Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité de liaison du camping-car a demandé au tribunal administratif de Rennes :
- d'annuler la décision du 7 novembre 2011 par laquelle le maire de Cancale a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté n° 104-10 du 15 juin 2010 ;
- d'enjoindre au maire de Cancale d'abroger cet acte réglementaire dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- d'enjoindre à cette autorité de retirer, dans le même délai et dans les mêmes conditions, les panneaux de signalisation routière matérialisant, sur le territoire de la commune, les interdictions contenues dans cet arrêté ;
- de mettre à la charge de la commune de Cancale une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1104977 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mai et 29 octobre 2015, le comité de liaison du camping-car, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 mars 2015 ;
2°) statuant à nouveau, d'annuler la décision du 7 novembre 2011 par laquelle le maire de Cancale a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté municipal n° 104-10 du 15 juin 2010 ;
3°) d'enjoindre au maire de Cancale d'abroger, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, l'arrêté municipal n° 104-10 du 15 juin 2010, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration dudit délai de deux mois ;
4°) d'enjoindre au maire de Cancale de retirer, dans le même délai et dans les mêmes conditions, les panneaux de signalisation routière matérialisant sur le territoire de la commune les interdictions contenues dans l'arrêté ;
5°) de condamner la commune de Cancale aux entiers dépens de l'instance et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué a indiqué que l'erreur commise par la commune dans les visas de l'arrêté ne pouvait être constitutive d'une erreur de droit ; cet arrêté vise la loi du 31 décembre 1913 sans préciser à quelle version du texte il se réfère ; or cette loi a été de nombreuses fois modifiée, puis a été abrogée presque complètement par l'effet de l'article 7 de l'ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004 ;
- l'absence d'aménagement temporel des interdictions de stationnement, applicables 24 heures sur 24, méconnait les dispositions de la circulaire interministérielle du 19 octobre 2004 relative au stationnement des autocaravanes dans les communes, exigeant la limitation du stationnement à certaines zones particulièrement sensibles, tout en préservant le droit à une halte nocturne en quelque endroit de la commune ; le secteur géographique de ces interdictions, même si comme le soutient la commune il ne concerne que 12% de sa voirie en mètres linéaires, dépasse de très loin le seul front de mer et le port et vise de ce fait à dissuader les camping-caristes de se rendre sur le territoire de la commune ; c'est à tort que le jugement a rappelé l'existence d'une aire naturelle d'accueil pouvant recevoir 110 camping-cars, la légalité d'une mesure de police ne pouvant en effet s'apprécier par rapport à l'existence d'une mesure de substitution censée combler les effets de la mesure restrictive de liberté ;
- le choix d'interdire des zones de stationnement aux seuls camping-cars n'est pas justifié ; il conviendrait par exemple d'interdire l'accès au parking situé entre les numéros 33 et 43 de l'avenue Charles de Gaulle, qui présente des difficultés de manoeuvre, à l'ensemble des véhicules de grand gabarit ;
- l'arrêté n'énonce pas dans ses motifs le moindre fait concret de nature à caractériser les dangers que les camping-cars feraient courir à la préservation du bon ordre, de la sûreté et de la salubrité publiques dans la commune ; il prescrit ainsi des mesures disproportionnées par rapport à la situation qu'il est censé combattre ; les notions de pollutions sonore ou visuelle n'ont ainsi aucune existence en droit public français ;
- c'est à tort que le jugement estime qu'un traitement différent pourrait être réservé aux véhicules automobiles de type camping-car, " en raison de leur aménagement intérieur spécifique " ; un camping-car est, selon la directive européenne n° 92-23 CEE du 21 mars 1992, un véhicule routier de la catégorie M1 et ne peut être défini comme un lieu de séjour ; il n'existe aucune raison objective de traiter différemment les camping-cars et les autres types de véhicules de la catégorie M1 ; les camping-caristes ne peuvent être sanctionnés dans leur ensemble en raison d'éventuels agissements, au surplus non démontrés, d'une minorité d'entre eux ; il y a violation du principe d'égalité ;
- la commune a à tort adopté un unique arrêté réglementant le stationnement des véhicules de type M1 et ceux de type O (caravanes) ; cette confusion devra être sanctionnée ;
- c'est à tort que le jugement a considéré que le maire de la commune de Cancale aurait pris les mêmes dispositions réglementaires s'il ne s'était fondé que sur celles de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales, lequel permet de prendre une mesure de police justifiée par les nécessités de la préservation ainsi que de la mise en valeur des espaces, des paysages et des sites ; pourtant, ni les caractéristiques des camping-cars, ni les pièces produites par l'intimée ne permettent de penser que le stationnement dans les zones concernées desdits véhicules compromettrait plus que celui des autres véhicules les objectifs de cet article ; c'est à tort que la commune soutient que la constatation de l'éventuelle illégalité de la mesure contestée par rapport aux dispositions de cet article serait sans incidence sur le litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre 2015 et 13 octobre 2016, la commune de Cancale, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du comité de liaison du camping-car la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire présenté pour le comité de liaison du camping-car a été enregistré le 20 octobre 2016, mais non communiqué.
Une ordonnance du 3 octobre 2016 a porté clôture de l'instruction au 21 octobre 2016 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me Riquier, avocat de l'association requérante et de Me Santos-Pires, avocat de la commune de Cancale.
