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22/03/2017 | FRANCE | N°16NT03874

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 mars 2017, 16NT03874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...Mugiraneza ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils avaient formé devant elle à l'encontre de la décision du consul général de France à Dar-es-Salam (Tanzanie) refusant de délivrer à M. Mugiraneza un visa de long séjour pour établissement familial en tant que conjoint d'une ressortissante française, ain

si que la décision du 22 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...Mugiraneza ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils avaient formé devant elle à l'encontre de la décision du consul général de France à Dar-es-Salam (Tanzanie) refusant de délivrer à M. Mugiraneza un visa de long séjour pour établissement familial en tant que conjoint d'une ressortissante française, ainsi que la décision du 22 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de visa long séjour présentée par M. Mugiraneza.

Par un jugement n° 1404407 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. Mugiraneza un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 2 décembre 2016, et un mémoire, enregistré le 1er mars 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer, sur le fondement des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 11 octobre 2016.

Il soutient que :

- il existe des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le tribunal administratif ;

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation et une erreur de qualification juridique en jugeant que M. Mugiraneza, secrétaire général du ministère de la justice, ministre du travail, puis ministre de la Fonction Publique au sein du gouvernement rwandais avant et pendant le génocide, ne pouvait être regardé comme ayant été personnellement impliqué dans des crimes graves contre les personnes ;

- membre influent du MRND, et exerçant des fonctions de responsabilité importantes, il ne pouvait qu'avoir eu connaissance du projet génocidaire en cours et y avoir au moins acquiescé, puisqu'il a consolidé son rôle au sein du régime et l'a même accru au fil des années ;

- il est demeuré en fonction au sein du gouvernement jusqu'à sa chute en juillet 1994, n'a pas démissionné avant le début des massacres et s'est impliqué au sein du régime de façon permanente ;

- il n'a pas non plus démissionné du MRND alors que ce parti se rapprochait de la mouvance " Hutu Power " et développait des milices armées en vue de la préparation du génocide ;

- la chambre d'appel du TPIR l'a acquitté au seul motif qu'elle ne disposait pas d'éléments de preuve suffisants pour retenir sa culpabilité, sans pour autant remettre en cause la réalité de sa participation à la réunion ayant abouti à la destitution du préfet de Butare et à la cérémonie d'investiture de son successeur ;

- les témoignages de 19 tutsis en sa faveur et le secours qu'il aurait apporté aux tutsis en les cachant dans sa maison ne sont pas relatés par la chambre d'appel du TPIR et ne sont donc pas des éléments probants ;

- la venue en France de l'intéressé serait susceptible de provoquer des réactions de mécontentement de la part des associations de rescapés du génocide et de nuire aux relations que la France entretient avec le Rwanda ;

- ces circonstances font obstacle à ce que les décisions entreprises soient regardées comme méconnaissant l'article 8 de la CEDH ;

- la présence de l'intéressé sur le sol français constituerait une menace grave pour l'ordre public qui aurait des conséquences difficilement réparables ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2017, M. et Mme Mugiraneza, représentés par MeB..., concluent au rejet du recours et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens invoqués par le ministre n'est de nature à entraîner le sursis à exécution du jugement contesté.

Un mémoire, présenté pour M. et Mme Mugiraneza, a été enregistré le 5 mars 2017, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu le recours, enregistré le 2 décembre 2016, sous le n° 16NT03865, présenté par le ministre de l'intérieur et tendant à l'annulation du jugement du 11 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de M.A..., représentant le ministre de l'intérieur, et de MeB..., représentant M. et Mme Mugiraneza.

1. Considérant que, par l'article 1er de son jugement du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. et Mme Mugiraneza, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils avaient formé devant elle à l'encontre de la décision du consul général de France à Dar-es-Salam (Tanzanie) refusant de délivrer à M. Mugiraneza un visa de long séjour pour établissement familial en tant que conjoint d'une ressortissante française, ainsi que la décision du 22 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de visa long séjour présentée par M. Mugiraneza ; que, par l'article 2 de son jugement, le tribunal administratif a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. Mugiraneza un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de sa notification ; que le ministre de l'intérieur demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative :

" Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " ; qu'aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction " ;

3. Considérant qu'en l'état de l'instruction aucun des moyens invoqués par le ministre à l'appui de son recours ne paraît être de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté par M. et Mme Mugiraneza ; que, de même, les moyens énoncés par le ministre ne paraissent pas être de nature, en l'état de l'instruction, à justifier qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 2 du jugement attaqué lui enjoignant de délivrer à M. Mugiraneza le visa de long séjour sollicité par ce dernier ; que, par suite, les conclusions du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 octobre 2016 ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de M. et Mme Mugiraneza tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. et Mme Mugiraneza demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur et les conclusions présentées par M. et Mme Mugiraneza au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. et Mme C...Mugiraneza.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2017.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03874

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03874
Date de la décision : 22/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Suspension sursis

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : POULAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-22;16nt03874 ?
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