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31/03/2017 | FRANCE | N°15NT02696

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 31 mars 2017, 15NT02696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal de Caen de condamner la commune de Douvres-la-Délivrande à lui verser la somme de 103 600 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime au cours de l'été 1974 dans le camping municipal de cette collectivité.

Par un jugement n° 1401466 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Douvres-la-Délivrande à verser à Mme E...une somme de 16 200 euros.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre 2015 et 9 novembre 2016, la commune de Douvr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal de Caen de condamner la commune de Douvres-la-Délivrande à lui verser la somme de 103 600 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime au cours de l'été 1974 dans le camping municipal de cette collectivité.

Par un jugement n° 1401466 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Douvres-la-Délivrande à verser à Mme E...une somme de 16 200 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre 2015 et 9 novembre 2016, la commune de Douvres-la-Délivrande, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par Mme E...;

3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que " la commune ne pouvait ignorer l'usage par les enfants du bac à laver le linge de sorte qu'elle n'aurait pas assuré l'entretien normal de cet ouvrage " ; que le bac en question était destiné au lavage de leur linge par les campeurs et ne constituait pas un jouet pour enfants ; il ne pouvait pas être exigé de la commune qu'elle anticipe un usage anormal de l'un de ses ouvrages ;

- aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage ne peut être retenu ; il n'est pas établi que le bac en cause était dépourvu de scellement ; aucun signalement sur un tel désordre n'a été fait par les usagers du camping ;

- la faute de la victime, compte tenu de l'usage anormal qu'elle a fait de l'ouvrage, exonère totalement la commune ; l'enfant NathalieE..., âgée de huit ans au moment des faits, était capable de discerner le caractère dangereux de son acte ; les attestations jointes au dossier rédigées 30 ans après les faits ne sont pas probantes ;

- les parents de la victime, présents lors de l'accident, ont fait preuve d'un défaut de surveillance évident qui exonère totalement la responsabilité de la commune ;

- si la cour devait confirmer la mise en cause de la responsabilité de la commune à hauteur de 30%, le jugement mériterait d'être cependant réformé s'agissant des montants alloués à MmeE... ; les préjudices doivent être réduits à de plus justes proportions et fixés à hauteur de 3 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 25 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 5 000 euros au titre des souffrances endurées et 1 500 euros au titre du préjudice esthétique, les autres demandes d'indemnisation devant être rejetées.

Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2016 MmeE..., représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu un taux de responsabilité de la commune de Douvres La Délivrande de 30 % seulement et à la condamnation de la commune de Douvres La Délivrande à lui verser la somme totale de 103 600 euros ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Douvres La Délivrande la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par La commune de Douvres La Délivrande ne sont pas fondés ;

- compte tenu de la présence du bac incriminé à proximité de l'aire de jeux et de son âge à l'époque de l'accident, il ne peut lui en être reproché un usage inadapté ;

- aucun défaut de surveillance ne peut être reproché à ses parents ;

- les chefs de préjudices retenus par le tribunal doivent être réévalués à la hausse.

Par une ordonnance du 2 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 18 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que l'enfant NathalieE..., alors âgée de huit ans, a été victime le 1er août 1974 d'un accident alors qu'elle séjournait en compagnie de ses parents au camping municipal de la commune de Douvres-la-Délivrande (Calvados) ; que le bac en ciment destiné au lavage du linge sur lequel elle s'était assise avec d'autres enfants a soudainement basculé, provoquant l'écrasement de son pied gauche ; que les premiers soins ont nécessité l'amputation de deux orteils ; que l'état du pied s'est par la suite aggravé jusqu'à aboutir à une amputation partielle en 2003 ; que la victime a saisi, le 16 juillet 2014, le tribunal administratif de Caen en vue de mettre en jeu la responsabilité de la commune de Douvres-la-Délivrande pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et a sollicité de cette juridiction la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 103 600 euros à raison du dommage dont elle avait été victime ; que la commune de Douvres-la-Délivrande relève appel du jugement du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Caen qui, après avoir retenu sa responsabilité à hauteur de 30%, l'a condamnée à verser à Mme E...la somme de 16 200 euros en réparation du préjudice subi ; que, par la voie de l'appel incident, Mme E...sollicite la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le tribunal la réalité de leur préjudice et l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a déjà été rappelé au point 1, que le bac en ciment qui a blessé l'enfant Nathalie E...au pied était destiné au lavage du linge par les campeurs et que son basculement a été provoqué par le surpoids résultant de son escalade par les enfants ; qu'il n'est établi par aucune pièce au dossier que cet ouvrage aurait été descellé de manière à révéler un défaut d'entretien normal et qu'il ne peut être reproché à la commune, contrairement à ce qu'on estimé les juges de première instance, d'avoir ignoré l'usage anormal que les enfants faisaient de ce bac et de n'avoir pas pris des mesures de sécurité en conséquence ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que l'accident a été rendu possible tant par le comportement de la victime qui a fait de l'ouvrage un usage totalement étranger à sa destination que par le défaut de surveillance de celle-ci par ses parents qui se trouvaient à proximité, et que cette double circonstance était de nature à exonérer totalement la commune de toute responsabilité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Douvres La Délivrande est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à indemniser Mme E...de ses préjudices à hauteur de 16 200 euros ; que les conclusions d'appel incident présentées par Mme E...tendant à la réévaluation de son indemnisation ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...la somme que demande la commune de Douvres La Délivrande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette collectivité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme E...au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401466 du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif de Caen ainsi que les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Douvres La Délivrande tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Douvres La Délivrande et à Mme D...E....

Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur ;

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2017.

Le rapporteur,

O.CoiffetLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02696
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL JURIS VOXA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-31;15nt02696 ?
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