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31/03/2017 | FRANCE | N°15NT02362

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 31 mars 2017, 15NT02362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1204029 du 11 juin 2015 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2015 M. B... C...et la mutuelle Malakoff Médér

ic, représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1204029 du 11 juin 2015 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2015 M. B... C...et la mutuelle Malakoff Médéric, représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 ;

2°) de condamner le CHU de Brest, au besoin après avoir ordonné une nouvelle expertise, à leur verser la somme de 100 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Brest la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- le rapport d'expertise déposé par le Dr G...ne peut être pris en compte pour le règlement du litige car, en refusant de lui transmettre l'ensemble des pièces produites par le CHU de Brest, l'expert a méconnu le principe du contradictoire ; ce rapport contient en outre de nombreuses erreurs, notamment dans la chronologie des faits ;

- la responsabilité du CHU de Brest est engagée pour défaut d'information, retard dans le diagnostic et erreur dans le traitement : il a été contraint de s'adresser à l'institut Gustave Roussy à Paris pour que sa maladie soit complètement et correctement prise en charge ;

- son préjudice est constitué par les frais engagés pour se faire soigner à Paris, la douleur et le préjudice esthétique subis du fait des traitements supplémentaires qu'il a dû entreprendre et les troubles dans ses conditions d'existence liés à l'allongement de la durée des traitements provoqué par le défaut dans sa prise en charge par le CHU de Brest.

Par des mémoires enregistrés le 7 octobre 2015 et le 26 septembre 2016 la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 ;

2°) de condamner le CHU de Brest, au besoin après avoir ordonné une nouvelle expertise, à lui verser la somme de 22 918,77 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2012, en remboursement des débours exposés pour la prise en charge de M. C..., ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Brest la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'utilité d'une nouvelle expertise ;

- les retards et erreurs dans le diagnostic et la prise en charge de la maladie de M. C... ont rendu nécessaires des interventions lourdes qui auraient pu être évitées si des mesures adaptées avaient été prises en temps voulu ;

- le CHU de Brest ne démontre pas qu'il a apporté à M. C...une information suffisantes sur les interventions pratiquées et les risques y afférents ;

- le montant des frais engagés du fait des complications présentées par M. C...s'élève à 22 918,77 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2015 le centre hospitalier universitaire de Brest, représenté par MeE..., demande à la cour de rejeter la requête de M. C... et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C...et par la CPAM des Côtes d'Armor ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 26 septembre 2016 que l'affaire était susceptible, à compter du 2 novembre 2016, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 3 novembre 2016 la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que M. C..., né en 1942, a été pris en charge à compter d'avril 2008 par les services du CHU de Brest pour le traitement d'un carcinome spinocellulaire à l'oreille gauche ; qu'il a présenté par la suite plusieurs autres lésions, dont l'une s'est révélée être un nouveau carcinome apparu sur le côté gauche du front ; que, début 2010, un ganglion cancéreux a également été identifié au niveau du cou ; que M. C..., estimant ne pas être correctement soigné au CHU de Brest, a décidé de se faire suivre par les équipes de l'institut Gustave Roussy à Paris, qui l'ont pris en charge à compter du 15 mars 2010 ; qu'il a par la suite saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, lequel a désigné un expert qui a déposé son rapport le 21 novembre 2011 ; que, par le jugement attaqué du 11 juin 2015 dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de Brest à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ; que la CPAM des Côtes d'Armor demande pour sa part que le CHU de Brest soit condamné à lui verser la somme de 22 918,77 euros au titre des débours engagés pour son assuré, et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la CPAM des Côtes d'Armor ;

Sur la régularité des opérations d'expertise :