1. Considérant que, par un arrêté du 15 juin 2010, le maire de Cancale (Ille-et-Vilaine) a réglementé la circulation et le stationnement des camping-cars, caravanes, autocaravanes et véhicules aménagés ; que l'association " comité de liaison du camping-car " a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'annulation de la décision du 7 novembre 2011 par laquelle le maire de Cancale a rejeté sa demande d'abrogation de cet arrêté municipal ; que l'association requérante relève appel du jugement du 12 mars 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que le comité de liaison du camping-car soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur en ce qu'il vise un texte dont certaines des dispositions n'étaient plus en vigueur à la date de son édiction ; que, toutefois, une éventuelle erreur ou omission dans les visas d'un acte administratif est dépourvue d'incidence sur sa légalité ; qu'il n'est pas établi qu'en l'espèce un tel visa serait de nature à révéler que l'arrêté en cause serait fondé sur une erreur de droit ; que, par suite, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'arrêté du 15 juin 2010 vise la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques sans préciser que celle-ci a été modifiée puis abrogée depuis sa promulgation ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-2 du même code, également dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Le maire peut par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : (...) 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains (...) " et qu'aux termes de l'article L. 2213-4 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, économiques, agricoles, forestières ou touristiques (...) " ;
4. Considérant, en l'espèce, que le maire de la commune de Cancale a, d'une part par l'article 1er de son arrêté du 15 juin 2010, interdit la circulation et le stationnement des camping-cars, caravanes, autocaravanes et véhicules aménagés dans vingt-sept rues ou zones précisément énumérées, d'autre part par son article 2, interdit le stationnement des mêmes véhicules dans douze zones ou rues désignées, enfin, interdit le camping, y compris des camping-cars, en dehors des emplacements ou lieux organisés à cet effet, sur tous les sites protégés, inscrits ou classés et dans le périmètre de protection des monuments historiques ainsi que sur tout terrain nu, ce afin de prévenir les difficultés de circulation dans les rues parfois étroites de la ville, d'éviter toute obstruction visuelle des perspectives monumentales, des panoramas et des paysages protégés, ainsi que tout dépôt sauvage d'ordures, et dans le but de préserver les activités touristiques ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les zones interdites à la circulation et au stationnement des camping-cars représentent une partie limitée du territoire communal, évaluée de manière non contestée par la commune à 12 % de sa voirie, correspondant essentiellement au centre-ville et au front de mer de cette zone urbaine centrale ; que la commune dispose en outre, pour les véhicules de type camping-cars, d'une aire de stationnement aménagée de cent-dix emplacements au lieu dit de " la ville Ballet ", à proximité immédiate du port de la Houle et comportant un accès piétonnier direct à la mer, dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle serait insuffisante ; que, dans ces conditions, alors même que l'interdiction ne comporte pas de limitation horaire, dans cette commune dont certaines voies du centre-ville sont très étroites, qui connaît une fréquentation touristique importante et bénéficie d'une situation environnementale particulièrement favorable eu égard à la présence de nombreux sites protégés et classés, la limitation ainsi apportée à la circulation et au stationnement des camping-cars ne revêt pas le caractère d'une interdiction d'une généralité excessive au regard de l'objectif recherché de préservation de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, de la protection de l'environnement et des activités touristiques au sens des dispositions susmentionnées des articles L. 2212-2, L. 2213-2 et L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
7. Considérant qu'eu égard au caractère habitable des camping-cars, aménagés pour permettre à leurs occupants d'y passer la nuit, cette réglementation ne porte pas atteinte au principe d'égalité entre les usagers du domaine public routier au détriment de ceux qui utilisent ce type de véhicule, notamment, par rapport à ceux qui utilisent d'autres véhicules de la catégorie M1 au sens de l'article R. 311-1 du code de la route ; qu'enfin, la méconnaissance alléguée d'une circulaire interministérielle du 19 octobre 2004, dénuée de toute valeur réglementaire, est inopérante ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que le comité de liaison du camping-car ne démontre pas en quoi l'arrêté qu'il conteste serait illégal en ce qu'il concerne à la fois le stationnement des véhicules de type M1 et ceux de type O ;
9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, qui prévoient expressément la prise en compte par le maire, dans le cadre de ses pouvoirs en matière de police de la circulation et du stationnement, de la préservation des divers éléments de l'environnement, que l'arrêté municipal du 15 juin 2010 ne saurait être regardé comme entaché d'erreur de droit en tant qu'il est fondé, notamment, sur les nécessités de la protection, y compris esthétique ou visuelle, des sites et paysages ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le comité de liaison du camping-car n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 novembre 2011 par laquelle le maire de Cancale a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 15 juin 2010 ;
Sur la demande d'injonction sous astreinte :
11. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par le comité de liaison du camping-car ne peuvent par suite qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) " ; que la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions du comité de liaison du camping-car tendant à ce que la commune de Cancale soit condamnée à lui verser les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cancale, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le comité de liaison du camping-car demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du comité de liaison du camping-car la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Cancale au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association comité de liaison du camping-car est rejetée.
Article 2 : L'association comité de liaison du camping-car versera à la commune de Cancale une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association comité de liaison du camping-car et à la commune de Cancale.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01467