RTE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle était intervenante volontaire à l'expertise ;
- son intervention a été utile aux opérations car elle a répondu à toutes les sollicitations de l'expert et lui a communiqué les résultats des analyses de l'eau ;
- l'expertise ne lui a pas été utile car elle procède à des analyses systématiques et avait pris la décision de renoncer à exploiter le captage de la zone de la forêt du Pertre et des landes de Bréal avant la désignation de l'expert ;
- l'insolvabilité de l'association ne doit pas être prise en compte dans la détermination du débiteur des frais d'expertise car il appartient à l'Etat de pallier à une telle situation.
La clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2017 à 12 heures par une ordonnance du 23 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que, dans le cadre de la construction d'une ligne à très haute tension de 163 km entre Oudon et Taute, la société Réseau de Transport d'Electricité (RTE) a fait édifier plusieurs pylônes sur le territoire des communes de Pertre et de Bréal-sous-Vitré (Ille-et-Vilaine) ; qu'à la demande de l'association Monderbréal alter natifs le tribunal administratif de Rennes a ordonné, le 26 septembre 2012, une expertise afin d'identifier les éventuelles atteintes à l'environnement provoquées par ces travaux, et a désigné Mme F...comme expert ; que, par une ordonnance du 14 novembre 2012, les opérations d'expertise ont été étendues à la commune de Vitré ; que, Mme F...ayant déposé son rapport le 8 janvier 2014, les frais d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 11 448,35 euros et mis à la charge de l'association Monderbréal alter natifs par une ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 31 janvier 2014 ; qu'en l'absence de requête présentée au fond par l'association, ces frais n'ont pas été inclus dans les dépens d'une instance principale ; que l'association Monderbréal alter natifs relève appel du jugement du 8 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 31 janvier 2014 en tant qu'elle met à sa charge les frais d'expertise ;
Sur l'ordonnance de taxation des frais d'expertise :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 761-4 du code de justice administrative : " La liquidation des dépens, y compris celle des frais et honoraires d'expertise définis à l'article R. 621-11 est faite par ordonnance du président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement ou, en cas de référé ou de constat d'urgence, du magistrat délégué.(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-5 du même code :
" Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 : " Les dépens comprennent (...) les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, dérogeant sur ce point à l'article R. 761-1 du même code, que lorsque les frais d'expertise ne sont pas inclus dans les dépens d'une instance principale, leur répartition entre les parties intervient en tenant compte notamment de l'utilité de l'expertise pour ces parties, sans être déterminée par la seule circonstance qu'une de ces parties l'a demandée ou, à l'inverse, en a contesté le bien fondé ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les investigations de Mme F...ont, notamment, porté sur l'impact, en ce qui concerne la qualité de l'eau, de la construction de pylônes à proximité des drains de captage d'eau potable de la forêt du Pertre et des landes de Bréal ; que la commune de Vitré, qui utilisait cette ressource pour l'alimentation en eau potable mais avait cessé les prélèvements sur ces captages avant les travaux par mesure de précaution et était en désaccord avec la société RTE sur le choix des emplacements de certains pylônes, ainsi que cela ressort d'articles de presse produits au dossier, avait un intérêt à participer à ces opérations d'expertise et a demandé expressément à y être associée ; que l'expert a relevé un dépassement du seuil admis pour la potabilité de l'eau en carbone organique total dans 11 cas sur 129 analyses réalisées entre juillet 2012 et octobre 2013 ; que, s'il a constaté des écarts entre les prescriptions dont étaient assorties les autorisations de travaux et les constructions réalisées, il indique dans son rapport que, compte tenu des données pluviométriques, qui sont cohérentes avec les dépassement relevés, et du caractère très fragmentaire des données disponibles pour les années antérieures aux travaux, il n'est pas possible d'affirmer que la construction des pylônes est à l'origine des pollutions identifiées ; que si ces conclusions ne permettaient pas d'étayer un recours au fond de l'association Monderbréal alter natifs contre la société RTE ni une demande indemnitaire dirigée par la commune de Vitré contre cette société à raison des surcoûts engendrés par sa décision de ne plus utiliser l'eau des captage de la forêt du Pertre et des landes de Bréal, il résulte cependant de l'instruction que les opérations d'expertises ordonnées, qui ont été conduites jusqu'à leur terme, contrairement à ce que soutient l'association, et ont été étendues à la commune de Vitré à sa demande expresse, ont été, en l'espèce, utiles à ces deux parties ; que, par ailleurs, la circonstance que l'association Monderbréal alter natifs serait insolvable, qui peut uniquement conduire à ce que l'Etat, responsable du service public de la justice administrative, se substitue au débiteur des dépens, est, en tout état de cause, sans incidence sur l'issue du présent litige ; que, dans ces conditions, la somme due à l'expert doit être mise à la charge de l'association Monderbréal alter natifs et de la commune de Vitré pour moitié chacune ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Monderbréal alter natifs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société RTE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Vitré au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Monderbréal alter natifs et de la commune de Vitré les sommes demandées par la société RTE au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401970 du tribunal administratif de Nantes du 8 juin 2016 est annulé.
Article 2 : Les frais d'expertise taxés à la somme de 11 448,35 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 31 janvier 2014 sont mis pour moitié à la charge de l'association Monderbréal alter natifs et pour moitié à la charge de la commune de Vitré.
Article 3 : L'ordonnance n° 1203118 et 1204366 du président du tribunal administratif de Rennes en date du 31 janvier 2014 est modifiée conformément à l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Monderbréal alter natifs et les conclusions présentées devant la cour par la commune de Vitré sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société RTE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Monderbréal alter natifs, à la société Réseau de Transport d'Electricité, à la commune de Vitré, au président du tribunal administratif de Rennes et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée à Mme D...F..., expert.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M.B..., premier assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mars 2017.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°16NT02789