2. Considérant que M. C...soutient que la procédure d'expertise a été conduite en méconnaissance du principe du contradictoire au motif que, dès lors qu'il n'a pas été rendu destinataire de la liste précise des pièces communiquées par le CHU de Brest à l'expert, il ne peut être assuré d'avoir eu connaissance de l'ensemble du dossier ; que, cependant, alors que l'expert indique avoir seulement reçu du CHU le dossier médical de l'intéressé, M.C..., qui a la possibilité d'avoir un accès direct à son propre dossier, ne précise pas quelle autre pièce serait susceptible d'avoir été transmise à l'expert à son insu et d'avoir influencé les conclusions du rapport d'expertise ; que si le requérant soutient que l'expert a, dans son rapport, commis certaines erreurs dans la chronologie des faits, et a indiqué à tort qu'il n'avait pas honoré un rendez-vous post-opératoire dont la date avait été avancée et qu'il avait consulté le service ORL du CHU de Brest à l'invitation du service de dermatologie du même établissement alors qu'il a agi sur ce point de sa propre initiative, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise critiqué, que ces erreurs ou imprécisions, dont il a fait état dans son dire communiqué suite au dépôt du pré-rapport, étaient susceptibles d'avoir une incidence sur les conclusions du rapport définitif ; que, par suite, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les juges de première instance, le moyen tiré de l'irrégularité des opérations d'expertise ne peut qu'être écarté ;

Sur la responsabilité du CHU de Brest :

En ce qui concerne le défaut de prise en charge :

3. Considérant que M. C...soutient que sa maladie n'a pas été traitée avec suffisamment de diligence par le CHU de Brest, que les examens et les traitements proposés ont été incomplets ou trop tardifs, ce qui a permis à sa pathologie d'évoluer et l'a conduit à consulter dans un établissement éloigné de son domicile dont les praticiens ont dû opter pour un traitement plus agressif afin d'enrayer la maladie ; qu'il résulte de l'instruction que M. C... est, compte tenu de son type de carnation et d'une importante exposition au soleil au cours de son existence, un patient à risque pour des carcinomes baso et spinocellulaires ; que, dès lors, la circonstance qu'il a été atteint successivement de deux carcinomes spinocellulaires à caractère récidivant, et qu'un ganglion cervical a été touché sans que, du reste, le lien avec ces deux carcinomes puisse être formellement établi, ne permet pas d'estimer, à lui seul, qu'il n'aurait pas été correctement soigné ; qu'il ressort du rapport d'expertise que le patient a été, en raison de l'évolution et des récidives de ses affections, régulièrement suivi durant deux ans par une équipe pluridisciplinaire de dermatologie, chirurgie plastique et ORL qui a travaillé en concertation et a constamment veillé à ce que les options thérapeutiques soient choisies de manière collective ; que les diagnostics qui ont été posés n'étaient pas erronés et que les traitements proposés étaient conformes aux référentiels de prises en charge disponibles à l'époque ; que la circonstance que l'Institut Gustave Roussy, consulté à partir du 15 mars 2010, a fait le choix, pour tenir compte de l'évolution antérieure et des attentes du patient, d'appliquer d'emblée une stratégie plus agressive que celle proposée par le CHU de Brest, incluant notamment un curage complet des chaines ganglionnaires cervicales et une radiothérapie de sécurité sur le ganglion atteint ainsi que pour le carcinome frontal, ne révèle pas davantage un défaut de prise en charge dans la période antérieure, alors au surplus qu'un tel protocole ne figure pas dans les référentiels de traitement, que les analyses ont montré qu'aucun autre ganglion n'était atteint et que la radiothérapie présente l'inconvénient de rendre la surveillance a posteriori plus difficile à cause de la radiodermite qu'elle provoque ; que, dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le CHU de Brest aurait commis une faute dans sa prise en charge et, notamment, dans le choix et le suivi de son traitement ;

En ce qui concerne le défaut d'information :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est au demeurant pas contesté par le requérant lui-même, que celui-ci a été tenu régulièrement informé par les praticiens du CHU de Brest de l'évolution de son état de santé, de l'utilité des examens, interventions chirurgicales et traitement pratiqués et des risques éventuellement encourus ; que, par suite, M.C..., qui au demeurant n'invoque aucun préjudice qui serait en lien avec la faute qu'il invoque, n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du CHU de Brest sur le fondement des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, que M.C..., la mutuelle Malakoff Médéric et la CPAM des Côtes d'Armor ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les frais d'expertise :

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise judiciaire diligentée par le tribunal administratif de Rennes à la charge de M. C... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Brest, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. C...et à la mutuelle Malakoff Médéric ainsi qu'à la CPAM des Côtes d'Armor de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et de la mutuelle Malakoff Médéric et les conclusions de la CPAM des Côtes d'Armor sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la mutuelle Malakoff Médéric, à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor et au centre hospitalier universitaire de Brest.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15NT02362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02362
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : KERJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-31;15nt02362 ?
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